Depuis quelques jours, des caméras de vidéosurveillance sont installées dans les zones aux alentours des épreuves des Jeux Olympiques. À votre insu, votre démarche, votre comportement, vos habits, etc. vont être analysés par une intelligence artificielle afin de détecter des évènements suspects.
Si vous êtes considérés comme ayant un comportement suspect, une alerte sera transmise à un opérateur humain par la machine qui vérifiera la validité ou pas de cette alerte. Une expérimentation qui n’est pas exempte de zones d’ombres, car pour assurer la sécurité des JO, ce sont tous les riverains qui sont potentiellement suspectés, suivis et surveillés.
Un dispositif particulièrement intrusif dans la vie des riverains, qui pourrait se généraliser ensuite dans les grandes villes et pour tout évènement sportif ou culturel.
La France, premier pays européen à légaliser la vidéosurveillance algorithmique
Le texte de loi sur Jeux olympiques adopté en avril 2023 autorise jusqu’à mars 2025 le recours à la vidéosurveillance algorithmique (VSA), soit des caméras dotées d’algorithmes, dans huit situations précises, comme le non-respect du sens de circulation, le franchissement d’une zone interdite, la présence ou l’utilisation d’une arme, un départ de feu, un mouvement de foule, une personne au sol, une densité trop importante ou un colis abandonné, en vue d’alerter pompiers, policiers ou gendarmes.
Transports, voie publique autour des sites olympiques, gares : la VSA va s’offrir un baptême grandeur nature aux Jeux olympiques de Paris, sous l’œil inquiet d’associations de défense des libertés individuelles et de protection des données personnelles, qui voient dans l’expérimentation prévue jusqu’en 2025 un prélude à sa généralisation.
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Elle pourra ainsi être expérimentée pour les « manifestations sportives, récréatives ou culturelles » qui seraient « particulièrement exposées à des risques d’actes de terrorisme ou d’atteintes graves à la sécurité des personnes », encadre la loi.
L’association La Quadrature du Net dénonce notamment « un traitement biométrique des données particulièrement intrusif », avec une analyse des vêtements, de la taille ou de la démarche des personnes, même s’il ne comporte pas de reconnaissance faciale.
« C’est un dispositif de filature automatisée où on va pouvoir, avec une fonctionnalité d’identification, suivre à travers toute la gare les personnes qui auraient déposé un bagage abandonné », a détaillé Bastien Le Querrec, juriste de La Quadrature du Net. « Nous estimons cette surveillance contraire au droit européen et français en matière de protection des données personnelles », a-t-il ajouté.
Katia Roux d’Amnesty International cite l’exemple des Jeux de Londres en 2012. Des technologies de surveillance, notamment la reconnaissance faciale, y avaient été expérimentées et « à la fin de l’événement, ces mesures dites exceptionnelles sont restées », note-t-elle. « Il n’y a jamais eu d’évaluation indépendante, objective, qui prouve l’efficacité de ces technologies pour limiter la criminalité, pour lutter contre le terrorisme », continue Katia Roux, qui craint que les JO accélèrent leur déploiement.
« La France s’insère malheureusement dans cette tendance en devenant avec les JO de Paris le premier Etat membre de l’UE à légaliser la vidéosurveillance algorithmique », s’inquiète-t-elle.
Quatre entreprises chargées de la vidéosurveillance algorithmique
Le ministère de l’Intérieur a attribué le marché public de la vidéosurveillance algorithmique des Jeux olympiques de Paris à quatre entreprises, pour un montant total de 8 millions d’euros.
Chacun des quatre lots attribués — évalué chacun à un montant maximum de 2 millions d’euros — consiste en « la fourniture d’une solution algorithmique », son installation et son démontage, la formation des « acteurs de terrain », et un accompagnement dans la mise en œuvre. Il restera à vérifier après les Jeux, si ces caméras sont effectivement retirées.
Les marchés ont été attribués à Wintics (basée à Paris), Videtics (située dans la technopôle de Sophia-Antipolis près de Nice), Orange Business (Seine-Saint-Denis) et au groupe français Chapsvision, spécialiste de l’analyse de données (Hauts-de-Seine).
Le cofondateur Mathias Houllier de la société parisienne Wintics a décrit à l’AFP le fonctionnement de son logiciel. Sur l’écran de son ordinateur, des images prétextes de vidéosurveillance d’une rue, enrichies de formes colorées pour délimiter des zones de stationnement interdit.
« L’opérateur va sélectionner des véhicules qui ne doivent pas se trouver dans cette zone », explique-t-il. Il paramètre ensuite un « seuil de déclenchement » de 20 secondes au-delà duquel une alerte est transmise pour « attirer l’attention de l’opérateur sur un événement ». Le logiciel « n’analyse pas les visages, ne lit pas les plaques d’immatriculation, il n’a pas recours à des méthodes d’identification, il va seulement détourer des objets comme des systèmes d’ombres chinoises », assure Mathias Houllier.
Une plainte déposée à la CNIL
L’association La Quadrature du Net a annoncé début mai avoir déposé une plainte devant la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) contre un dispositif de vidéosurveillance algorithmique expérimenté par la SNCF dans plusieurs gares.
La plainte vise un dispositif, baptisé « Prevent PCP », de détection de bagages abandonnés et de suivi de leur propriétaire via une méthode d’analyse automatisée des images.
Il a été mis en place par la SNCF « au moins depuis septembre 2023 et au moins jusqu’à août 2024 » dans la gare du Nord et la gare de Lyon à Paris et dans la gare de Marseille-Saint-Charles, selon La Quadrature du Net, qui se présente comme défenseur des libertés fondamentales dans l’environnement numérique.
Les techniques de surveillance utilisées par la SNCF « dépassent le cadre de la loi JO », a estimé Noémie Levain, juriste à La Quadrature du Net, lors d’une conférence de presse. La Quadrature du Net demande dans sa plainte à la Cnil de contrôler la légalité du dispositif, d’enjoindre à la SNCF de cesser de l’utiliser, de supprimer les données recueillies et de sanctionner la SNCF pour sa violation présumée de la loi informatique et libertés.
L’avènement d’une société de surveillance
Pour le gouvernement et les entreprises impliquées, tout est fait dans la légalité, mais, comme pour l’enquête administrative obligatoire pour avoir le « Pass Jeux » afin de pouvoir se déplacer librement, nous assistons à une intrusion forcée dans notre vie privée et l’avènement d’une société de surveillance technologique. Et on le sait bien, une fois l’expérimentation validée, s’ajouteront des outils plus élaborés et encore plus intrusifs, au nom de la sécurité.
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