Le Premier ministre irakien a annoncé vendredi qu’il allait démissionner comme l’a réclamé le grand ayatollah Ali Sistani, figure tutélaire de la politique dans le pays, sans pour autant faire cesser les violences qui ont de nouveau fait 21 morts en une journée.
Adel Abdel Mahdi, un indépendant sans base partisane ni populaire de 77 ans, a cédé vendredi, après deux mois de contestation contre le pouvoir et son parrain iranien et plus de 420 morts à Bagdad et dans le Sud chiite.
Peu avant, le plus haut dignitaire chiite du pays avait appelé le Parlement à retirer sa confiance au gouvernement pour éviter le « chaos » et plus de morts, rejoignant les manifestants qui réclament depuis le 1er octobre « la chute du régime ».
L’agitation politique qu’il a aussitôt suscité n’a toutefois pas pu arrêter la spirale des violences qui se poursuit dans le Sud, où le chaos menace depuis que des combattants tribaux se sont montrés armés pour protéger les manifestants à Nassiriya et alors que des hommes en civil ont ouvert le feu sur la foule à Najaf.
Le sud de l’Irak s’était embrasé jeudi avec une répression menée par des commandants militaires dépêchés par Bagdad peu après l’incendie au cri de « Iran dehors » du consulat iranien dans la ville sainte chiite de Najaf. Le haut-gradé envoyé à Nassiriya a toutefois été limogé jeudi après la mort de 28 manifestants en quelques heures sous les tirs nourris des forces de l’ordre.
46 manifestants ont été tués et près d’un millier blessés
Au total jeudi, 46 manifestants ont été tués et près d’un millier blessés, selon les médecins. Un chiffre « intolérable », selon l’ONU.
Ce déchaînement de violence a transformé les défilés du Sud, longtemps festifs, en processions funéraires vendredi et même, fait inédit, poussé la province sunnite de Salaheddine à déclarer trois jours de deuil.
Les provinces sunnites, reprises aux jihadistes il y a deux ans, ne manifestent pas. Si leurs habitants se plaignent des mêmes maux que dans le Sud, ils redoutent d’être taxés de nostalgiques de Saddam Hussein ou de jihadistes, des accusations déjà portées contre les manifestants par leurs détracteurs.
Tahrir, épicentre de la contestation à Bagdad
Sur Tahrir, épicentre de la contestation à Bagdad, l’annonce de M. Abdel Mahdi a créé un répit joyeux. Les manifestants ont abandonné les pierres qu’ils jetaient sur les policiers pour danser après l’annonce par M. Abdel Mahdi de son intention de démissionner, a rapporté un photographe de l’AFP.
« Nous ne quitterons pas Tahrir tant que tous les corrompus ne seront pas partis », a lancé l’un d’eux à l’AFP.
« C’est une étape majeure, même si elle a tardé et que nous avons vécu des journées très sanglantes », renchérit Ali Hussein, étudiant de 20 ans qui manifeste à Nassiriya, alors que près de 420 Irakiens sont morts depuis le 1er octobre et des milliers d’autres blessés, dont beaucoup resteront handicapés, selon un bilan compilé par l’AFP de sources médicales et policières.
« Notre problème, ce n’est pas le Premier ministre, on veut que tous les partis dégagent! », tempère un autre protestataire à Diwaniya, dénonçant les services publics déliquescents, la corruption et le chômage entre autres maux.
Car dans le pays, l’un des plus riches en pétrole du monde, un habitant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et les infrastructures sont délabrées alors qu’en 16 ans, l’équivalent de deux fois le PIB s’est évaporé dans les poches de politiciens et d’entrepreneurs véreux.
Le Parlement doit se réunir dimanche
Le Parlement doit se réunir dimanche alors que, jamais, depuis la chute de Saddam Hussein en 2003, un Premier ministre n’a quitté son poste avant la fin de son mandat.
Il faudra ensuite « mettre en place les réformes exigées par le peuple », a prévenu vendredi Washington. Car dans la rue, les manifestants veulent plus: la fin du système politique post-Saddam Hussein sous la mainmise de l’Iran.
La désobéissance civile continue de bloquer écoles et administrations alors que les manifestations n’ont pas jusqu’ici touché le talon d’Achille du pouvoir, le pétrole, unique ressource en devises du pays qui représente 90% des recettes d’un gouvernement surendetté.
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