Le PCC embourbé dans les crises à l’aube de 2024

Par Eva Fu
8 janvier 2024 12:36 Mis à jour: 8 janvier 2024 14:45

Il y a trois ans, Wang Zhongwei ne se serait jamais imaginé défier le régime chinois. Il avait à peine 30 ans, et il avait fort à faire avec son entreprise d’exportation de vêtements dans la ville de Wenzhou, qui comptait plusieurs dizaines d’employés.

Lorsque son frère l’appelait de Californie pour l’avertir de l’émergence d’une contagion à Wuhan, il ne voulait pas y croire et il s’énervait de tels propos alarmistes de la part de son frère. Il faisait confiance au Parti communiste chinois (PCC), lui disait-il, et jamais les dirigeants de son pays ne dissimuleraient une telle menace à la planète entière.

Mais les écailles ont fini par lui tomber des yeux. Les confinements ont transformé sa ville en « prison » et il a compris à quel point le Parti était prêt à tout pour se maintenir au pouvoir.

Si le régime se permettait de mentir sur des questions pareilles, allait-il se soucier de son sort ?

« Vous êtes tellement insignifiant que même si vous mourez, personne ne le saura », dit-il à Epoch Times.

Le Covid-19 a été le début d’une prise de conscience pour des gens comme M. Wang, mais l’année qui vient de s’écouler n’a fait qu’ajouter à la défaveur du régime.

Trois années de confinement quasi incessant ont entraîné la fermeture de centaines de milliers d’entreprises privées, dont la sienne, et ont décimé un secteur qui emploie pourtant 80 % de la main-d’œuvre chinoise, dans un contextes où les jeunes et les diplômés ont du mal à trouver un travail.

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Un ouvrier assis à côté d’une clôture près d’une zone résidentielle pendant le confinement Covid-19 dans le district de Huangpu à Shanghai, Chine, le 10 juin 2022. (Hector Retamal/AFP via Getty Images)

Les espoirs d’une vie plus douce pour 2023 n’ont pas vu le jour. Malgré les efforts déployés par les responsables politiques chinois pour étendre le soutien financier aux petites entreprises, revitaliser le tourisme et stimuler les dépenses intérieures, le rebond économique tant espéré ne s’est pas matérialisé.

Les gouvernements locaux sont à court d’argent et ont réduit les salaires des travailleurs ou différé le versement de leurs primes. Un hôpital public de la province de Gansu accuse même un retard de 15 mois sur les salaires.

La chute de la demande a contraint un fournisseur d’équipements médicaux du centre industriel chinois de Shenzhen à mettre ses employés en congé sans solde pour une période pouvant aller jusqu’à dix mois. Plusieurs autres fabricants, dans des secteurs allant du verre à l’aluminium, ont eu recours aux mêmes mesures dans la province voisine de Guangdong.

Bestore, une marque populaire de snacks chinois a dans certains cas baissé ses prix de 45 %, ses ventes ayant chuté pour la première fois en 17 ans. Étant donné que les consommateurs ont resserré les cordons de leur bourse, a écrit le créateur de l’entreprise, Yang Yinfen, dans une note interne, toute autre option serait une « impasse ».

Le pessimisme envahit tous les recoins de la société chinoise. Le marché de l’immobilier est lourdement endetté et regorge de propriétaires mécontents face à des promoteurs qui, pour cause de faillite, laissent les projets inachevées. Dans certaines villes, les prix de l’immobilier ont tellement chuté que les propriétaires proposent leurs maisons en location gratuite, simplement pour ne plus avoir à payer les mensualités de leur emprunt.

L’endettement est devenu un problème criant. Le non-paiement d’un prêt ou d’une hypothèque a placé environ 8,6 millions de Chinois sur la liste noire des tribunaux, un chiffre qui a augmenté de 50 % depuis le début de l’année 2020.

En décembre, Moody’s a abaissé la note de crédit du gouvernement chinois de stable à négative, attisant les inquiétudes de la communauté internationale sur l’économie chancelante du pays, loin des déclarations du régime selon lesquelles l’économie est résiliente et en bonne santé.

Déterminée à faire taire les voix dissonantes au sein de la population chinoise, le régime a, à la mi-décembre, décidé de contrôler les discours relatifs à l’économie et d’en faire une question de sécurité nationale. Les dirigeants ont laissé entendre que toute personne parlant de l’économie en des termes peu élogieux, sur les réseaux sociaux ou ailleurs, pourrait être tenue pour pénalement responsable.

« Cela montre à quel point l’économie chinoise va mal », a déclaré Lai Jianping, ancien avocat de Pékin, à Epoch Times. « Les autorités sont tellement à court d’options pour relancer l’économie qu’elles recourent à cette mesure des plus absurdes ».

