Le Cameroun évalue les succès et les défis rencontrés lors du déploiement historique du vaccin contre le paludisme

Un an après l'introduction du premier vaccin antipaludique au monde dans son programme de vaccination, le Cameroun déclare avoir réalisé des progrès malgré un cocktail de défis

Par Nalova Akua
20 janvier 2025 19:41 Mis à jour: 20 janvier 2025 19:41

YAOUNDE, Cameroun – Honorine Asogue, 34 ans, dit avoir eu une bonne surprise lorsqu’elle s’est rendue à l’hôpital du district de Soa, à la périphérie de la capitale politique du Cameroun, Yaoundé, le 13 janvier.

Elle s’est rendue tôt le matin au centre de santé pour administrer une dose de vitamine A à sa fille de 6 mois, Miracle Chefor, mais elle a également été informée que Miracle venait d’atteindre l’âge requis pour bénéficier du premier vaccin contre le paludisme au monde.

« Ma fille a beaucoup de chance et je sens qu’elle est maintenant protégée contre le paludisme », a déclaré Mme Asogue, qui se souvient avoir failli perdre sa fille pendant sa grossesse à cause de cette maladie parasitaire potentiellement mortelle.

« Je vis dans une région où sévit le paludisme. J’ai contracté cette maladie il y a à peine deux semaines. Je suis heureuse pour elle. J’ai hâte de terminer les trois vaccins restants », a confié Mme Asogue à Epoch Times.

Lorsque Mme Asogue est partie, Murielle Tsague, 25 ans, s’est rapidement avancée pour faire vacciner son petit garçon, Meli Derek.

Elle estime que le vaccin est important pour Derek, qui vient d’avoir 6 mois. « Je me sens maintenant un peu soulagée de savoir que mon enfant est protégé contre le paludisme », a-t-elle avoué à Epoch Times.

« Il n’a jamais souffert du paludisme, mais j’en ai souffert pendant ma grossesse. Le vaccin est un grand pas dans la lutte contre cette maladie. »

Le 22 janvier, cela fera exactement un an que le Cameroun, avec le soutien des organisations mondiales Gavi, du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF) et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a introduit le premier vaccin antipaludique au monde, le RTS,S, dans 42 de ses 206 districts sanitaires.

Le programme s’est fixé l’objectif ambitieux de couvrir au moins 50 % des enfants éligibles au cours de sa première année d’existence.

Le Programme élargi de vaccination au Cameroun rapporte qu’au 30 novembre 2024, 138.053 enfants avaient reçu leur première dose, 98.102 leur seconde dose et 71.413 avaient terminé la série de trois doses.

Ainsi, le taux de couverture cumulé est de 61 % pour la première dose, dépassant de 11 points de pourcentage l’objectif initial.

« Ces résultats sont très encourageants et reflètent un effort bien coordonné pour lutter contre le paludisme, l’un des problèmes de santé publique les plus urgents au Cameroun », a fait savoir par courriel à Epoch Times le Dr Leonard Kouadio, chef de la section santé et VIH des bureaux de l’UNICEF au Cameroun.

« Ces résultats témoignent non seulement de la faisabilité de l’introduction du vaccin contre le paludisme, mais aussi de la confiance croissante des communautés en la vaccination comme stratégie critique dans la lutte contre les maladies à prévenir. »

Une mère et son enfant sont assis sur un lit recouvert d’une moustiquaire près de Bagamoyo, à 69 km au nord de Dar es Salaam, en Tanzanie. Les moustiquaires sont l’une des solutions les plus simples pour lutter contre le paludisme transmis par les moustiques. (Tony Karumba/AFP/Getty Images)

Le climat tropical du Cameroun constitue un environnement idéal pour les moustiques, ce qui en fait l’un des 11 pays les plus touchés par le paludisme.

L’OMS estime que le pays d’Afrique centrale enregistre environ 6 millions de cas par an.

Les établissements de santé font état d’environ 11.000 décès par an, dont 70 % surviennent chez des enfants de moins de 5 ans, selon les données de l’OMS.

