Après les massacres perpétrés à Paris par des individus armés se réclamant de l’organisation terroriste Daech, munis de bombes artisanales et de fusils d’assaut Kalachnikov faisant environ 130 victimes, le Parti communiste chinois tente d’utiliser cet attentat à son avantage, pour gagner le soutien international.
Les dirigeants chinois affirment ainsi avoir eux aussi des problèmes de terrorisme. Seulement, pour les experts de la région chinoise du Xinjiang, où vivent les musulmans ouïghours, les raisons des flambées de violence dans la région n’ont aucun rapport avec celles des groupes extrémistes djihadistes comme celui de Daech.
Cela n’a pas empêché Wang Li, le ministre chinois des Affaires étrangères, de déclarer dans son discours du 15 novembre au sommet du G20 : « La Chine aussi est victime de terrorisme. Et combattre les forces terroristes du ‘Turkestan oriental’, représentées par le Mouvement islamique du Turkestan oriental, devrait être une partie importante de la lutte contre le terrorisme international ». (Les séparatistes ouïghours se réfèrent au Xinjiang, sous son ancien nom de Turkestan oriental.)
La veille – et le lendemain des attentats du 13 novembre à Paris – plusieurs médias contrôlés par l’État chinois ont posté des photos de policiers armés, tout de noir vêtus, prenant d’assaut ce qui ressemble à des maisons rurales du Xinjiang.
La légende de la photo stipulait : « En France, Paris a été frappée par la pire attaque terroriste de son histoire, qui a fait des centaines de morts et de blessés. De l’autre côté du monde, dans le Xinjiang, la police a réussi après une chasse à l’homme de 56 jours, à mener avec succès un assaut complet sur les terroristes et a obtenu d’excellents résultats ».
Suites aux nombreuses réactions négatives suscitées par sa publication, l’article a été retiré.
« Le gouvernement chinois profite de la situation actuelle pour essayer de faire accepter au public occidental, ses propos et sa position sur le Xinjiang », a expliqué Patrick Meyers, chercheur indépendant à l’Université ETH de Zurich en Suisse.
Dans un entretien téléphonique, Dilxat Raxit, porte-parole du Congrès mondial ouïghour basé en Allemagne, faisait cette analyse : « Les accusations que portent les dirigeants chinois contre les Ouïghours ont un but politique précis : en associant les Ouïghours aux terroristes, la Chine pourra réprimer et attaquer à la fois l’un et l’autre ».
Il y a effectivement des explosions de violence dans le Xinjiang reconnaît Raxit, mais « les attaques des Ouïghours contre le Parti communiste chinois n’ont rien à voir avec le terrorisme international ».
Et d’ajouter, « en utilisant le mot ‘terrorisme’, la Chine espère éviter que la communauté internationale accuse le Parti communiste d’avoir une politique de répression dans le Xinjiang ».
Un joug écrasant
Le Xinjiang est une région immense de l’ouest de la Chine. Il a été envahi (ou ‘libéré’ selon le Parti communiste) par l’Armée populaire de libération en 1949 et placé sous le joug d’une poigne de fer. La population native ouïghoure, un peuple musulman turque, a été marginalisée et réprimée sur ses propres terres.
Les Ouïghours estiment dans leur grande majorité que les Han (l’ethnie dominante en Chine) ont migré en masse et mis la main sur le gouvernement et la société locale, laissant les Ouïghours sur la touche. Un recensement en 2000 révélait que les Ouïghours ne représentaient plus que 43 % de la population contre 40 % de Chinois Han. C’est un contraste saisissant par rapport à la répartition de la population d’avant la prise du pouvoir communiste, où près de 90 % de la population était ouïghoure.
La police maintient un contrôle strict et les restrictions nombreuses pèsent sur la libre pratique de la religion, comme le choix de laisser pousser la barbe ou non, ou le respect du jeûne pendant le ramadan, mois sacré des musulmans.
Au mois de mai dernier, les autorités chinoises ont ordonné aux restaurants et aux supermarchés de Laskuy, un bidonville de la grande ville de Hotan dans le Xinjiang, de promouvoir fortement les paquets de cigarettes et les bouteilles d’alcool, deux produits interdits pour les musulmans.
Dès son invasion du territoire, le Parti a cherché, comme il le fait déjà avec de nombreux groupes religieux et ethniques minoritaires, à annihiler la culture et la langue ouïghoure. Ainsi dans les écoles, les cours dispensés aux enfants ouïghours sont exclusivement en chinois mandarin. Les enfants viennent à oublier leur propre langue maternelle ouïghoure.
Ce sont ‘des attaques de riposte’
Les groupes ouïghours expliquent que c’est en réaction à la politique du régime chinois que certains individus ont pris les armes et sont passés à l’acte : cinq assaillants ouïghours ont ainsi poignardé à mort 33 personnes dans une gare de la province du Yunnan en mars 2014; cinq autres ont attaqué un marché à Urumqi, la capitale du Xinjiang, le 22 mai 2014, et tué 39 personnes.
Pour les experts, ces attaques meurtrières sont totalement différentes de celles de groupes comme Daech, qui reposent sur une idéologie religieuse explicitement extrémiste et qui fonctionne comme une organisation terroriste, bien structurée, disposant de financement.
« Les Ouïghours sont très, très en colère contre les politiques que le gouvernement chinois leur impose et certains groupes de personnes sont également mécontents de la situation. Du coup, elles agissent d’une manière violente », a argumenté Meyers.
Pour Raxit, la violence ouighoure a lieu « lorsque les gens n’en peuvent plus et sont à bout ». Et « Pékin » estime t-il, « a une grande part de responsabilité dans cet état de fait ».
L’un des cas les plus médiatisés a été la manifestation massive de 2009. Des milliers de Ouïghours étaient descendus dans les rues d’Urumqi, pour manifester leur mécontentement devant une situation de violence raciale survenue dans une usine de la province chinoise méridionale du Guangdong.
Les actes de violence – des coups de couteau assénés dans des gares, des attaques au couteau ou à la bombe sur des marchés – sont « des mouvements de riposte » tempère Meyers, généralement l’œuvre d’individus ouïghours ou de petits groupes, qui ont été abusés « Il leur arrive un petit malheur et ces personnes forment des groupes d’actions improvisés ».
Contrairement, ajoute t-il, « aux événements qui se sont déroulés à Paris et qui étaient organisés et planifiés. Les deux types d’évènements sont de nature différente ».
Dans la mesure où, les informations internationales parlent de terrorisme et d’Islam très superficiellement, le parallèle que le gouvernement chinois tente d’établir « va fonctionner et le public international va l’accepter », craint Meyers.
Quant à Erkin Emet, professeur à l’Université d’Ankara en Turquie et spécialiste dans la recherche sur le Xinjiang et la langue turque, il trouve que depuis les attentas du 11 septembre 2001 contre les tours du World Trade Center, la Chine a continuellement associé Ouïghours et terrorisme.
Le professeur Emet résume la situation en ces termes : « Ce sont les Ouïghours qui sont victimes de l’oppression et des abus des droits de l’homme, car dans le Xinjiang il n’y a pas de droits de l’homme, pas de liberté d’expression, ni de liberté de la presse et à plus forte raison pas de liberté de croyance ».
À son avis toutefois, la communauté internationale ne tombera pas dans le panneau de la propagande du régime chinois qui veut lier terrorisme et Ouïghours. Mais sur le terrain intérieur, la propagande du Parti pourrait faire mouche.
Article rédigé avec la contribution de Juliet Song.
Version anglaise : In Paris Terror Attacks, China Sees Opportunity to Justify Uyghur Crackdown
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