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Des jeunes participent à un salon de l’emploi à Pékin, en Chine, le 26 août 2022. (Jade Gao/AFP via Getty Images)

Une nation sur la brèche

Masquer les faiblesses dès qu’elle apparaissent est devenue un sport national pour le régime, mais ici l’enjeu ne se limite pas au simple pouvoir d’achat. Selon Piero Tozzi, directeur de la commission bipartite sur la Chine, la population chinoise acceptait les atteintes à la liberté mais en contrepartie elle voulait voir son niveau de vie à s’améliorer. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

« Les gens ne sont pas des robots. Et ce qu’ils disent, c’est qu’ils n’ont plus d’espoir ni de confiance en l’avenir sous le Parti communiste chinois », a-t-il déclaré à Epoch Times. « Je pense que cela crée la possibilité d’un changement ».

Pékin poursuit sa campagne de contrôle des discours, mais la confiance dans le chef du parti, Xi Jinping, et au sein du système communiste, diminue.

« Je ne pense pas que les gens voudront le suivre dans l’abîme », a déclaré M. Tozzi.

Un haut responsable des médias chinois, dont le nom n’a pas été divulgué pour des raisons de sécurité, a déclaré à Epoch Times s’être entretenu avec un nombre important de hauts fonctionnaires chinois, et a expliqué que ceux-ci avaient des appréhensions réelles quant à l’état actuel des choses en Chine.

Les hauts fonctionnaires profitent de leur statut pour envoyer leurs enfants et leurs biens à l’étranger, et dans les échelons inférieurs, on se contente d’avancer « passivement », a-t-il déclaré.

Même les personnes les plus aisées en Chine ont dû faire des pieds et des mains pour obtenir de la nourriture ou bénéficier d’une assistance médicale pendant ces trois dernières années de quasi-emprisonnement. Nombre d’entre eux sont inquiets et cherchent un moyen de sortir leur argent du pays, même si cela veut dire confier ses économies à des gens douteux.

D’après les chiffres, la Chine se classe au premier rang mondial pour les départs de millionnaires : On estime à 13.500 le nombre de personnes ultra-riches ayant quitté le pays en 2023.

Des dizaines de milliers d’autres Chinois fuient également le pays. Le nombre de Chinois qui se présentent à la frontière entre les États-Unis et le Mexique a été multiplié par dix. Récemment, en l’espace de 24 heures, la recherche « Comment émigrer hors de Chine » a été lancée 510 millions de fois sur les réseaux sociaux chinois, un record qui a apparemment tellement irrité les autorités chinoises que l’application WeChat a effacé le mot-clé de l’historique de son classement.

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Des immigrés clandestins chinois parlent à un agent de la police des frontières après avoir traversé le Rio Grande, au Texas, le 5 mai 2022. (Brandon Bell/Getty Images)

Selon John Lee, chercheur à l’Institut Hudson et ancien conseiller du gouvernement australien pour les affaires indo-pacifiques, un manque de soutien au sommet de la pyramide chinoise serait particulièrement désastreux pour le régime, car le mantra du Parti, depuis la chute de l’Union soviétique, a toujours été de coopter les élites et de les garder de son côté, quitte à ce que le reste du pays souffre.

« C’est une leçon tirée de l’Union soviétique : si vous perdez le soutien des élites, c’est le premier pas vers le renversement », a-t-il déclaré à Epoch Times.

Le principal motif de mécontentement parmi ces élites réside dans le fait que le gâteau économique du pays se rétrécit. Face aux difficultés financières du pays, le chef du Parti, a exhorté les organisations gouvernementales à deux reprises au cours des deux derniers mois de « s’habituer à pratiquer des économies strictes ».

Malgré l’opacité de l’appareil du Parti, il est devenu évident que le régime craint pour sa sécurité. Ces derniers mois, Xi Jinping a suscité la surprise en limogeant les fonctionnaires qu’il avait lui-même choisis pour diriger les ministères de la défense et des affaires étrangères. Il a également remplacé les responsables de l’arsenal nucléaire du pays par des personnes extérieures au système et, lors d’un remaniement de fin d’année, neuf généraux militaires ont été évincés du parlement.

Selon Yuan Hongbing, un dissident chinois et ancien juriste ayant accès aux cercles internes du Parti, ce qui est reproché aux fonctionnaires évincés ne relève souvent que du prétexte.

