À moins d’un an et demi des municipales, Anne Hidalgo a annoncé qu’elle ne serait pas candidate en 2026 à un troisième mandat à la tête de Paris, préférant adouber le sénateur PS Rémi Féraud à sa succession.
L’annonce intervient une semaine après que son ex-premier adjoint Emmanuel Grégoire, avec qui elle est en froid depuis les élections présidentielles, s’est déclaré candidat à la mairie de Paris pour, dit-il, « apaiser les tensions » et devenir « le maire de la réconciliation des Parisiennes et des Parisiens », déclenchant une guerre de tranchée au sein de la gauche parisienne.
Une fin de règne compliquée pour l’actuelle édile de Paris, qui porte dans son bilan le bon déroulement des Jeux Olympiques de Paris, mais aussi la piétonnisation à marche forcée de la ville et des Parisiens qui quittent une capitale devenue invivable pour eux.
Anne Hidalgo passe la main
Aux commandes de la ville depuis 2014, Anne Hidalgo a mis fin à un suspense de plusieurs mois en annonçant fin novembre qu’elle ne se représenterait pas en 2026, comme elle en avait décidé « depuis longtemps ».
« Je me suis toujours inscrite dans l’idée que deux mandats étaient suffisants pour mener à bien de profonds changements », a déclaré la maire de 65 ans, dont le second mandat aura été marqué par le succès populaire des Jeux olympiques et paralympiques.
Anne Hidalgo assure qu’elle sera « maire jusqu’au dernier jour, avec la même énergie » qu’à son arrivée à l’Hôtel de ville, où elle avait succédé au socialiste Bertrand Delanoë, après en avoir été la première adjointe.
Elle dit avoir voulu annoncer sa décision « suffisamment tôt » pour préparer « une transmission sereine » portée par l’un de ses fidèles, le sénateur socialiste Rémi Féraud, une succession qui s’avère en réalité tout sauf sereine, son ex-premier adjoint Emmanuel Grégoire s’étant déclaré candidat une semaine plus tôt.
Paris transformé mais Paris pas apaisé
En dix ans de mandat, la socialiste a rendu Paris plus cyclable et plus piéton, mais la capitale « apaisée » qu’elle revendique se heurte à de vives critiques sur la dette ou les choix d’aménagement.
Pendant ses deux mandats, le recul de l’espace dédié à l’automobile et la progression du vélo dans la capitale sont frappants. « En dix ans, nous avons aménagé l’équivalent d’un Paris-Bordeaux », soit quelque 500 km de pistes cyclables, s’est-elle réjouit.
Mais ces aménagements sont loin de faire l’unanimité, tant sur le processus de décision que sur les choix finaux. En provoquant un « chaos des déplacements », « Hidalgo a réussi à fomenter la guerre de tous contre tous », tacle l’opposant LR David Alphand.
Après avoir obtenu, à l’issue d’une bataille judiciaire, la piétonnisation des voies sur berges rive droite, Anne Hidalgo a aussi fait évoluer la limitation de vitesse sur le boulevard périphérique, passant en octobre dernier de 70 km/h à 50 km/h.
La maire se félicite également d’avoir atteint fin 2023 le seuil de 25 % de logements sociaux, quand le Plan local d’urbanisme (PLU) prévoit 40 % de logement public (social et intermédiaire) à l’horizon 2035. Pendant ce temps, environ 140.000 Parisiens sur 2,1 millions d’habitants ont décidé de quitter la capitale en une décennie.
Pour la droite parisienne, cette « fuite » signe en partie le désaveu d’un « urbanisme invivable » par trop de « bétonisation ». Sur ces vingt dernières années, trois millions de mètres carrés supplémentaires ont été créés dans l’une des villes les plus denses au monde », fustige Pierre-Yves Bournazel, coleader du premier groupe d’opposition au Conseil de Paris.
L’opposition de droite et du centre dénonce le niveau d’endettement de la ville, qui devrait atteindre de 9,3 à 9,9 milliards d’euros à la fin de l’année 2025. Des finances qui « s’effondrent », estime David Alphand.
Le malaise de la succession d’Hidalgo
À 16 mois des municipales, la campagne a déjà démarré au PS parisien. En annonçant qu’elle ne briguerait pas un troisième mandat, l’édile a adoubé l’un de ses fidèles, le sénateur PS Rémi Féraud. À 53 ans, l’ancien maire du Xe arrondissement et chef du groupe de la majorité municipale au Conseil de Paris, « a la capacité de rassemblement nécessaire » a déclaré Anne Hidalgo.
Ce choix a surpris les socialistes, dont les esprits étaient préparés à la candidature du député Emmanuel Grégoire, l’ex-premier adjoint d’Anne Hidalgo avec lequel elle est en froid, créant un sentiment de malaise au sein du parti. Le parlementaire PS de 46 ans a déjà reçu le soutien de 450 militants de la fédération socialiste parisienne qui en compte environ 3000. Il a lancé sa campagne devant environ 200 d’entre eux, plaidant pour une « nouvelle méthode plus apaisante », en affirmant qu’il allait « se battre » pour convaincre les militants de le choisir face à Rémi Féraud.
Les ambitions d’Emmanuel Grégoire pour briguer l’hôtel de ville étaient connues depuis longtemps, bien qu’il n’ait officialisé qu’à la mi-novembre sa candidature, soutenue par le premier secrétaire du PS Olivier Faure. « Auprès de la base, Emmanuel Grégoire paraissait le candidat naturel », explique Franck Guillory, secrétaire fédéral du secteur Paris Centre.
Anne Hidalgo reproche à son ancien dauphin sa proximité avec le patron du PS, qu’elle accuse d’être responsable de sa défaite à la présidentielle de 2022, avec un score historiquement bas (1,74 %).
« C’est la première fois qu’on se retrouve dans une situation où la maire ne soutient pas la continuité. L’idée de la transmission, pendant des années, a été à mon bénéfice », a regretté Emmanuel Grégoire. L’ancien dauphin pointe « l’incongruité de la situation allant jusqu’au lapsus » de la maire sortante, qui a prononcé son nom au lieu de celui de Rémi Féraud à son premier déplacement de campagne.
Deux prétendants que rien n’oppose
Pour la première fois depuis 2014, les 3000 adhérents parisiens vont devoir choisir entre deux prétendants du PS, qu’a priori rien n’opposait.
« Anne Hidalgo a pris deux frères pour se taper dessus, c’est très dur, ça crée des tiraillements », estime Emmanuel Grégoire, qui voit Rémi Féraud comme « l’instrument d’une vengeance » menant sa campagne « sous tutelle ».
« Quand Bertrand Delanoë a passé le témoin à Anne en 2012, il l’avait laissée déployer sa campagne comme elle le voulait », se souvient le député.
« Il faut que ça se passe sereinement, sans trop de déchirures. Pour l’instant, ça n’est pas le cas, mais le risque existe », prévient Franck Guillory, pointant une « vraie menace que la droite remporte Paris », après 25 ans de règne socialiste.
Certains redoutent des pressions d’Anne Hidalgo auprès des maires pour se ranger derrière son poulain. « La fédération de Paris vit un peu dans la peur de ce système de ‘château’ à l’hôtel de ville », confie une militante sous couvert d’anonymat.
« Tout va se jouer sur la motivation, et c’est Emmanuel qui en a le plus envie car ça fait des mois qu’il se prépare », selon la députée Céline Hervieu, faisant également valoir la large victoire du député aux législatives à Paris face au macroniste sortant et ex-ministre Clément Beaune.
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