Le nombre d’assignations à résidence a augmenté en Chine sous le règne de Xi Jinping. Plus encore, les révisions du Code de procédure pénale ont permis à Pékin de détourner les assignations à résidence pour les utiliser contre les défenseurs des droits de l’homme et les dissidents.
Il arrive que l’assignation à résidence, ou la « résidence surveillée » comme on l’appelle officiellement, soit garantie pour certaines personnes dont les crimes ne sont pas considérés comme graves : les jeunes mères, les femmes enceintes, les personnes malades ou celles qui s’occupent d’autres personnes. En Chine, ce n’est pas différent. Toutefois, un nouveau rapport de Safeguard Defenders, intitulé « Home As Prison », montre comment les changements juridiques survenus en Chine depuis dix ans ont transformé l’assignation à résidence en une arme. Les chiffres du gouvernement montrent, sans surprise, comment l’ampleur de leur utilisation a explosé.
En soi, la logique sous‑jacente et ses résultats n’ont rien de nouveau : si la police se voit confier un pouvoir, même s’il est considéré comme une exception, elle le prendra et s’en servira. En Chine, les exceptions deviennent rapidement des normes. Un exemple ? Comme dans la plupart des pays, la police ne peut détenir une personne que pour une durée de 48 heures. Le temps de demander au procureur de procéder à une mise en détention. Mais nul n’est au courant de ce fait. Chaque fois que la question est abordée dans les médias, ceux-ci ont tendance à déclarer que la police peut détenir une personne 37 jours avant de l’incarcérer. D’une certaine manière, c’est exact. Il existe une longue série d’exceptions que la police peut invoquer pour prolonger le délai initial. Ces exceptions sont maintenant utilisées si régulièrement, dans des cas de figures si variés, qu’elles sont devenues la norme.
Le nouveau rapport, publié le 6 septembre, en a choqué plus d’un en révélant que les autorités chinoises ont placé jusqu’à 860.000 personnes en résidence surveillée depuis 2013, sans même tenir compte de cette année. En réalité, l’assignation à résidence est si régulièrement utilisée de manière arbitraire et illégale contre les défenseurs des droits de l’homme et les dissidents que le nombre réel dépasse probablement le million. Si ce n’est pas encore le cas, il passera la barre du million très bientôt.
Si ces chiffres peuvent choquer, de nombreux médias n’ont pas pris en compte les modifications juridiques à l’origine de ces changements, ni l’évolution de la nature des assignations à résidence (or c’est là où le bât blesse).
Des modifications juridiques (d’abord en 2012, puis en 2018) ont donné à la police le pouvoir non seulement de placer une personne en résidence surveillée, mais aussi de lui imposer une longue série de restrictions. La police applique toutes ces restrictions sans aucune justification. On peut désormais être enfermé chez soi, éventuellement pendant six mois, et être privé de toute forme de communication, notamment de visites.
Plus terrible encore, la police peut utiliser ce nouvel « outil » lors des rares cas où ses actions sont rejetées par un procureur. Par exemple, si la police souhaite faire arrêter quelqu’un, ce qui doit être approuvé par le procureur, et que cette demande est rejetée, la police peut imposer une assignation à résidence au lieu de libérer la personne. L’assignation à résidence est du recours de la police, sans contrôle ni supervision judiciaire. La police peut ainsi se livrer à des actes illicites en toute impunité.
Les garanties que le système judiciaire chinois est censé offrir aux personnes détenues et arrêtées sont fragiles et peuvent être ignorées à volonté, mais elles existent. Avec l’assignation à résidence, la police dispose d’un outil supplémentaire pour les contourner.
Compte tenu du nombre de victimes et du fait que, selon tous les indicateurs, l’utilisation de cette méthode ne cesse de s’étendre, la police chinoise a réussi à transformer le domicile des particuliers en prisons. Compte tenu du pouvoir illimité que cela lui confère, il est difficile d’imaginer que cette pratique puisse être maîtrisée, et la situation risque de s’aggraver.
Peter Dahlin est le fondateur de l’ONG Safeguard Defenders et le cofondateur de l’ONG chinoise China Action, basée à Pékin (2007‑2016). Il est l’auteur de « Trial By Media » [Procès par les médias] et a contribué à « The People’s Republic of the Disappeared » [La République populaire des disparus]. Il a vécu à Pékin à partir de l’année 2007, jusqu’à ce qu’il soit détenu et placé dans une prison secrète en 2016, puis expulsé et banni. Avant de vivre en Chine, il travaillait pour le gouvernement suédois en tant que spécialiste des questions d’égalité des genres. Il vit aujourd’hui à Madrid, en Espagne.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
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