À quelques jours du scrutin en Allemagne, les questions d’immigration, d’économie et de sécurité sont au cœur des préoccupations, notamment après une série d’attaques violentes impliquant des demandeurs d’asile.
Une série d’attaques terroristes très médiatisées, dont une récente à Munich, a intensifié le débat public sur l’immigration, dans un contexte où les électeurs se rendront aux urnes le 23 février.
Selon les analystes, les évènements ayant eu cours le 13 février, alors qu’un demandeur d’asile afghan a foncé dans la foule à Munich, blessant au moins 30 personnes, pourraient être un facteur décisif dans le choix des électeurs.
« L’événement de Munich, en particulier, aura un impact sur les élections », a affirmé à Epoch Times Richard Schenk, chercheur au groupe de réflexion MCC Brussels.
Il a expliqué qu’en Allemagne, les électeurs prennent généralement une semaine pour analyser et réagir à un enjeu.
« Nous sommes, en fait, à 10 jours du scrutin, c’est un timing parfait pour lancer un programme », a-t-il affirmé.
À l’instar de nombreux pays d’Europe, l’Allemagne est en proie à des difficultés économiques et à des bouleversements politiques qui ont finalement entraîné la chute de son gouvernement de coalition et déclenché des élections.
La plus grande économie manufacturière d’Europe est entrée dans sa deuxième année de contraction, subissant les impacts de la perte du gaz russe à bas prix, la fermeture historique d’usines Volkswagen et la concurrence féroce des véhicules électriques chinois moins onéreux.
L’immigration
Au cours des dernières années, la coalition formée du Parti social-démocrate d’Allemagne (Sozialdemokratische Partei Deutschlands, SPD), un parti de centre-gauche du chancelier Olaf Scholz, du Parti libéral-démocrate (Freie Demokratische Partei, FDP), favorable aux entreprises, et du Parti vert a perdu du terrain.
Les partis établis font face à la montée du Parti Alternative pour l’Allemagne (Alternative für Deutschland, AfD), qui réclame des contrôles stricts aux frontières, une diminution du nombre de demandeurs d’asile, l’abandon des objectifs de carboneutralité, la protection de ce qu’il considère comme la culture allemande traditionnelle, affirmant que « l’islam n’appartient pas à l’Allemagne ».
S’il est envisageable que l’AfD, soutenue par Elon Musk, termine deuxième parti le plus important, elle reste politiquement isolée par une barrière stricte des partis établis, ce qui l’empêche d’entrer au gouvernement.
Des autorités locales ont officiellement classé certaines branches de l’AfD, les sections « Jeune Alternative » de Thuringe et Saxe, dans la catégorie des « extrémistes de droite ».
L’AfD, de même que l’Alliance Sahra Wagenkneckt (Bündnis Sahra Wagenknecht, BSW), un nouveau parti politique de gauche, sont les plus durs en ce qui concerne l’immigration.
D’autres partis de l’establishment se sont également éloignés de plus en plus de leurs propres positions progressistes de longue date sur l’immigration.
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L’Allemagne a rétabli les contrôles aux frontières en septembre dans le cadre d’une politique plus stricte en matière d’immigration et de criminalité transfrontalière. Le chancelier Olaf Scholz a annoncé le prolongement de ces mesures de contrôle pour une durée de six mois à compter du 12 février.
« Quiconque n’est pas citoyen allemand et commet des crimes de ce type doit s’attendre à ce que nous l’expulsions de ce pays », a déclaré M. Scholz à la chaîne publique ZDF, après l’attentat de Munich.
Cette annonce intervient alors que l’Allemagne fait face à une série d’attaques terroristes particulièrement choquantes.
En décembre, six personnes ont perdu la vie lors d’un attentat sur le marché de Noël de Magdebourg.
Le mois dernier, un enfant en bas âge et un adulte ont perdu la vie lors d’une attaque au couteau dans la ville bavaroise d’Aschaffenburg.
En août dernier, un suspect syrien de 26 ans a été arrêté après une attaque au couteau meurtrière lors d’un festival à Solingen, où trois personnes ont perdu la vie et huit ont été blessées. Le suspect s’est rendu le lendemain de l’attaque au « Festival de la diversité », qui célébrait le 650e anniversaire de Solingen.
Le groupe terroriste ISIS a revendiqué l’attaque au couteau.
Richard Schenk a souligné que ces évènements concernent souvent des demandeurs d’asile ou des individus déjà connus des forces de l’ordre.
Il a affirmé qu’« à chaque fois, c’était évident » que les forces de l’ordre étaient totalement débordées par le grand nombre de migrants qui causaient des problèmes et qui devaient être expulsés.
