Michel-Ange a destiné la plupart de ses dessins au feu. Il s’agissait de ses ébauches, ses pensées éphémères, peut-être. Les quelques dessins qui ont survécu, ses contemporains les ont décrits comme des « échos du divin ». Ceux-ci étaient très prisés, déjà de son vivant, car ils ont révélé le processus créatif de « Il Divino » (de l’être divin). Le maître de la Renaissance, qui a élevé le rôle de l’artiste à de nouveaux sommets, a soigneusement organisé son héritage, un héritage qui continue de se déployer.
Michel-Ange a été publiquement loué comme « l’être divin » dès l’âge de 31 ans dans un poème épique, et ensuite tout au long de sa vie. L’adjectif est toujours d’actualité, réaffirmé sous le titre de l’exposition inédite du Metropolitan Museum of Art, Michelangelo : Dessinateur et concepteur divin.
« Le grand génie de Michel-Ange peut nous rappeler que l’art est intemporel et plus grand que nous. Il nourrit l’esprit. L’art peut apporter du réconfort dans le chagrin et insuffler un sentiment d’espoir dans l’humanité », a déclaré la conservatrice Carmen Bambach lors de la conférence de presse à l’occasion de l’exposition Michelangelo : Dessinateur et concepteur divin au Metropolitan Museum of Art de New York. À la fin de son discours, elle a qualifié l’exposition « d’expérience spirituelle ».
Selon la conservatrice, l’art de Michel-Ange « parle toujours d’une voix extrêmement fraîche », même s’il vivait à une époque très différente de la nôtre et avec des difficultés et des joies très différentes.
Selon Mme Bambach, « l’art contemporain met l’effort dans le concept plutôt que dans l’adresse de la main. Et chez Michel-Ange, les deux sont importants. C’est pour ça que nous utilisons le terme ‘disegno’, qui se réfère au dessin même, mais également au concept. Le fait que ce soit réalisé de sa main a une très grande importance. Et vous savez peut-être que le moment est venu pour que les artistes contemporains commencent à réfléchir et à respecter le travail de la main et à lui laisser plus de place dans le processus de création ».
Entrer dans le monde de ce maître, pouvoir voir et sentir ce que Michel-Ange communique dans ses dessins, appelle à la concentration et à la contemplation, exigeant un certain degré d’humilité. Le terme « disegno » signifie littéralement le dessin et le design en italien et, théoriquement, la poursuite esthétique et éthique cultivée à l’époque de la Renaissance.
Huit années de recherches ont été nécessaires pour réunir ces 128 dessins dans cette exposition, le plus grand nombre de dessins du maître jamais réunis. Parmi eux se trouvaient des dessins en préparation de la colossale sculpture en marbre de David, les débuts de la planification du Tombeau de Jules II, les études réalisées pour la fresque du plafond de la chapelle Sixtine, et un énorme carton (dessin grandeur nature) créé en préparation de la fresque Martyre de saint Pierre au palais du Vatican.
L’exposition présentait également trois sculptures en marbre, la première peinture de Michel-Ange, son modèle architectural pour la voûte d’une chapelle, sa poésie et ses lettres, ainsi qu’environ 70 œuvres de ses professeurs, ses élèves, ses collaborateurs et les artistes qu’il a influencés.
Les fils conducteurs de l’art de Michel-Ange peuvent être découverts d’une manière qui n’a jamais été possible auparavant. Les œuvres rarement exposées sont prêtées par une cinquantaine de collections de premier plan provenant de 35 villes d’Europe et des États-Unis. Il faudrait autrement 20 ans pour qu’un érudit ait accès à toutes ces œuvres, sans parler de la possibilité de les voir toutes en un seul endroit.
Le catalogue de l’exposition restera une trace permanente. Cela n’a pas la même puissance que de contempler les œuvres, mais cela permet d’apprécier l’imagination débordante de Michel-Ange, sa force de caractère, sa vertu, ainsi que la façon dont il a gravé le papier. On peut voir la façon incroyable dont ses œuvres, ces objets inanimés, évoquent un sens du mouvement perpétuel et dynamique.
« En voyant les originaux, nous avons vraiment une idée de la main de l’artiste, l’artiste pense sur le papier », a déclaré Mme Bambach. « De près, nous pouvons voir la force créatrice incontrôlable de Michel-Ange, comme si sa main ne pouvait pas suivre sa passion en rendant l’invisible visible. C’est presque comme une sorte d’explosion d’idées et de belles images sur le papier. »
Bien que beaucoup de choses aient été écrites et documentées sur Michel-Ange, y compris les cinq biographies écrites pendant et peu après sa vie, à chaque fois chaque détail nous permet de prolonger notre compréhension de l’homme et de son parcours.
