Le gouvernement prévoit « d’ici l’été » un texte de loi modifiant les règles de négociations entre supermarchés et agro-industriels, pour améliorer la rémunération des agriculteurs. Ce sera le cinquième depuis 2018 pour un résultat qui tarde à être opérationnel et qui ne couvre actuellement que 40% des revenus agricoles.
Si le Premier ministre Gabriel Attal a dit mercredi la « fierté » d’avoir inscrit dans la loi « la protection du revenu des agriculteurs », il a indiqué que le dispositif législatif Egalim « doit être renforcé » par un nouveau texte sur ces négociations commerciales qui déterminent chaque année les conditions de vente d’une large partie de l’assortiment des supermarchés.
Il y a eu Egalim 1, texte de loi issu des États généraux de l’alimentation, lancés en 2017 par Emmanuel Macron. Promulguée en novembre 2018, cette loi visait à « payer le juste prix aux producteurs », notamment en obligeant les supermarchés à réaliser une marge d’au moins 10% sur les denrées alimentaires. Cette disposition à l’efficacité très contestée a depuis été pérennisée.
Le gouvernement a ensuite concocté un deuxième texte, promulgué le 18 octobre 2021, obligeant les industriels et les supermarchés à « sanctuariser », dans leurs négociations, le coût de la matière première agricole (viande, lait, etc.).
Il y a ensuite eu la loi dite Descrozaille, du nom du parlementaire (Renaissance) qui a porté et fait adopter le texte en 2023. Cette loi a étendu la « sanctuarisation » aux produits de marque distributeur, propriétés des supermarchés (Reflets de France, Marque Repère…), et a gravé dans le marbre que les négociations conduites dans le cadre des centrales d’achats européennes des distributeurs étaient soumises à la loi française dès qu’elles concernaient des produits commercialisés en France.
Dernière modification législative : le gouvernement a avancé de quelques semaines la conclusion des négociations pour 2024, espérant répercuter plus vite dans les rayons des supermarchés les baisses de certains prix de gros, après deux ans de très forte inflation alimentaire, à plus de 20% en moyenne.
Le revenu des agriculteurs « est traité par Egalim 2, qui a deux ans. On est seulement à notre troisième campagne de négociations sur la base de ce texte-là », a rappelé mercredi Richard Panquiault, président de l’Ilec, lobby des plus gros industriels. « Il faut d’abord en faire l’analyse, le bilan. »
Aucun de ces textes n’a empêché le nouveau mouvement de colère agricole, pas plus qu’ils n’ont permis de baisses massives de prix. Les professionnels regrettent en revanche l’instabilité législative qui accompagne leurs négociations.
L’État est-t-il en capacité de contrôler et sanctionner ?
La question sera toutefois de connaître l’étendue des contrôles et la capacité de l’État à sanctionner. Le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a annoncé que 150 agents de la Répression des fraudes (DGCCRF), service de Bercy, étaient mobilisés pour contrôler grands industriels et supermarchés, et que 1400 contrôles ont déjà été réalisés sur les 200 plus grands industriels et les cinq grands distributeurs. « 150 cas de non-conformité, notamment pour des retards dans la signature des contrats », ont été relevés.
Un chiffre à comparer avec la pluralité des acteurs concernés. Solidaires CCRF & SCL, premier syndicat de la Répression des fraudes, rappelle que les effectifs de cette administration ont fondu de près de 30% depuis 2007, alors qu’il y a « plusieurs dizaines de milliers d’opérateurs », dont plus de 17.000 agro-industriels.
Ce mercredi, la Confédération paysanne manifeste au siège de Lactalis, le géant laitier, à Laval (Mayenne). Laurence Marandola, porte-parole du syndicat, dénonce la non application de la loi Egalim par les industriels mais également la responsabilité des pouvoirs publics au micro de CLPress : « Le prix de reviens du lait est d’environ 500 euros la tonne et Lactalis a proposé 405. » Finalement le prix négocié s’est établi à 420 euros, bien en deçà du prix de 440 euros demandé par l’UNEL, une organisation de producteurs livreurs, « un prix qui ne permet pas de couvrir les coûts de production et la rémunération du travail ».
Bruno Le Maire a annoncé que 1000 établissements ont été contrôlés sur l’origine française des produits vendus, et 372 étaient en non-conformité, « ne respectant pas le label Origine France » ou faisant « de la tromperie sur cette marchandise ». Des premiers procès verbaux devraient être délivrés « dans les prochains jours », a précisé Bruno Le Maire.
« Ne pas respecter » les règles en matière d’affichage d’origine française est considéré comme « une pratique commerciale trompeuse passible d’une sanction pénale » pouvant atteindre 10% du chiffre d’affaires, a rappelé Bruno Le Maire.
Concernant les centrales européennes, deux d’entre elles « n’ont pas respecté les dispositions de la loi » et des « pré-amendes » ont été prononcées le 19 février « pour des montants qui se chiffrent en dizaines de millions d’euros », selon M. Le Maire. Les centrales concernées ont deux mois pour faire valoir leurs arguments contradictoires.
40% des revenus agricoles dépend des négociations commerciales
La Coopération agricole, qui rassemble les entreprises coopératives, relève de son côté que c’est une minorité des revenus agricoles, de l’ordre de 40%, qui dépend des négociations commerciales. Les céréales, en grande partie destinées à l’export, ne sont largement pas concernées par Egalim, comme la restauration collective ou la vente directe.
« J’en ai marre d’entendre le gouvernement se planquer derrière cette loi Egalim qui ne fonctionne pas», a déclaré l’agricultrice Amélie Rebière à CNews. Car elle ne prend pas en compte les fruits et légumes, les céréales et ceux qui adhèrent à une coopérative.
Véronique Le Floc’h, présidente de la Coordination rurale, a demandé mercredi auprès de l’AFP que la loi Egalim soit étendue à « 100% des produits qui sortent (des) fermes » françaises.
Une mission parlementaire a été confiée aux députés Alexis Izard (Renaissance) et Anne-Laure Babault (MoDem) pour renforcer le dispositif Egalim.
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