« On ne leur reproche pas d’avoir divulgué des informations confidentielles ou d’être corrompus, mais de désapprouver les politiques de Xi Jinping dans le secret de leur cœur », a-t-il déclaré à Epoch Times, tout en soulignant que la purge continue de prendre de l’ampleur.

Mais, prévient-il, une rafle politique qui ne semble pas connaître de répit ne fait qu’empirer les choses : le climat de peur s’installera dans le pays, et même si cela peut permettre d’assurer une obéissance totale sur le moment, cela finira par démoraliser les gens et créer de nouveaux ennemis ».

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L’ambassadeur de Corée du Nord en Chine, Ri Ryong-nam (C), assiste à un dîner marquant le 74e anniversaire de la fondation de la République populaire de Chine à Pékin (Chine), le 28 septembre 2023. (Andy Wong-Pool/Getty Images)

À l’intérieur et à l’extérieur du pays

Au-delà de l’économie, la Chine a connu en 2023 son lot de difficultés sur d’autres fronts.

Les inondations, la sécheresse et la grêle ont ravagé les cultures dans les régions considérées comme le grenier à céréales de la Chine, compromettant l’ambition de Pékin de rendre le pays – actuellement le plus grand importateur de denrées alimentaires au monde – autosuffisant d’un point de vue agricole, et la dissimulation continue par le régime de nouvelles épidémies virales alimente le mécontentement de la population.

Dans un important discours de fin d’année, le dirigeant communiste chinois s’est vanté d’avoir tracé la voie à suivre pour l’avenir du monde. « La création d’une communauté de destin pour l’humanité », a-t-il déclaré, est l’une de ses « réalisations historiques » et reflète le « souhait commun des peuples du monde entier ».

Mais cette déclaration sonne creux quand, sur la scène internationale, l’agression militaire de Pékin, les violations des droits de l’homme et les pratiques de coercition économique ont de plus en plus éloigné le régime de l’Occident.

L’Italie, qui était autrefois le seul grand pays occidental à adhérer à l’initiative Ceinture et Route de Pékin, s’est officiellement retirée du programme d’infrastructure. Quant au nouveau président populiste de l’Argentine, il a refusé l’invitation qui lui était faite de rejoindre le club des BRICS, dirigé par la Chine.

Des rapports sur l’espionnage chinois en Belgique ont incité le premier ministre belge, Alexander de Croo, à qualifier la Chine de pays « parfois très hostile », et la secrétaire américaine au commerce, Gina Raimondo, a défendu de nouvelles sanctions contre Pékin en déclarant en décembre 2023 que « la Chine n’est pas notre amie », mais la « plus grande menace que nous ayons jamais eue ».

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Le Premier ministre cambodgien Hun Sen (au centre à droite) et le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi (au centre à gauche) président la signature de documents relatifs à l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route », à Phnom Penh, au Cambodge, le 12 septembre 2021. (Tang Chhin Sothy/POOL/AFP via Getty Images)

Au fur et à mesure que les tensions géopolitiques s’intensifient, et que les riches et les pauvres plient bagage, même parmi les rangs des plus fervents partisans de la Chine, on change son fusil d’épaule.

Par exemple, la société d’investissement Vanguard a abandonné ses projets d’expansion en Chine et a démantelé sa dernière équipe opérationnelle basée en Chine en novembre 2023.

De même, six mois après avoir qu’ils s’engagerait en Chine « contre vents et marées », JPMorgan Chase vient d’annoncer, via son PDG, Jamie Dimon, qu’ils quitteraient le pays si le gouvernement américain le leur demandait.

Au cours des trois mois précédant septembre 2023, les investisseurs étrangers ont retiré 12 milliards de dollars de Chine, un record depuis 1998, date à laquelle Pékin a commencé à publier ce genre de données.

De haut en bas de l’échelle, les murmures de contestation semblent s’amplifier.

Le China Labour Bulletin, un groupe de pression basé à Hong Kong, a recensé plus de 1900 manifestations et grèves de travailleurs chinois pour cause de salaires impayés en 2023, soit plus que le nombre d’affrontements des trois années précédentes réunies.

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Des membres de la Ligue des sociaux-démocrates brandissent une bannière en faveur de la démocratie et de la transparence devant les bureaux du gouvernement central à Hong Kong, le 25 octobre 2023. (Peter Parks/AFP via Getty Images)

Selon M. Lai, aujourd’hui président de la Fédération canadienne pour une Chine démocratique, une telle poussée reflète le désespoir de la classe ouvrière chinoise, qui deviendra de plus en plus difficile à réprimer à mesure que l’économie se dégradera.

Il cite un ancien proverbe chinois : « Si les gens n’ont plus peur de la mort, comment pouvez-vous les menacer de mort ? ».