« Les tribunaux sont débordés. Les bureaux d’immigration sont débordés, et il est clair qu’il faut faire quelque chose face à cette situation », a-t-il déclaré.
Selon les données officielles sur la criminalité, en 2023, 34,4 % des suspects étaient des ressortissants étrangers, soit une hausse de 13,5 % par rapport à l’année précédente. En comparaison, la part des suspects allemands a seulement augmenté de 1 % durant cette période.
Les personnes qui ne sont pas d’origine allemande représentent 15 % de la population.
Le pays a connu une transformation démographique significative, son nombre d’habitants ayant augmenté de plus de 3,5 millions de personnes entre 2014 et 2024, entièrement sous l’effet de l’immigration.
En 2015, la chancelière Angela Merkel a accueilli plus d’un million de réfugiés syriens.
Selon un récent sondage YouGov, 80 % des Allemands estiment que les niveaux d’immigration ont été trop élevés au cours de la dernière décennie.
M. Schenk pense que les personnes fortement opposées à l’immigration ont probablement déjà décidé pour qui voter.
« Il s’agit d’une série d’attaques terroristes qui a déjà polarisé la population. Je crois donc que les gens qui veulent voter pour l’AfD ont déjà pris leur décision ce mois-ci », a-t-il dit.
Cependant, il a noté que certains électeurs pourraient réorienter leur allégeance vers la droite, par exemple en passant du Parti Vert au Parti social-démocrate, ou en passant du Parti social-démocrate vers l’Union chrétienne-démocrate (Christlich Demokratische Union Deutschlands, CDU).
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« Un sentiment général de malaise »
Ralph Schoellhammer, théoricien politique et directeur du centre d’histoire appliquée du Mathias Corvinus Collegium, a déclaré à Epoch Times que, si l’immigration est un problème majeur, la frustration sous-jacente est plus profonde.
« Une partie de plus en plus importante de la population ressent que le fonctionnement actuel n’est plus comme avant. »
« Qu’il s’agisse des infrastructures, de l’économie, de l’immigration ou de l’éducation, il y a un sentiment général de malaise. »
« On a l’impression que les partis politiques actuels, ou ceux qui ont le pouvoir gèrent le déclin. »
En Allemagne, les majorités absolues sont moins fréquentes lors des élections et des processus politiques, ce qui entraîne souvent la formation de gouvernements de coalition.
Il est plus probable qu’une coalition se forme entre l’Union chrétienne-démocrate, le Parti social-démocrate et le Parti libéral-démocrate.
Une autre possibilité serait une coalition de l’Union chrétienne-démocrate, des Verts (de gauche) et du Parti libéral-démocrate.
Selon M. Schoellhammer, les sondages situent l’Union chrétienne-démocrate autour de 30 % et l’Alternative pour l’Allemagne entre 19 et 23 %.
Les petits partis, tels que l’Alliance Sahra Wagenkneckt (BSW), un nouveau parti de gauche, mais socialement conservateur, et le parti de gauche dur, oscillent entre 4 et 6 %.
Conformément aux règles allemandes, s’ils franchissent le seuil de 5 %, ils obtiendront des sièges au Parlement, ce qui peut s’avérer décisif pour des pourparlers de coalition potentiels.
M. Schoellhammer a affirmé que cela rendait la politique allemande « à la fois très excitante, mais aussi très imprévisible », car une hausse d’un ou deux points de pourcentage des votes « pourrait complètement changer l’équation lorsqu’il sera question de composer un prochain gouvernement ».
Pas d’accord avec l’AfD
Même si l’Alternative pour l’Allemagne (AfD) devrait remporter 142 sièges au Bundestag, M. Schoellhammer a déclaré : « Je pense qu’il est facile, en fait, de dire qui ne fera pas partie d’un futur gouvernement. Et ce sera l’AfD. »
« Il n’y aura pas d’accord avec l’AfD. Ils resteront dans l’opposition à moins que – ce qui n’est pas impossible, mais hautement improbable – ils ne surprennent tout le monde en remportant une victoire écrasante à l’extrémité supérieure », a-t-il déclaré.
On peut se demander si l’Union chrétienne-démocrate (CDU), sous la direction de Friedrich Merz, adoptera une partie des idées de l’AfD.
M. Merz et M. Scholz ont adopté une position ferme sur l’immigration, mais le premier a montré des hésitations sur des questions telles que l’énergie nucléaire.
L’Allemagne a mis hors service ses trois dernières centrales nucléaires en activité en avril 2023, une décision prise en 2011 par Angela Merkel, alors chancelière.