Cette exposition met en évidence la formation de Michel-Ange dans l’atelier de Domenico Ghirlandaio et les efforts qui ont sous-tendu son génie. Inscrit dans un contexte biographique, elle aborde les conversations qu’il a eues avec l’antiquité, ses rivalités avec l’antiquité classique et avec ses contemporains, ses collaborations extrêmement calculées avec d’autres artistes, comme avec l’artiste vénitien Sebastiano del Piombo (1485/86-1547) ; ses poèmes et ses lettres ; ses amitiés profondes et les cadeaux qu’il échange, notamment avec le noble Tommaso dei Cavalieri (1509-1587) et la poétesse et veuve noble Vittoria Colonna (1492-1547).
Le langage de Michel-Ange
Quand Michel-Ange dessinait pour lui-même, il faisait des croquis très rapides, intuitifs, spontanés. Quand il communiquait avec d’autres artistes, assistants ou travailleurs dans les carrières, il réalisait des dessins détaillés, dans un style sec d’esquisse, où sa main n’était pas aussi reconnaissable parce qu’il s’agissait de communiquer des informations. Ses études anatomiques, d’une finition magnifique, montrent des hachures parallèles et croisées qui correspondent à la façon dont il a sculpté ses sculptures, explique Mme Bambach.
« Pour Michel-Ange, le dessin est une langue », a-t-elle déclaré. L’artiste se considérait principalement comme un sculpteur de marbre, mais il était aussi un peintre, un architecte et un poète. La base initiale pour tout ce qu’il a créé ou voulu communiquer a commencé avec le dessin. Il a rarement théorisé sur son processus de création par écrit.
« C’est un homme qui, quand il parle, parle le mieux en poésie », dit Mme Bambach en souriant.
Un de ses sonnets les plus célèbres, probablement destiné à Colonna, est le plus révélateur de sa théorie artistique néoplatonicienne. La première strophe dit : « Tout ce qu’un grand artiste peut concevoir, le marbre le renferme en son sein ; mais il n’y a qu’une main obéissante à la pensée qui puisse l’en faire éclore […] » (traduction Jean Aicard 1893).
Portrait d’Andrea Quaratesi, 1532, par Michel-Ange Buonarroti (1475-1564). Dessin, craie noire. The British Museum, Londres.
Le lien entre son cœur, son esprit et sa main devait être intégré dans la fabrication de l’art, a souligné Mme Bambach. Michel-Ange estimait que le « disegno » était une pratique de concentration et de travail pour parvenir à une union mystique avec Dieu et l’infuser ainsi dans son art. Il n’est pas étonnant que ses contemporains vénéraient son travail, le qualifiant d’« écho du divin » et commandaient un travail exclusivement « par sa main » (« di sua mano »). Son écriture était magnifiquement travaillée et sa poésie sublime.
La beauté dans les amitiés profondes
Parmi les dessins les plus beaux et les plus rarement exposés, on trouve les cadeaux que Michel-Ange a offerts à ses plus grands amis, comme les quatre dessins qu’il a donnés à Tommaso de Cavalieri (prêté par la collection royale de Sa Majesté la reine Elizabeth II).
Le dessin, intitulé Il Sogno (le rêve), représente un ange volant jouant de la trompette pointée directement entre les yeux d’un jeune homme (l’emplacement du troisième œil et le site de l’imagination dans la pensée aristotélicienne-galénique). L’homme est assis sur une boîte contenant des masques théâtraux et se penche sur une sphère, véhiculant l’idée du monde terrestre comme une scène. L’ange qui réveille l’homme du «rêve» reflète peut-être le statut de Michel-Ange en tant qu’artiste éveillé – à travers son amour de la beauté et sa profonde croyance en Dieu.
« Il y a quelque chose d’extrêmement beau dans l’observation de ces dessins qui sont la perfection maximale du disegno de Michel-Ange », a déclaré Mme Bambach. « Ils sont essentiellement les joyaux de son dessin. »
Les poèmes qu’il a échangés avec Colonna et le dessin qu’il lui a donné de la Pietà, (musée Isabella Stewart Gardner), attestent de « l’incroyable profondeur de leur croyance en Dieu et de leur abnégation », a déclaré Mme Bambach.
Michel-Ange a écrit un sonnet pour Colonna, faisant allusion à l’immortalité de l’art : « Comment donc, – et l’exemple en est là, sous nos yeux ! – Se peut-il qu’un effet soit plus fort que la cause ? Qu’une image de pierre, et vivante en sa pose, Au sculpteur bientôt mort survive, et dure mieux ? » (traduction Jean Aicard 1893).
Michel-Ange Buonarroti (1475-1564) vécut près de 89 ans. Sa longévité a été extraordinaire pour une personne de son temps. Cette dernière exposition du dessinateur et concepteur divin a davantage prolongé l’immortalité de Michel-Ange. « Cela peut nous rappeler que 500 ans peuvent disparaître alors que nous regardons les dessins, les sculptures et les peintures de cet artiste farouchement créatif », a déclaré Mme Bambach.
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