Les jeunes Chinois, dont au moins un sur cinq est aujourd’hui soit au chômage soit déscolarisé, semblent déterminés à s’opposer aux diktats du régime. Alors que Xi les encourage à « manger de l’amertume », c’est-à-dire à effectuer des travaux subalternes et à souffrir pour une cause plus importante, les jeunes adultes parlent de « tangping », c’est-à-dire l’idée qu’il faut s’allonger et ne rien faire.

Miles Yu, l’un des principaux stratèges de l’administration Trump en matière de politique chinoise, voit dans cette passivité de la population une désillusion face à l’avenir.

La Chine a déjà connu des ralentissements économiques, reconnaît-il à Epoch Times, mais « le vrai problème aujourd’hui, c’est que l’écrasante majorité des gens ont perdu confiance dans le système ». Même si l’économie rebondit, les gens ne veulent plus y croire, et c’est pourquoi ils quittent le pays. C’est donc [soit] le ‘Tangping’, soit la fuite. »

« Une fois que les gens perdent confiance dans le régime, c’est le début de la fin pour le gouvernement ».

Une manifestation qui a choqué

La fragilité du régime a été révélée à la fin du mois de novembre 2022, lorsque des décès survenus dans un immeuble confiné du Xinjiang ont provoqué une explosion de colère parmi la population et que des étudiants et des habitants de tout le pays sont descendus dans la rue.

Brandissant des feuilles de papier blanc, ils ont exigé la démission du Parti communiste. C’était la première fois que le peuple chinois formulait des demandes aussi courageuses dans de telles proportions depuis les manifestations de Tiananmen en 1989. La révolte a tellement stupéfié le régime qu’il a levé l’ensemble des restrictions sévères qu’il avait imposé pour contenir le virus en à peine quelques semaines.

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Des personnes brandissent des feuilles de papier blanc pour protester contre la politique chinoise du zéro-covid, dans une rue de Shanghai (Chine), le 27 novembre 2022. (Hector Retamal/AFP via Getty Images)

Les manifestants ont été arrêtés et jetés en prison, mais cela n’a pas empêché certains de commémorer cet acte de défiance. À l’occasion d’Halloween, dans les rues de Shanghai, on pouvait voir des jeunes déguisés en « officiers blancs » du Covid-19 et certains portait même des costumes à l’effigie de la présidente de Taiwan, l’île démocratique voisine de la Chine continentale, la dirigeante Tsai Ing-wen.

Zhang Junjie, qui a participé aux manifestations quand il était étudiant en première année d’université à Pékin, a déclaré que le fait de voir tant de camarades étudiants se mobiliser lui donnait un nouvel espoir pour la Chine.

« Le PCC a joué un rôle déterminant dans la formation de tout un chacun en Chine, en tant que défenseur du Parti et du gouvernement depuis l’enfance. Le Parti ne se doutait pas une seconde que le peuple chinois avait encore le courage d’exprimer son libre arbitre après tant d’années de lavage de cerveau », a-t-il déclaré à Epoch Times.

En raison de la fermeture prolongée du quartier, sa grand-mère a dû se passer de médicaments pour le cœur pendant un mois. Son état cardiaque chronique a fini par se détériorer, et a nécessité une intervention chirurgicale.

En raison de son activisme, M. Zhang dit avoir été renvoyé de son école, enfermé dans un service psychiatrique et drogué à l’aide de psychotropes. Mais il ne regrette rien.

« C’est un honneur », a-t-il déclaré après avoir fui vers la Nouvelle-Zélande, où il demande l’asile. Il y suit des cours pour améliorer son anglais tout en économisant l’argent des frais de scolarité grâce à un emploi à temps partiel. Une université locale lui a fait une offre et il espère reprendre ses études dans quelques mois.

Lorsque Xi Jinping s’est rendu à San Francisco en novembre 2023 pour le sommet de l’APEC, M. Wang, qui a perdu son entreprise de vêtements pendant la pandémie, a participé à la manifestation qui se tenait en bas de son hôtel, habillé en Chinois de l’époque impériale pour se moquer du pouvoir sans limite du chef communiste.

Peu après cette manifestation, la police chinoise a identifié des membres de sa famille en Chine et a exercé des menaces à leur encontre. Ses comptes de réseaux sociaux chinois ont été suspendus.

M. Wang s’en fiche.

« Que peuvent-ils faire d’autre? » lance-t-il. « Plus on est fort, plus le mal est faible. Aussi invincible que le PCC puisse paraître, il s’effondrera d’un simple coup de pouce. »

Luo Ya, Shawn Ma et Li Yuanming ont contribué à cet article.

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