C’est le roi Salomon qui a écrit qu’en fait, on ne réinvente rien (Ecclésiaste 1: 9) et que tout est vanité. Il est certain que nous avons assez de vanité à notre époque pour satisfaire tous les narcissiques, sauf les plus fervents d’entre eux. Mais je suis toujours frappé par la façon dont les mythes, légendes et histoires du passé résonnent actuellement, non seulement résonnent, mais projettent également une nouvelle interprétation sur ce qui se passe et pourquoi.
Prenons, par exemple, deux des caractéristiques les plus significatives de la politique identitaire : être woke et faire montre de vertu. (Être woke est un terme anglais désignant le fait d’être « éveillé et conscient face aux notions de justice et d’inégalités sociales » et de réagir activement face à celles-ci.) Dans un article précédent, j’ai cité le commentaire du professeur Norman Doidge selon lequel s’afficher comme étant vertueux peut être considéré comme le vice le plus courant de notre époque.
Qu’est-ce qu’être woke, et qu’est-ce que s’afficher vertueux ?
Eh bien, le terme woke semble être l’idée auto-congratulante que l’on, en tant que personne, s’est éveillé à toutes les injustices du monde : le sexisme, le racisme, l’âgisme, la religion-isme et tous les autres termes finissant par « isme », en parlant automatiquement d’« inégalités ». D’une certaine manière, ces soi-disant conscience, « éveil », ou connaissance donnent lieu à ce que des personnes moralement bonnes contribuent, en vertu de leur compréhension, en quelque sorte à la lutte contre ces injustices ou, parfois, contre des injustices perçues comme telles.
Cette ostentation de la vertu est l’expression extérieure de cette impression d’« éveil », par laquelle nous faisons savoir à tout le monde que nous sommes conscients et, par conséquent, accumulons des médailles morales, des badges et des points.
Collectionner les badges et les médailles de vertu
Lorsque nous nous pensons « éveillés aux injustices sociales », nous finissons par nous sentir vraiment satisfaits de nous-mêmes, parce que nous nous disons : « Je suis une bonne personne puisque je suis contre l’inégalité, le sans-abrisme et la pauvreté ; le gouvernement devrait faire quelque chose à ce sujet et les milliardaires ne devraient pas avoir autant d’argent ; ce n’est pas juste, ce n’est pas égal… » Et ainsi de suite. Les « éveillés » présument toujours qu’ils sont en position de supériorité morale.
Sans surprise, ce phénomène d’autosatisfaction morale s’est produit de nombreuses fois auparavant, et puisque les anciens étaient si sages, il a aussi été noté ; aussi je crois que je peux identifier le saint patron de tous ces accros à l’« éveil » et à la vertu ostentatoires.
Fait incroyable, c’est dans une seule ligne des Écritures que se déroule tout le schéma : le saint patron du chantage et de la vertu ostentatoire est, bien sûr, Judas Iscariot.
Et les pauvres, eux ?
Nous voyons que Judas est « éveillé » dans ce moment dramatique (Jean 12:5) lorsqu’il voit Marie masser un onguent onéreux sur les pieds de Jésus et qu’il demande : « Pourquoi ce parfum n’a-t-il pas été vendu pour trois cents deniers à donner aux pauvres ? »
Judas ne dit pas cela comme une question neutre, une question d’intérêt objectif, mais avec colère, amertume et une indignation suffisante. Comment le savons-nous ? En raison de la réponse de Jésus : « Laisse-la tranquille […] tu auras toujours les pauvres avec toi, […] mais tu ne M’auras pas toujours. » Jésus défend la femme que Judas attaque émotionnellement et moralement.
Cette attaque, c’est exactement la sorte d’« éveil » dont nous parlons.
Nous commençons donc à voir plus profondément dans la nature de la vertu ostentatoire et du fait de se se croire éveillé : pourquoi Judas dit-il ce qu’il dit ? Ostensiblement, pour montrer qu’il est dévoué aux pauvres, qu’il déteste le gaspillage, qu’il abhorre le luxe et le plaisir, qu’il est entièrement dévoué à la cause, peut-être même plus que son maître. Mais quelles sont ses véritables motivations ?
Un motif est donné : il s’agit en fait d’un voleur. À propos de Judas, l’auteur de l’Évangile fait remarquer que « s’il a dit cela, ce n’est pas parce qu’il se souciait des pauvres, mais parce qu’il était un voleur, et comme il avait la tirelire, il avait l’habitude de voler ce qu’on y mettait ».
L’avarice était donc un vice dont il était accablé. Il est assez intéressant de voir, au Royaume-Uni, combien de dirigeants socialistes sont millionnaires ou multimillionnaires, accumulant tranquillement de petites fortunes pour eux-mêmes tout en critiquant constamment et de manière moralisatrice le capitalisme et le système dont ils sont les principaux bénéficiaires.
Le vice secondaire qui en découle est une profonde hypocrisie : utiliser le couvert de son travail pour accumuler pour soi-même. Mais notez aussi, en plus de l’hypocrisie, la trahison concomitante. Judas accepte plus tard 30 pièces d’argent pour trahir le Christ. Le premier vice démontre l’incapacité d’être fidèle à soi-même ou à ses propres paroles, et le second l’incapacité d’être fidèle à son maître, son chef ou son patron. Il semble que l’hypocrisie conduise à la trahison.
Les profondeurs de la jalousie
Mais il y a peut-être un motif encore plus surprenant et révélateur : la jalousie. Judas enviait le Christ, enviait son importance et la façon dont les autres répondaient à la bonté du Christ.
