ART DE VIVRE

Le mythe du sommeil de huit heures

La grande conspiration du sommeil
mars 6, 2025 23:13, Last Updated: mars 8, 2025 0:55
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Il existe une forme particulière de folie qui frappe à 3 h 17 du matin. C’est l’heure où votre cerveau, livré à lui-même depuis trop longtemps, décide d’exhumer chaque moment embarrassant de votre existence, chaque facture oubliée, et cette pensée vertigineuse : et si la règle des huit heures de sommeil était une vaste supercherie ?

Car soyons clairs : l’idée selon laquelle les humains seraient faits pour dormir d’un seul bloc, huit heures d’affilée, est une absurdité. Un de ces grands mythes historiques, répété si souvent qu’il est devenu une vérité incontestée.

Et pourtant, il dicte tout : non seulement l’industrie du sommeil, qui brasse des milliards, mais également cette culpabilité que l’on ressent quand on se réveille en pleine nuit.

Pourtant cette vision rigide et industrielle du sommeil ne correspond en rien à notre nature profonde.

Par essence, nous sommes des dormeurs biphasés. Autrefois, nous dormions en deux temps. Nous nous réveillions au beau milieu de la nuit – et nous n’en faisions pas un drame.

Le mythe des huit heures

Si nous voulons comprendre comment nous en sommes arrivés là, à nous retourner dans le noir en cherchant frénétiquement « POURQUOI SUIS-JE RÉVEILLÉ À 2H DU MATIN », il faut remonter à une époque plus simple. Une époque sans réveils. Sans électricité. Sans courriels professionnels nous poursuivant jusque sous nos draps.

Dans l’Europe médiévale, on ne dormait pas d’un seul trait.

On avait un premier sommeil (du crépuscule à minuit environ), suivi d’un temps d’éveil, appelé la veillée. Un moment étrange et flottant, où l’on discutait, grignotait, priait ou laissait simplement vagabonder son esprit.

Puis, vers 2 ou 3 h du matin, on retournait se coucher pour un second sommeil jusqu’au matin.

Et ce n’était pas une habitude marginale, réservée à quelques moines transis de froid. C’était la norme.

Jusqu’à ce que, comme souvent, la Révolution industrielle vienne tout bouleverser.

À blâmer : les usines

En 1817, un industriel gallois du nom de Robert Owen popularisa le slogan : « Huit heures de travail, huit heures de loisirs, huit heures de repos ». Non pas parce qu’une quelconque étude scientifique en avait prouvé les bienfaits, mais parce que c’était… pratique.

Une division bien nette de la journée, parfaitement adaptée aux besoins des manufactures, permettant aux ouvriers de rester suffisamment éveillés pour ne pas finir happés par les machines.

Deux siècles plus tard, nous sommes toujours prisonniers de cette logique victorienne. Alors même qu’au petit matin, la plupart d’entre nous n’avons plus à manier autre chose qu’une machine à café.

(Shutterstock)

La crise du sommeil moderne

Vous vous demandez peut-être : si le sommeil segmenté était si naturel, pourquoi l’avons-nous abandonné ?

La réponse tient en deux mots : la lumière artificielle.

Avant l’électricité, la nuit était vraiment noire. Les gens se couchaient au coucher du soleil, faute de mieux – à moins de vouloir jouer avec une chandelle et risquer d’incendier leurs rideaux.

Avec l’arrivée du gaz, de l’ampoule électrique, puis des écrans lumineux que nous fixons à 23 h 47, nous avons repoussé l’heure du coucher.

Le premier sommeil a disparu. La veillée s’est évanouie. Et il ne nous est resté qu’un unique bloc de sommeil – que nous avons toutes les peines du monde à respecter.

La science du sommeil interrompu

Voici ce qui est fascinant :

Lorsqu’on place des individus dans un environnement sans lumière artificielle, comme dans certaines expériences, ils retrouvent spontanément un rythme biphasé. Ils se réveillent en pleine nuit, restent éveillés une heure ou deux, puis se rendorment.

Que faut-il en conclure ? Que si vous vous réveillez la nuit, ce n’est pas un dysfonctionnement.

C’est simplement votre corps qui suit un rythme naturel, hérité de siècles d’histoire.

Le véritable trouble du sommeil, ce n’est pas l’éveil nocturne, c’est notre obsession collective à vouloir dormir d’un seul tenant.

Que faire alors ?

D’abord, arrêter de paniquer.

Si vous ouvrez les yeux à 2 h du matin, félicitations : vous fonctionnez exactement comme l’humanité l’a fait pendant des siècles.

Au lieu de redouter une prétendue baisse cognitive, acceptez-le. Lisez quelques pages. Préparez-vous une tasse de thé. Contemplez la nuit avec mélancolie, tel un héros romantique en proie à ses pensées.

Ensuite, respectez votre chronotype. Que vous soyez un lève-tôt, un oiseau de nuit, ou un pigeon perpétuellement épuisé, votre rythme biologique a une raison d’être.

(Andrey_Kuzmin/Shutterstock)

Des études montrent que les variations du sommeil sont de 40 à 72 % d’origine génétique. Si vos ancêtres démarraient leur journée à midi, il y a de fortes chances que ce soit aussi votre état naturel.

Enfin, il est temps de brûler ce calendrier du sommeil rigide.

Les humains ne sont pas des machines. Nous n’avons pas tous besoin de dormir exactement de la même manière, au même moment.

Les chasseurs-cueilleurs Hadza de Tanzanie dorment en moyenne 6 h 25 par nuit, sans heure de coucher fixe – et ils ne semblent souffrir ni de manque de sommeil, ni d’angoisse existentielle.

Pendant ce temps, nous et nos rideaux occultants, nos bonbons à la mélatonine et notre soumission aux applications de suivi du sommeil, errons comme des zombies fatigués.

Peut-être, juste peut-être, nous nous y prenons mal.

Une nouvelle approche du sommeil

L’horaire idéal ? C’est celui qui vous convient.

Pas celui imposé par un industriel gallois en 1817. Pas celui dicté par des normes sociales inflexibles.

Alors, la prochaine fois que vous vous réveillez en pleine nuit, souvenez-vous : ce n’est pas un drame. C’est l’histoire qui frappe à votre porte.

Et au lieu de lutter, peut-être devriez-vous simplement lui ouvrir – et mettre de l’eau à chauffer.

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