Le Canada a annoncé lundi l’expulsion d’un diplomate chinois accusé par Ottawa d’avoir cherché à intimider un député canadien critique de Pékin, plongeant les deux pays dans une nouvelle crise diplomatique aiguë.
« Nous ne tolérerons aucune forme d’ingérence étrangère dans nos affaires internes », a déclaré la ministre canadienne des Affaires étrangères Mélanie Joly en annonçant l’expulsion du diplomate, déclaré « persona non grata » dans le pays. Une décision qui va aggraver des relations sino-canadiennes déjà très tendues. Par la voie de son ambassade à Ottawa, le pays a déjà prévenu que « la Chine prendrait des contre-mesures et que le Canada assumerait toutes les conséquences qui en découlent », selon un communiqué diffusé uniquement en chinois.
Convocation de l’ambassadeur de Chine au Canada
« Cette décision a été prise en considérant attentivement tous les facteurs en jeu », a précisé la ministre canadienne, mettant en avant dans un court communiqué l’importance de la « défense de la démocratie » canadienne. Car dans cette affaire, la Chine avait déjà eu des mots forts après la convocation la semaine passée de son ambassadeur, évoquant les « calomnies » et les « diffamations » du Canada.
Des pressions chinoises sur un député canadien
Selon une source proche du dossier, Zhao Wei, fonctionnaire du consulat de Chine à Toronto, sera expulsé dans les cinq jours qui viennent. Il est accusé par Ottawa d’être au cœur des tentatives d’intimidations sur un député conservateur canadien. Michael Chong et sa famille auraient ainsi subi des pressions chinoises en raison des critiques du parlementaire d’opposition envers Pékin – notamment sur la question des Ouïghours.
De nombreuses affaires d’ingérence
Cela fait des semaines que le gouvernement de Justin Trudeau est soumis à des pressions croissantes pour qu’il hausse le ton face à Pékin, accusé de nombreuses ingérences dans les affaires canadiennes. Et ces révélations de la presse avaient encore fait monter la tension d’un cran. « Il y avait maintenant un vrai risque politique pour le gouvernement Trudeau. Il a donc décidé de prendre le risque de montrer les muscles », analyse Geneviève Tellier, professeure d’études politiques à l’université d’Ottawa.
Retour sur les crispations entre Pékin et Ottawa
Les relations entre Pékin et Ottawa se sont fortement dégradées ces dernières années, notamment après l’arrestation en 2018 par le Canada d’une responsable du groupe de Huawei, géant chinois des télécoms, et l’emprisonnement, en représailles par la Chine, de deux ressortissants canadiens. Si tous les trois ont depuis été libérés, les tensions ont perduré, Pékin reprochant à Ottawa son alignement sur la politique chinoise de Washington et les autorités canadiennes accusant régulièrement la Chine d’ingérence.
La Chine est notamment soupçonnée d’avoir tenté d’interférer dans les élections canadiennes de 2019 et de 2021. Dans une série d’articles publiés par des médias canadiens, il est notamment question de financements secrets ou d’implication dans la campagne de certains candidats. Des allégations « fermement » démenties par les autorités chinoises.
D’autres expulsions sont probables
Ces derniers mois, le Canada a petit à petit durci ses positions en expulsant des firmes chinoises de l’industrie des minerais rares au nom de la « sécurité nationale », en dénonçant publiquement du traitement par Pékin de la minorité musulmane Ouïghour, et en dévoilant sa stratégie pour l’Asie-Pacifique pour contrer l’influence de la Chine.
« Il faut maintenant s’attendre au minimum à l’expulsion d’un diplomate canadien, sinon de plusieurs », estime auprès de l’AFP Roromme Chantal, professeur à l’Ecole des hautes études publiques (HEP) de Moncton (est du Canada) et spécialiste de la Chine.
« Pékin pourrait aussi prendre des mesures de représailles économiques », ajoute-t-il. « D’autant plus que ce sera une façon également d’envoyer un message à d’autres pays qui évoquent des interférences chinoises dans leur affaire interne ».
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