Il est inédit que deux présidents de la Ve République passent l’un après l’autre devant une commission d’enquête parlementaire. Nicolas Sarkozy et François Hollande ont pourtant bien été interrogés tour à tour par un groupe de députés chargés d’établir les causes de « la perte de souveraineté et d’indépendance énergétique en France ».
Tout comme le duel entre Nicolas Sarkozy et François Hollande à la course à l’Élysée en 2012 s’était fait sous les projecteurs, leurs auditions successives à l’Assemblée nationale le jeudi 16 mars ont été diffusées en direct, pendant plus de cinq heures, laissant au premier plan de l’actualité le recours au 49.3 du gouvernement afin de faire adopter sans vote son projet de réforme des retraites.
Aucun des deux prédécesseurs d’Emmanuel Macron n’a pour autant minimisé l’importance des questions que la commission d’enquête menée par le député (LR) du Haut-Rhin Raphaël Schellenberger leur a posées. En effet, pour Nicolas Sarkozy, le nucléaire « est un sujet d’indépendance majeur » et « un sujet de présidents de la République ». Tandis que François Hollande a prétendu qu’il avait « défendu la filière nucléaire tout en travaillant pour qu’elle puisse être complétée par une montée des énergies renouvelables ».
Un accord électoral « politique et idéologique » entre le PS et les Verts
Nicolas Sarkozy a critiqué son successeur en dénonçant un « lobby anti-nucléaire » à l’image de l’accord électoral entre le Parti socialiste (PS) et les Verts pendant la campagne présidentielle de 2012 : « Il prévoyait, les mots ont un sens, 24 fermetures sur 58 réacteurs pour réduire de 74 à 50 % la part du nucléaire dans la production électrique française ».
Il s’agit d’un « accord de coin de table » selon les termes d’Arnaud Montebourg qui a été entendu par la même commission d’enquête le 2 mars. L’ancien ministre de l’Économie de François Hollande n’a pas mâché ses mots sur le sujet : « On s’est mis d’accord sur un accord politique de manière à marquer les esprits. Et on s’est retrouvé avec un programme qui indiquait qu’il fallait fermer 24 réacteurs. Et après, vogue la galère. »
Pour se défendre, François Hollande a avancé que « la galère » vécue par le secteur nucléaire français n’était « en aucune manière la conséquence d’une décision politique ou d’un arrangement électoral remontant à plus de 10 ans ». Cependant, il a affirmé que c’était un accord qui « comportait des dispositions inquiétantes pour la filière nucléaire » : « C’est pour ça que je ne les ai pas reprises ».
Néanmoins, sa ministre de l’Environnement entre 2014 et 2017, Ségolène Royal, a déclaré à la commission d’enquête qu’elle assumait l’accord passé avec les Verts. Ségolène Royal a répété plusieurs fois le verbe « assumer » devant les parlementaires, malgré le fait que « cet accord politique n’est pas techniquement robuste par rapport à des études d’impact ».
Mais en réalité, « les 50 % n’était le résultat d’aucune étude d’impact ou d’analyse de besoin », a souligné Emmanuel Valls, Premier ministre à l’époque, lorsque celui-ci a été interrogé sur le sujet par la commission : « L’optique était politique. Passer de trois quarts à la moitié la part du nucléaire dans la consommation électrique avec dans l’esprit que le développement des ENR était peut-être entravé par la place du nucléaire et qu’il fallait la libérer pour d’autres énergies ».
« Vouloir détruire la filière, c’est trahir l’intérêt national »
L’idée de développer d’autres énergies que le nucléaire a germé bien avant l’ère de François Hollande, à en croire Nicolas Sarkozy qui a avoué : « Les éoliennes offshore au large du Pays de la Loire, c’est moi qui les ai décidées. Mais elles ont été inaugurées non pas par mon successeur mais par Monsieur Macron ».
En évoquant cet exemple sur les éoliennes offshore, Monsieur Sarkozy a voulu expliquer aux parlementaires l’importance de la question nucléaire, qui faisait « objet d’un consensus politique » de président en président : « J’ai été ministre de Monsieur Mitterrand pendant la cohabitation. Il n’a jamais remis en cause le nucléaire ».
« Toute ma vie politique, j’ai pensé que la filière nucléaire était une chance pour la France. Je n’ai jamais changé d’avis, » continue Nicolas Sarkozy avant de dénoncer l’abandon de l’ERP de Penly par François Hollande : « Je rappelle que ce projet a été arrêté par François Hollande. Pourquoi, personne n’en sait rien. Nous avons perdu douze ans. »
À cela s’ajoutait la « fermeture de l’installation de retraitement de La Hague », la « fermeture de la production de combustible de Marcoule » et finalement la décision de fermer la centrale de Fessenheim, qui était dans l’accord entre les Verts et le PS, « sans aucune raison valable » pour la « remplacer par la centrale de Flamanville, alors qu’on savait que le chantier avait du retard », a souligné Nicolas Sarkozy, avant de conclure : « Vouloir détruire la filière, c’est trahir l’intérêt national ».
Cependant, d’après le président de la commission d’enquête sur la perte de souveraineté énergétique, Raphaël Schellenberger, tout ne peut relever de la seule responsabilité du Président Hollande : « François Hollande et Ségolène Royal avaient créé beaucoup d’agitation sur ce dossier mais n’avaient engagé aucune action concrète. C’est bien Emmanuel Macron qui assume de fermer ce site et de casser ce territoire, et qui dans les trois ans avec cette décision, n’a pas mis les moyens pour accompagner ce territoire ».
Emmanuel Macron a été ministre de l’Économie sous François Hollande en 2014 et 2016. Lors de son premier quinquennat présidentiel, on a assisté non seulement à la fermeture de la centrale de Fessenheim mais aussi à l’abandon d’ASTRID, un projet de prototype de réacteur nucléaire français de quatrième génération, initié en 2006 et qui a déjà coûté environ 738 millions d’euros. En 2022, les centrales nucléaires françaises n’ont produit que 279 TWh, le plus bas niveau depuis 1988.
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