Le courant passe mal pour les batteries européennes

Par Germain de Lupiac
26 septembre 2024 07:29 Mis à jour: 26 septembre 2024 19:36

Northvolt, la société clé dans les efforts de l’Europe pour développer une industrie de batteries automobiles capable de rivaliser avec les concurrents mondiaux, vient d’annoncer vouloir supprimer 1600 emplois sur son site en Suède – et ce, dans un contexte de faible demande pour les voitures électriques (VE) et de forte concurrence de la part des fabricants chinois.

Quelques mois plus tôt, Renault décidait d’équiper une partie de ses voitures électriques de batteries moins chères et plus modernes, fabriquées par un grand groupe chinois installé en Hongrie. Avec des usines implantées en Europe, la Chine échappe ainsi aux taxes douanières que l’Europe a mises en place pour contrer la concurrence déloyale.

Ajouté à cela, le marché de l’automobile électrique européen a fortement baissé au mois d’août malgré sa perfusion aux subventions publiques, entraîné par la morosité des marchés allemand, français et italien, créant un climat d’incertitude pour les industriels, poussés depuis le Pacte vert à s’orienter vers l’électrique.

Le géant suédois Northvolt supprime 1600 emplois

Le fabricant Northvolt a soufflé le 23 septembre un vent glacial sur le secteur des batteries pour voitures électriques, qui semblait en pleine explosion – à grands renforts d’aides publiques.

Le fabricant suédois va supprimer 1600 emplois, soit un quart de ses effectifs en Suède, et geler le développement de son principal site de production pour s’adapter à une situation financière tendue et au ralentissement de la demande.

L’usine géante de production du nord de la Suède, à Skelleftea, est la plus touchée par les réductions d’effectifs avec environ 1000 suppressions de postes. Le jeune géant suédois, qui emploie 6500 personnes, va aussi supprimer quelque 400 postes sur un site de recherche et 200 dans la capitale.

« La dynamique générale de l’électrification reste forte, mais nous devons nous assurer que nous prenons les bonnes mesures au bon moment pour répondre aux vents contraires du marché automobile et du climat industriel en général », a déclaré le patron de Northvolt Peter Carlsson.

Les retards de production et le ralentissement de la demande des clients automobiles ont accéléré la dégradation de sa situation financière, selon le quotidien économique Dagens Industri. En mai, BMW avait déjà renoncé à une commande de deux milliards d’euros conclue avec Northvolt pour la livraison de batteries, en raison des retards.

Le groupe suédois dit avoir plus de 55 milliards de dollars de contrats de la part de clients tels que Volkswagen, Scania (groupe VW), ou Volvo. Volkswagen est par ailleurs le premier actionnaire de Northvolt avec 21 % du capital, alors que le groupe allemand envisage la fermeture de ses usines historiques en Allemagne sous la pression de la concurrence des voitures électriques chinoises.

D’autres fabricants européens appuient sur les freins

Alors que la construction de plusieurs dizaines d’usines de batteries est prévue à travers l’Europe, Northvolt n’est pas le seul fabricant à appuyer sur les freins. La stagnation des ventes des voitures électriques dans plusieurs pays complique encore des montages financiers et des choix technologiques difficiles.

Au Royaume-Uni, la société Britishvolt avait fait faillite début 2023 avant d’arriver à lancer son énorme usine de batteries, faute d’avoir levé suffisamment de fonds.

En France, le fabricant ACC a ouvert sa première usine de batteries en mai 2023. Mais TotalEnergies, qui en partage le contrôle avec Stellantis et Mercedes, a annoncé en février 2024 qu’il ralentissait ses investissements. Quelques semaines plus tard, ACC a annoncé une « pause » dans la construction de ses deux futures usines, à Termoli en Italie et Kaiserslautern en Allemagne.

Le gouvernement italien a réagi en retirant à ACC les fonds publics européens destinés au projet, invoquant « l’incertitude » planant sur le calendrier de sa construction.

« Les projets de gigafactories annoncés sont très ambitieux », a commenté Apostolos Petropoulos, expert à l’Agence internationale de l’énergie. « Il faut qu’ils soient accompagnés d’une forte demande pour se concrétiser. »

Renault va équiper ses voitures électriques… de batteries chinoises 

Renault va équiper certaines de ses voitures électriques de batteries LFP, une technologie moins chère que les batteries NMC habituelles, annonçait en juillet la filiale électrique du groupe, Ampere. Renault a annoncé la signature d’un contrat d’approvisionnement auprès de l’usine hongroise du Chinois CATL.

L’usine polonaise du Coréen LG fournira également des batteries équipées de la même technologie, de quoi équiper environ 800.000 véhicules à partir de 2026.

Les batteries LFP (lithium, fer, phosphate) sont 20 % moins chères que les batteries NMC (nickel, manganèse, cobalt) de l’actuelle génération, qui dominent le marché européen, a expliqué François Provost, directeur des achats du groupe Renault.

En France, l’usine d’AESC-Envision de Douai devrait livrer ses premières batteries pour les R5 au premier trimestre 2025. « Ce sont deux chimies complémentaires », a souligné Josep Maria Recasens, directeur des opérations d’Ampere.

« On cherche à baisser le coût [des véhicules], ce qui nous permettrait d’en baisser le prix, pour accéder à une partie du marché qu’il est difficile de toucher aujourd’hui » et « démocratiser » l’électrique, a-t-il expliqué – un souhait pour relancer le marché qui s’accompagne d’achats de technologies asiatiques, créant des difficultés aux industries européennes du secteur, malgré les énormes subventions publiques.

Des subventions publiques de 900 millions d’euros pour une seule usine en Allemagne

En début d’année, la Commission européenne a autorisé une aide d’État allemande de 902 millions d’euros afin de soutenir la construction en Allemagne d’une usine de batteries du groupe suédois Northvolt pour véhicules électriques qui risquait sinon de s’implanter aux États-Unis.

Il s’agit de « la première aide » autorisée par Bruxelles dans le cadre d’un mécanisme de l’UE créé en mars 2023 afin d’éviter le « détournement » de projets d’investissement européens vers les États-Unis, avait annoncé la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager. L’aide prendra la forme d’une subvention de 700 millions d’euros assortie d’une garantie de 202 millions d’euros, a expliqué la Commission.

La Commission européenne avait adopté en mars 2023 un texte facilitant les aides d’État en faveur de projets contribuant à réduire les émissions de CO2 de l’Union européenne, en réponse aux subventions américaines et chinoises qui font craindre une fuite des investissements verts hors d’Europe.

Le texte simplifie et étend les possibilités de subventions publiques jusqu’à fin 2025. Il inclut notamment un mécanisme permettant aux États membres, dans certains « cas exceptionnels », de s’aligner sur le montant d’aide proposé par un pays tiers pour éviter qu’il ne « détourne » un investissement prévu en Europe – des dispositions qui peinent toujours à convaincre.

La fragilité du marché européen 

Pas sûr que ces super-subventions publiques soient suffisantes devant les appétits asiatiques et la baisse des achats de voitures électriques sur le Vieux Continent.

Récemment, certains constructeurs automobiles européens ont demandé à l’Union européenne d’activer une procédure d’urgence pour décaler de deux ans l’application, prévue en 2025, de règles renforcées sur les émissions de CO2.

Pour respecter les normes d’émissions de CO2 calculées sur l’ensemble des voitures vendues, les constructeurs devront réduire leur production de « plus de 2,5 millions de véhicules » pour ne pas être sanctionnés de 13 à 15 milliards d’euros d’amende. Pas de quoi faciliter la relance du marché automobile.

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