Le programme national de lutte contre le paludisme au Cameroun fait état d’une incidence hospitalière de 113 cas de paludisme pour 1000 habitants. Au moins 30 % de toutes les consultations externes dans les établissements de santé sont liées au paludisme.

Le vaccin antipaludique RTS,S, également appelé Mosquirix, a été mis au point par GlaxoSmithKline (GSK) en partenariat avec l’initiative de vaccination antipaludique PATH.

Il est conçu pour cibler le parasite Plasmodium falciparum, responsable du paludisme, transmis par les moustiques anophèles.

Le vaccin injectable est administré gratuitement aux enfants camerounais âgés de 6 mois à 2 ans.

Avec 553.100 doses de vaccin antipaludique reçues à ce jour, le Cameroun a pour objectif de vacciner un demi-million d’enfants d’ici 2025.

C’est la première fois que des doses du vaccin ont été expédiées à un pays africain autre que les trois pays pilotes – le Kenya, le Ghana et le Malawi – qui font partie du programme de mise en œuvre du vaccin contre le paludisme (MVIP : Malaria Vaccine Implementation Programme).

D’autres pays africains, comme le Burkina Faso, le Niger, la Sierra Leone et le Liberia, ont rapidement suivi en 2024.

Selon l’UNICEF, un enfant de moins de 5 ans meurt du paludisme quasiment toutes les minutes dans le monde aujourd’hui.

En 2021, 247 millions de cas de paludisme ont été recensés dans le monde, entraînant 619.000 décès, selon les données de l’OMS.

Parmi ces décès, 77 % concernaient des enfants de moins de 5 ans, principalement en Afrique.

C’est sur le continent africain que le fardeau du paludisme pèse le plus lourd, avec environ 95 % des cas de paludisme dans le monde et 96 % des décès liés à cette maladie en 2021, selon les estimations de l’OMS.

Témoignages

Un an après l’introduction du nouveau vaccin contre le paludisme au Cameroun, les médecins et les bénéficiaires témoignent de son impact sur la vie des patients.

Hamadou Godje, directeur du centre de santé intégré de Gazawa, dans la région de l’Extrême-Nord du Cameroun, où la transmission du paludisme est saisonnièrement élevée, a informé Epoch Times que le taux d’hospitalisation des enfants ayant bénéficié du nouveau vaccin contre le paludisme était « insignifiant ».

« Pour la population, l’arrivée du vaccin était attendue depuis longtemps », a souligné M. Godje. « Aucun des enfants ayant suivi le calendrier de vaccination n’a présenté de paludisme grave. »

« Le paludisme est la première cause de mortalité et de morbidité infantile dans cette région et le coût du traitement est exorbitant. La plupart des familles l’attribuent même à la sorcellerie. »

Dans la région Sud du Cameroun, le nouveau vaccin contre le paludisme a changé positivement la vie des bénéficiaires en réduisant les coûts des soins de santé dans les familles, selon Niraka Todou Jean Claude, coordinateur régional du programme de vaccination.

« Le vaccin a été bien accueilli dans la région Sud, en particulier dans les districts sanitaires de Kribi, Niete et Sangmelima », a indiqué M. Todou à Epoch Times.

Plus de 5000 enfants ont déjà été vaccinés dans la région.

Les médecins du district sanitaire de Limbe, dans la région du sud-ouest du Cameroun, confirment également que le nouveau vaccin a non seulement permis de réduire de 40 % le nombre de cas de paludisme, mais aussi de diminuer de manière significative le nombre de décès liés à cette maladie.

« Les consultations pour paludisme chez les enfants de moins de 5 ans ont également chuté de 70 % à environ 55 % avec l’administration du vaccin », a confirmé à Epoch Times le Dr Constance Njie, médecin-chef du district de santé de Limbe.

Malgré les retours extrêmement positifs sur l’impact du vaccin, les experts estiment qu’il faudra beaucoup de temps pour en déterminer l’efficacité réelle.

« Pour l’instant, il est un peu trop tôt pour déterminer scientifiquement l’impact du vaccin antipaludique », a souligné le Dr Tchokfe Shalom Ndoula, secrétaire permanent du Programme élargi de vaccination au Cameroun.

