Qu’est-ce qui explique l’intérêt de l’administration Trump pour la révision du traité sur le canal de Panama ?
Il y a plusieurs choses.
Bien que le Panama soit techniquement propriétaire du canal, la Chine exploitait les ports à ses deux extrémités. Cela donnait à Pékin la possibilité de militariser son contrôle sur le canal avec des infrastructures à double usage, ce qui pourrait lui permettre d’interdire l’accès à cette voie nautique essentielle, en particulier pour les États-Unis.
La Chine est le deuxième utilisateur du canal, derrière l’Amérique. Certains pensent que l’influence de la Chine a déjà entraîné une augmentation disproportionnée des coûts de transit pour les autres pays et qu’elle viole la politique de neutralité du Panama, négociée par un traité avec les États-Unis en 1978.
L’administration Trump estimait que ce traité a déjà été rompu et que ses demandes envers le Panama ont été donc justifiées. Elle estimait également que le contrôle de facto du canal de Panama par Pékin constituait une menace directe pour les intérêts économiques, militaires et géopolitiques des États-Unis et leurs alliés dans la région et dans le monde.
La « stratégie de Panama » devient mondiale
Dans un contexte plus large, le Parti communiste chinois (PCC) a renforcé sa présence et son influence en Amérique latine, comme il l’a fait dans de nombreuses régions stratégiques du monde – et ce, premièrement grâce à son titanesque programme « Initiative Ceinture et Route (ICR) ». Ce programme, souvent qualifié de « nouvelle route de la soie », vise à renforcer l’influence géopolitique de la Chine dans le monde entier en se reliant aux marchés d’Asie, d’Afrique, d’Europe, d’Océanie et d’Amérique latine par le biais d’investissements dans diverses infrastructures importantes de transports, d’énergie et de télécommunications.
L’ICR a été accusée d’influence politique et d’infiltration, elle a été également souvent critiquée pour avoir créé des pièges de la dette pour les pays participants, ce qui a entraîné une certaine perte de leur souveraineté et de leur contrôle sur les ports et autres infrastructures construits par la Chine.
L’abandon par le Panama du contrôle économique du canal au profit de Pékin est un excellent exemple de la stratégie globale de l’État-parti chinois. Sa « stratégie de Panama » est un moyen de prendre de manière systématique le contrôle des voies navigables, des routes maritimes et des ports stratégiques dans le monde entier.
Les principaux éléments de cette stratégie consistent à établir une présence navale mondiale, à étendre son influence par le biais des accords de l’ICR et à construire des sites militaires et des îles artificielles militarisées dans des endroits clés du monde. L’objectif est d’étendre le pouvoir du régime chinois afin de renverser le système commercial mondial et la politique d’ouverture des voies maritimes soutenue par l’Occident. Le canal de Panama est l’une des nombreuses voies navigables stratégiques que la Chine contrôlait par le biais d’investissements dans les infrastructures et/ou d’une présence militaire.
Le grand jeu de Pékin
Pour Pékin, le plus important est la mer de Chine méridionale. En tenant compte que cette région est proche de la Chine et qu’environ 3000 milliards de dollars d’échanges commerciaux (un tiers du trafic maritime mondial) y transitent chaque année, la Chine y a construit des îles artificielles et des installations militaires pour affirmer sa domination. Il va sans dire que cela remet directement en question la sécurité des pays de la région – de la Corée du Sud au Japon en passant par Taïwan. Cette situation a conduit à des tensions croissantes de la Chine avec ses voisins et les puissances mondiales, en particulier avec Taïwan et les États-Unis.
Le détroit de Malacca est un autre passage très important pour le commerce mondial, avec une forte présence commerciale de la Chine à travers l’ICR. Avec 60 % de ses importations et 80 % de ses importations de pétrole en provenance du Moyen-Orient passant par le détroit de Malacca, celui-ci constitue une vulnérabilité stratégique pour Pékin.
Le régime chinois exerce également une influence importante dans la zone économique du canal de Suez. L’Égypte participe dans l’ICR. Le canal de Suez, qui se trouve sur son territoire, représente un passage vital reliant la mer Méditerranée à la partie supérieure de la mer Rouge et permettant à la Chine de surveiller et éventuellement de contrôler le commerce entre l’Europe, l’Asie et l’Afrique.
Par le biais de l’ICR, la Chine est également présente le long de plusieurs autres voies navigables clés et dispose d’installations militaires à proximité ou sur ces voies, notamment comme dans le cas du détroit d’Ormuz. Cet important « goulot d’étranglement » pétrolier relie le golfe Persique à la mer d’Oman et au reste du monde. La Chine a établi un partenariat stratégique avec l’Iran, qui contrôle le détroit. Pékin dispose également d’une base militaire stratégique à Djibouti lui permettant de projeter sa puissance militaire sur la mer Rouge et le golfe d’Aden.
Peut-on contrer les grandes ambitions de Xi Jinping ?
La stratégie de l’accroissement de la puissance maritime de la Chine est en vigueur depuis l’arrivée du chef du PCC, Xi Jinping, à la direction de la Chine en 2013. La prise de contrôle des principales voies navigables reflète sa stratégie plus large qui vise à façonner les flux de marchandises et de l’énergie à travers les principaux « goulots d’étranglement » mondiaux.
L’objectif est d’assurer la montée de la Chine au rang d’hégémonie mondiale en s’appuyant sur quatre domaines stratégiques : la domination économique, une puissance et une présence militaires stratégiques inégalées, une influence géopolitique sans contrôle dans toutes les régions commerciales du monde et la sécurité énergétique.
Par définition, pour que les plans du chef du PCC réussissent, le monde démocratique doit échouer. Le « rêve chinois » d’hégémonie mondiale dépend de la capacité du régime à détrôner tout d’abord l’Amérique, en tant que première puissance occidentale, dans chacun de ces domaines. Telles sont les véritables ambitions de Xi Jinping et de son Parti communiste.
Il paraît que l’administration Trump est non seulement consciente des ambitions de Pékin, mais qu’elle est aussi prête à les défier. La récente annonce d’un consortium américain d’investisseurs, mené par BlackRock, du rachat au géant hongkongais CK Hutchison des deux ports situés aux entrées du canal de Panama, semble être un point de départ.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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