M. Merz a envisagé de relancer ces centrales, puis a semblé écarter cette option en janvier.
M. Schoellhammer a affirmé que, dans ce scénario, on n’abordera pas les sujets politiques sensibles, tels que le retour du nucléaire, les politiques migratoires restrictives et la réforme de l’État-providence.
« Toutes ces choses devraient faire l’objet d’une réforme. Il n’aura pas de partenaire pour le faire », a déclaré M. Schoellhammer.
M. Schoellhammer a affirmé que les électeurs choisiraient M. Merz parce qu’ils souhaitent un gouvernement de centre-droit, mais qu’ils pourraient finalement « se retrouver avec un gouvernement légèrement à gauche parce qu’il est seul ».
Il a ajouté que M. Merz avait « complètement détruit les négociations » en déclarant qu’il ne gouvernerait jamais avec l’AfD.
Il dit aux Verts et aux sociaux-démocrates : « Je ne peux négocier qu’avec vous » », a ajouté M. Schoellhammer.
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Ce n’est pas seulement en Allemagne que les électeurs veulent une politique de droite. Ce changement témoigne d’un mouvement plus vaste en Europe, qui a supplanté l’establishment des partis de gauche et de droite au gouvernement.
Par exemple, au Royaume-Uni, un sondage réalisé ce mois-ci place pour la première fois le parti de droite Reform UK, dirigé par Nigel Farage, devant les deux partis de l’establishment qui dominent la politique britannique depuis plus d’un siècle.
Des pays comme la France, l’Allemagne, l’Autriche et la Suède ont également connu une évolution vers des partis et des politiques de droite.
« Il s’agit d’une tendance observée dans l’ensemble du monde occidental. Je pense qu’en Europe, cette tendance est étroitement liée aux mauvaises performances économiques », a déclaré, à l’époque, à Epoch Times Anand Menon, professeur de politique européenne et d’affaires étrangères et directeur du groupe de réflexion UK in a Changing Europe.
Désindustrialisation
L’Allemagne, moteur industriel de l’Europe, doit désormais composer avec son engagement contraignant de réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici 2030, remettant en cause ce statut.
Au début de l’année, Volkswagen, la plus grande entreprise industrielle d’Allemagne et le premier constructeur automobile d’Europe en termes de chiffre d’affaires, a annoncé vouloir réaliser 10,5 milliards d’euros d’économies d’ici 2026 pour survivre à la transition vers les véhicules électriques dans un contexte de concurrence chinoise moins chère.
L’entreprise fait face à des enjeux importants concernant les coûts élevés de l’énergie.
Selon les données de l’Office fédéral allemand des statistiques (Destatis), relayées par le radiodiffuseur public Deutsche Welle (DW), plus de 5000 petites et moyennes entreprises ont fait faillite en Allemagne durant le premier trimestre de 2024.
DW prévoit que ce nombre atteindra les 20 000 dans le cadre d’une évolution à long terme.
« L’épine dorsale de l’économie allemande est mise à rude épreuve », a affirmé M. Schoellhammer.
Allemagne de l’Est
L’AfD ne connaît pas un succès homogène sur l’ensemble du territoire allemand. En réalité, c’est dans l’ex-Allemagne de l’Est que le parti est le plus fort.
« La différence est, bien sûr, qu’en Allemagne de l’Est, la relation à l’histoire allemande est quelque peu différente, parce que, je pense, et ce n’est pas injustifié, qu’en Allemagne de l’Est, l’argument est : ‘Et bien, après avoir vécu le communisme pendant 50 ans, nous avons remboursé leur dette envers l’histoire’ », a déclaré M. Schoellhammer.
Il a ajouté que les affirmations selon lesquelles « l’AfD est un parti nazi » résonnent en Allemagne de l’Ouest, car elles évoquent un point très sensible.
Cependant, cette culpabilité historique fonctionne moins bien en Allemagne de l’Est.
M. Schoellhammer estime qu’un bouleversement à long terme s’opère dans la politique allemande, qui pourrait voir l’AfD devenir encore plus forte si les partis établis ne parviennent pas à répondre aux préoccupations des électeurs.
Il pense que les partis établis considèrent les votes pour les partis concurrents comme un « phénomène temporaire ».
« Au fil du temps, les gens ne réalisent pas qu’il y a un véritable danger de disparition des partis traditionnels, car leurs électeurs ne reviennent pas. Et nous avons de bonnes raisons de croire que c’est ce qui se passe actuellement », a-t-il dit.
Avec Reuters et Associated Press
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