Cela me rappelle ce merveilleux moment dans le Paradis perdu de Milton où Satan surprend pour la première fois Adam et Ève dans le jardin d’Éden et réfléchit à la façon dont il va les corrompre. Ce faisant, il projette sur Dieu ses propres motifs lorsqu’il dit : « Tout n’est pas à eux […] Pourquoi leur Seigneur leur envierait-il cela […] Je vais donc exciter leur esprit / Avec davantage de désir de savoir, et rejeter les ordres envieux, inventés à dessein / Pour les garder bas. »
« Tout n’est pas à eux » fait référence au fait que Satan a entendu le couple discuter de la condition pour rester au paradis : ne pas manger le fruit. Leur possession de l’Éden n’est donc pas absolue, mais conditionnelle. Satan explique que Dieu refuse de donner à Adam et Ève la pleine propriété (pour ainsi dire) de l’Éden et leur fournit plutôt un bail, parce qu’il est envieux et veut les « garder bas », ils sont simplement locataires et non propriétaires du paradis. Cette observation est absurde, sauf pour un esprit totalement préoccupé par sa propre envie, qu’il projette.
Dans l’évangile de Jean sur Judas, la fragrance du parfum remplit toute la maison et tout le monde peut en profiter, mais pas Judas. Satan n’est pas non plus capable d’apprécier la beauté du monde ou d’Adam et Ève au Paradis. Au contraire, Judas et Satan sont envieux.
Comme l’a fait remarquer Samuel Johnson, « presque chaque crime est commis à l’aide d’une qualité qui aurait pu produire de l’estime ou de l’amour, si elle avait été bien employée. Cependant, l’envie n’est que mal, c’est le mal à son état pur et véritable ; elle poursuit une fin haineuse par des moyens méprisables, et désire moins son propre bonheur que la misère d’autrui ».
Toujours examiner les véritables motifs
Si l’on se fie à Satan et à Judas, il semblerait que la véritable vertu déclenche toujours le ressentiment, l’envie et de la résistance de la part de ceux qui sont woke et qui prônent la vertu.
En plus de tout cela, bien sûr, ils sont invariablement des rabat-joie. Ils travaillent sous le poids de leur propre suffisance, ce qui signifie, comme ils le projettent sur le monde, qu’ils doivent être importants. On ne peut pas savoir avec certitude ce qu’il en est de Judas, puisque les archives ne nous en informent pas (bien que son incapacité à apprécier le parfum soit un indice), mais lorsque nous considérons les woke contemporains, peut-on en trouver un qui ait le sens de l’humour ? Je ne peux pas : ils sont invariablement sans humour et généralement dépourvus de tout sens de la joie ou de l’amusement.
Je conclurai donc en observant qu’en traitant avec les soi-disant « éveillés », « conscients » et vertueux ostentatoires, nous sommes souvent sur la défensive ou désavantagés : ils ont revendiqué une position morale supérieure en proclamant leur vertu. Qui pourrait contester, par exemple, le fait d’aider les pauvres ? Ou l’une de ces autres vertus qu’ils soutiennent haut et fort ?
Mais nous devons nous rappeler deux choses : premièrement, leur saint patron est Judas, et nous voilà donc mieux avisés de considérer leurs motivations. Plutôt que d’accepter la valeur nominale leur vertu, nous ferions bien de vouloir nous enquérir du rapport exact entre eux et cette vertu.
Deuxièmement, et c’est beaucoup plus important d’une certaine manière, nous devons faire une distinction, comme je l’ai fait dans cet article, entre le sentiment de bienveillance gentillette et agréable de ce qu’ils disent et les ramifications du véritable motif : la jalousie.
Trahison est le mot que j’ai utilisé, et coup de poignard dans le dos est l’image simple que j’utiliserais pour cela. Si l’on prend un exemple littéraire, on pense immédiatement à Iago dans Othello de Shakespeare : l’« honnête Iago », comme le pensait Othello, un Iago qui ne cessait de faire preuve de vertu. Othello a appris trop tard à quel point la jalousie de Iago était profonde et ce qu’elle était capable de faire.
Un instant de réflexion sur tous les régimes communistes et socialistes qui ont existé depuis 1917 montre non seulement la vertu ostentatoire du « pour le peuple », mais aussi les niveaux les plus profonds de la trahison. Un bon exemple est celui des « révolutionnaires culturels » qui créent des environnements dans lesquels les enfants rapportent au sujet de leurs parents et leurs enseignants, et ainsi le grand et seul élément constitutif de la société depuis le début des temps, la famille, est profondément ébranlé.
Bien sûr, cela commence à se produire maintenant en Occident, où des étudiants dénoncent leurs professeurs en raison de leurs opinions ou parce que ces derniers les mettent « mal à l’aise » ! Ou encore, de jeunes enfants dénoncent leurs parents parce qu’ils souhaitent une opération de changement de sexe, ce que leurs parents peuvent juger insensé.
Les notions de woke et de vertu ostentatoire ne sont pas de simples menaces, mais des dangers réels et présents pour notre culture aujourd’hui. Saint Judas Iscariote est, tristement, toujours vivant et bien portant en Occident.
Toutes les citations de la Bible sont tirées de la version New American Standard et traduites librement en français.
James Sale est un homme d’affaires anglais dont la société, Motivational Maps Ltd, est présente dans 14 pays. Il est l’auteur de plus de 40 ouvrages sur le management et l’éducation publiés par de grands éditeurs internationaux, dont Macmillan, Pearson et Routledge. En tant que poète, il a remporté le premier prix du concours 2017 de The Society of Classical Poets et s’est exprimé en juin 2019 lors du premier symposium du groupe qui s’est tenu au Princeton Club de New York.
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