Son point de vue est partagé par M. Kouadio, de l’UNICEF, qui note que s’il est encore trop tôt pour évaluer l’impact à long terme du vaccin, les observations préliminaires sont prometteuses.

« L’introduction du vaccin contre le paludisme a suscité un regain d’espoir en tant que stratégie efficace pour réduire la mortalité et la morbidité liées à la maladie », a souligné M. Kouadio à Epoch Times.

« Les rapports des districts sanitaires où le vaccin a été introduit et les témoignages des mères suggèrent que les enfants qui ont été vaccinés connaissent moins d’épisodes de paludisme que ceux qui ne l’ont pas été. »

Selon lui, le vaccin ne peut à lui seul éliminer le fardeau du paludisme.

« Pour obtenir des résultats optimaux, il faut l’intégrer dans un ensemble plus large d’interventions », a-t-il poursuivi.

Il s’agit notamment de l’utilisation généralisée de moustiquaires imprégnées d’insecticide de longue durée (LLINs : long-lasting insecticidal nets), du traitement préventif intermittent pour les femmes enceintes (IPTp : intermittent preventive treatment for pregnant women), d’un diagnostic et d’un traitement opportuns, de mesures d’hygiène environnementale pour réduire les sites de reproduction des moustiques et d’un engagement communautaire fort, a expliqué M. Kouadio.

« En combinant le vaccin avec ces stratégies éprouvées, le Cameroun peut faire des progrès significatifs dans l’allègement du fardeau posé par le paludisme, en particulier parmi ses populations les plus vulnérables. »

Le docteur Wirngo Mohamadu Suiru, spécialiste de la gestion des programmes de lutte contre le paludisme travaillant pour l’Initiative présidentielle de lutte contre le paludisme à l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID-Cameroun), a déclaré que le nombre d’enfants vaccinés jusqu’à présent entraînerait une « réduction » des cas de paludisme.

« Les enfants sont également un réservoir important pour le parasite et, en tant que tel, la réduction du fardeau dans ce groupe d’âge permettra de faire baisser la charge pesant sur la population générale », a-t-il indiqué à Epoch Times dans un courrier électronique.

Défis liés au déploiement

M. Wirngo a identifié des problèmes lors du déploiement du vaccin contre le paludisme, tels qu’une communication « sous-optimale », qui s’est traduite par une baisse de la couverture des doses suivantes. En outre, des problèmes logistiques liés à la chaîne du froid se posent dans certains établissements de santé.

« La formation des prestataires de soins de santé a été limitée à un petit nombre d’entre eux », a déclaré M. Wirngo. « Un financement insuffisant a limité la mise en œuvre de stratégies avancées pour atteindre des endroits éloignés limitant l’accès au vaccin. Enfin, la coordination entre le [Programme élargi de vaccination] et les programmes de lutte contre le paludisme était insuffisante », a-t-il ajouté.

M. Kouadio, de l’UNICEF, déplore également les taux élevés d’abandon, la méconnaissance du nouveau calendrier et les disparités régionales en matière de couverture.

« Certaines régions, en particulier celles qui sont confrontées à des problèmes de sécurité ou d’accès, continuent d’enregistrer une couverture vaccinale plus faible. Ces disparités entravent l’accès équitable au vaccin et la pleine réalisation de son impact potentiel », a poursuivi M. Kouadio.

Il observe également que l’introduction d’un nouveau calendrier de vaccination, en particulier la deuxième dose administrée à 7 mois, s’est avérée difficile pour les parents, car le calendrier n’est pas aligné sur les rendez-vous de vaccination traditionnels, ce qui rend plus difficile pour les soignants de s’en souvenir et de s’y conformer.

« Le nombre d’enfants qui reviennent pour les doses suivantes est en nette diminution », a déclaré M. Kouadio.

« Beaucoup d’enfants reçoivent la première dose, en revanche, moins nombreux sont ceux qui s’acquittent de la seconde et troisième dose. On peut attribuer ce constat aux difficultés rencontrées dans le suivi des enfants après la première vaccination. »

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