Tandis que la Commission européenne a mis en suspens le plan visant à réduire l’usage des pesticides, des associations de riverains d’exploitations agricoles expriment leur colère.
Dans un nouveau gage donné aux agriculteurs, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a porté mardi le coup de grâce à un projet législatif, déjà bloqué par les eurodéputés, visant à réduire l’usage des pesticides. Élément-clé du « Pacte vert », ce texte proposé mi-2022 par Bruxelles prévoyait des objectifs contraignants pour réduire de moitié d’ici 2030 l’utilisation et les risques des produits phytosanitaires chimiques dans l’UE par rapport aux années 2015-2017.
« C’est devenue un symbole de polarisation », a déploré Mme von der Leyen devant le Parlement européen à Strasbourg (France), alors que les agriculteurs en colère dénoncent depuis des semaines des normes écologiques excessives. « Pour avancer, davantage de dialogue et une approche différente sont nécessaires. La Commission pourrait faire une nouvelle proposition beaucoup plus mûre, avec la participation des parties prenantes », a ajouté Mme von der Leyen, sans indiquer de calendrier.
« Les agriculteurs ont besoin de raisons économiques d’adopter des mesures de protection de la nature, peut-être n’avons-nous pas exposé ces raisons de manière convaincante », a-t-elle regretté. Le Copa-Cogeca, organisation regroupant les syndicats agricoles majoritaires au niveau européen, avait fustigé « un pur texte idéologique, mal calibré, irréaliste et non financé ».
La colère des associations de riverains
De leur côté, des associations de riverains d’exploitations agro-industrielles expriment leur colère. Elles déplorent être les « victimes collatérales » de la mise en pause annoncée jeudi par le gouvernement du plan Ecophyto, censé engager une réduction progressive des pesticides, dans une tribune transmise à l’AFP.
« Nous, riverains, vivants des campagnes, voulons que chaque agriculteur et agricultrice puisse vivre dignement de son travail tout en garantissant la protection de la biodiversité et de la santé de tous », écrivent Alerte Pesticides Haute Gironde, Avenir Santé Environnement, le Collectif de Soutien aux Victimes des Pesticides de l’Ouest, Riverains Ensemble Durance, Stop aux Cancers de nos Enfants et Vaurais Nature Environnement, dans ce texte envoyé dimanche soir.
« Que nous ne courrions plus le risque, lorsque nous sortons dans nos jardins, que nous buvons notre eau ou que nos enfants partent à l’école, de contaminations chroniques par des pesticides », poursuivent les associations, qui regrettent le manque de « transparence » et d’informations sur les produits épandus.
« Avant un épandage, nous ne sommes pas prévenus. Si nous sommes absents, nous ne savons pas que le linge, les jeux des enfants, les fruits et légumes qu’on cultive sont touchés. Le centre antipoison nous conseille de tout nettoyer : fruits et légumes, tables et chaises de jardin, jouets… », ajoute le collectif.
« Nos enfants sont les plus vulnérables, et nombreux sont touchés par des cancers pédiatriques », souligne-t-il.
Selon ces associations, l’annonce jeudi par le Premier ministre Gabriel Attal d’une suspension des négociations autour du futur plan Ecophyto 2030 censé réduire de moitié l’utilisation des pesticides d’ici 2030 (par rapport à 2015-2017) est « une farce puisque celui-ci prévoyait de continuer à ne rien exiger ». Mais c’est aussi un « signal fort annonçant que la réduction de l’usage des pesticides n’est plus à l’ordre du jour », ajoutent-elles.
Des contraintes intenables pour les agriculteurs
Le Premier ministre belge Alexander De Croo, dont le pays occupe la présidence tournante de l’UE, a salué le retrait : « Il est crucial de garder les agriculteurs de notre côté pour un avenir plus durable de l’agriculture, le dialogue continue », a-t-il estimé. « Longue vie aux agriculteurs, dont les tracteurs forcent l’Europe à revenir sur la folie » qui leur est « imposée », a renchéri le vice-Premier ministre italien Matteo Salvini.
Le Parlement européen avait rejeté la proposition pesticides fin novembre, après des amendements d’élus PPE (droite) la vidant largement de sa substance pour éviter au monde agricole des contraintes considérées intenables. Un blocage rarissime qui contribuait à l’enterrer de facto à quelques mois des élections européennes de juin 2024, alors que le « Pacte vert » de l’UE fait figure d’épouvantail.
Théoriquement, les ministres de l’Agriculture pouvaient continuer à débattre du texte, mais les négociations entre les Vingt-Sept étaient durablement enlisées, plusieurs États s’alarmant de l’impact sur les rendements et la souveraineté alimentaire.
Bruxelles devrait prochainement annoncer une feuille de route visant un objectif climatique pour 2040, qui devrait relativement épargner l’agriculture (11% des émissions de gaz à effet de serre européennes).
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