Ali Abdi Elmi a soif, et son voyage à travers le désert somalien s’annonce long et pénible. Le nomade se tourne vers l’un de ses dromadaires, fait couler un peu de son lait dans une coupe en bois et se délecte d’une grande rasade.
« J’ai cinq enfants et nous dépendons tous du lait de dromadaire pour survivre », commente cet homme de 40 ans à la peau tannée par le soleil, rencontré à plus d’une heure de Hargeisa, au Somaliland, région du nord-ouest de la Somalie qui a fait sécession depuis 1991.
Le dromadaire en Somalie, célébré dans les chants populaires
Pour beaucoup de Somaliens, le camélidé est un cadeau des dieux: source de lait et de viande, bête de somme des longues transhumances dans le désert et – tandis que les événements climatiques extrêmes se multiplient dans la Corne de l’Afrique – valeur refuge en temps de crise.
Réputé hautain et grincheux, le dromadaire est en Somalie célébré dans les chants populaires comme un symbole de prospérité. On l’échange lors des mariages ou pour régler des conflits.
Lait, viande et pouvoir: en Somalie, le dromadaire est roi | AFP https://t.co/riL4AuhSYS via @YouTube
— Cecile Braconnier (@braco001) November 16, 2021
Le bétail un pilier de l’économie de la Somalie
L’élevage de dromadaires, ou d’autre animaux, est un pilier de l’économie de la Somalie, pays rural de quelque 15 millions d’habitants parmi les plus pauvres au monde, dévasté par les guerres et les catastrophes climatiques.
L’industrie du bétail est l’un des principaux contributeurs à la croissance économique en Somalie et représente, en temps normal, 80% des exportations selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
Les dromadaires sont largement moins nombreux que les moutons et les chèvres. Mais avec sept millions de têtes, la Somalie en accueille l’un des plus importants cheptels au monde.
Conférant du respect à leur propriétaire, ils sont aussi une source de richesse.
Une bête robuste peut coûter jusqu’à 1.000 dollars
« Nous n’avons pas de pétrole. Les dromadaires sont notre pétrole », affirme Abdi Rashid, un marchand du plus grand marché au bétail de Hargeisa, capitale du Somaliland.
Une bête particulièrement robuste peut coûter jusqu’à 1.000 dollars (860 euros), estime Khosar Abdi Hussein, le chef du marché, où le lait est vendu frais et où même l’urine de dromadaire – à laquelle on prête de nombreuses vertus – est embouteillée.
Les ventes sont conclues par des poignées de mains serrées sous le secret des grands châles portés par les chameliers. Le nombre d’articulations et de doigts que l’on touche ainsi permet de déterminer le prix.
La transaction est finalisée par un transfert d’argent mobile, seule touche de modernité à ce commerce millénaire.
« Les dromadaires sont très importants dans la culture somali parce que quelqu’un est considéré comme riche ou peut monter en statut social en fonction du nombre de dromadaires qu’il a », poursuit M. Hussein, qui affirme en posséder neuf.
Mais en Somalie, où près de 70% de la population vit dans la pauvreté selon la Banque mondiale, peu de gens possèdent ne serait-ce qu’un seul dromadaire.
Considère ses bêtes comme un don de Dieu
M. Elmi fait partie des deux tiers de Somaliens qui élèvent du bétail et, bien qu’il en tire des revenus limités comparé aux marchands, il considère ses bêtes comme un don de Dieu.
L’animal continue de produire du lait même dans les périodes de sécheresse, nourrissant les nomades qui peuvent passer un mois dans le désert sans autre moyen de survie.
« Le lait est bon pour nous, parce que les chameaux paissent sur des arbres aux propriétés médicinales qui aident à combattre les maladies », raconte M. Elmi.
Dans les périodes difficiles, l’éleveur peut toujours vendre du lait pour acheter des biens essentiels pour sa famille.
Lorsque ce n’est plus suffisant, il peut faire abattre l’une de ses bêtes et vendre en ville sa viande, considérée comme un mets de choix.
La vie des éleveurs est difficile et rendue plus dure encore par les pluies de plus en plus erratiques dans la Corne de l’Afrique qui s’assèche rapidement selon des scientifiques américains.
Le réchauffement climatique force les nomades à parcourir de plus grandes distances pour trouver eau et pâturages.
Le #cyclone #Gati a touché terre en #Somalie en catégorie 3. Nombreuses #inondations signalées sur la péninsule de #Hafun et au moins 8 victimes en raison de #vents violents et cumuls dépassant les 200mm/24h sur une région recevant en moyenne moins de 100mm/an. pic.twitter.com/MV4fHooGTA
— Guillaume Séchet (@Meteovilles) November 23, 2020
Fin 2020, le cyclone Gati – la tempête tropicale la plus forte ayant jamais touché la Somalie – a tué des milliers de dromadaires et autre têtes de bétail. Les inondations avaient alors transformé le désert en mer.
Décimer jusqu’à 60% des troupeaux
Deux ans plus tôt, une sécheresse prolongée avait décimé jusqu’à 60% des troupeaux dans certaines parties du pays, selon la FAO.
Ces pertes ont pour conséquence systématique d’augmenter la faim en Somalie, poussant des millions de personnes a fuir vers des villes qui leurs sont étrangères.
Au Somaliland, les autorités veulent relocaliser ces déplacés le long du Golfe d’Aden – un environnement inconcevable pour les gens du désert.
Hussein, le patron du marché, ne voit pas les chameliers se convertir à la pêche: « Ici, le dromadaire est roi ».
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