Le projet de ligne ferroviaire grande vitesse Lyon-Turin divise depuis son lancement il y a plus de 30 ans sur l’impulsion de l’Union européenne qui a déjà injecté des centaines de millions d’euros dans ce chantier colossal, comprenant un tunnel en construction et des voies d’accès encore en discussion.
Le Lyon-Turin, qu’est-ce que c’est ?
Cette ligne à grande vitesse de 270 km doit à terme relier Lyon et Turin, avec 70% des voies en France et 30% en Italie. Le projet comprend un tunnel de 57,5 km traversant les Alpes entre Saint-Jean-de-Maurienne et Suse – soit 45 km creusés en France et 12,5 km en Italie.
L’objectif est d’augmenter le fret ferroviaire, avec une circulation à double sens dans le tunnel et des voies dédiées des deux côtés des Alpes.
La nouvelle ligne « permettra de délester les routes alpines d’un million de poids lourds et de réduire chaque année les émissions de gaz à effet de serre d’environ un million de tonnes d’équivalent CO2 », soit « l’équivalent produit par une ville de 300.000 habitants », selon les données de la société franco-italienne Telt, en charge du tunnel.
L’idée est aussi de favoriser le développement économique régional et de raccourcir le temps de trajet pour les passagers en mettant Turin à 1H47 de Lyon en train (contre 3H47 actuellement, arrêts compris) et Milan à 4H30 de Paris (contre environ 7 heures aujourd’hui, arrêts compris).
Les travaux
Le nouveau tunnel représente au total 162 km de galeries – au double tronçon de 57,5 km s’ajoutant accès intermédiaires, voies de service et de communication. À date, 32,9 km ont été creusés, selon Telt. Mise en service prévue en 2032.
Les voies sont encore au stade de projet. Rome a acté en fin d’année dernière la programmation de 750 millions d’euros pour relier Turin au tunnel.
Côté français, le gouvernement n’a toujours pas arrêté le tracé des 150 kilomètres entre Lyon et Saint-Jean-de-Maurienne, mais semble favorable au tracé le plus coûteux, prévoyant de creuser des tunnels sous les montagnes et non d’utiliser les vallées existantes.
Le coût
L’estimation du coût global du projet est passée de 12 milliards d’euros en 2002 à 26,1 milliards d’euros, selon la Cour des comptes à Paris en 2012.
Le coût du seul tunnel a été réévalué de 5,2 à 9,6 milliards d’euros, soit une hausse de 85%, dans un rapport de la cour des comptes européenne publié en 2020. Un chiffrage confirmé par Telt.
Pour les voies d’accès, les investissements côté français sont estimés « à environ 10 milliards d’euros (valeur 2020 hors inflation) », selon l’entourage du ministre des Transports. En juillet 2022, le président de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFIT France) Jean Castex avait pour sa part avancé le chiffre de 15 milliards d’euros.
Les « pour »
Bruxelles juge le projet « essentiel » et souhaite le « terminer au plus vite » avec des « lignes d’accès modernes » aux deux sorties du tunnel en préconisant de « penser cet investissement globalement »
En Italie, le Lyon-Turin est soutenu par la plupart des forces politiques, hors le Mouvement 5 étoiles (M5S, eurosceptique). Le chef de la Ligue (droite nationaliste) Matteo Salvini, vice-Premier ministre et ministre des Transports, pousse Paris à passer en pleine vapeur.
En France, le projet, soutenu par le gouvernement et la région Auvergne-Rhône-Alpes, pâtit des discussions sur le tracé et le financement des travaux.
Le monde économique pousse activement pour l’infrastructure au nom du développement. Le patronat italien avait fait état en 2019 de « 50.000 emplois » liés de son côté des Alpes.
Les « contre »
Les associations pro-environnement n’ont cessé de contester le chantier depuis son lancement en 1992, avec notamment de grandes mobilisations en Italie dans les années 2000. En 2018-2019, de grandes manifestations réunissent tour à tour à Turin les « pour » et les « contre ». Côté français, l’association Les soulèvements de la Terre a rejoint les No-Tav italiens dans son combat.
Le M5S, qui y voit un gaspillage d’argent public, avait freiné le projet à l’époque où il participait à la coalition gouvernementale (2017-2019) ; sa voix porte moins depuis qu’il a rejoint l’opposition. Une analyse demandée sous son impulsion par le ministère italien des Transports avait conclu en 2019 à « une rentabilité très négative » de la ligne, avec des coûts supérieurs de 7 milliards d’euros à ses bénéfices d’ici à 2059.
En France, de nombreux militants écologistes, avec en tête les maires de Lyon et Grenoble, Gregory Doucet et Éric Piolle, y sont hostiles. Quelque 150 élus Verts et Insoumis ont signé fin 2022 une tribune préconisant une montée en puissance de la ligne ferroviaire existante, sous-exploitée selon eux. Des députés insoumis et écologistes se mobilisent aussi contre le coût « démesuré » du projet et sa nocivité pour l’environnement.
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