Une méta‑analyse publiée récemment montre que le taux de spermatozoïdes diminue dans le liquide séminal des hommes dans le monde entier – à un rythme accéléré.
L’article a été publié dans la revue Human Reproduction Update en novembre 2022 par une équipe internationale de chercheurs. Ces derniers ont passé en revue 2936 abstracts scientifiques et 868 articles complets. Les chercheurs ont analysé les données de 38 études sur le taux de spermatozoïdes réalisées sur six continents pour actualiser leur étude phare de 2017.
L’étude de 2017 avait révélé que le nombre de spermatozoïdes avait chuté de plus de 50% en Amérique du Nord, en Europe et en Australie en l’espace de 50 ans. L’étude actuelle a mis à jour ces données et a ajouté d’autres données provenant d’Amérique du Sud, d’Amérique Centrale, d’Asie et d’Afrique.
« L’objectif de cette étude était d’examiner les tendances du taux de spermatozoïdes chez les hommes de tous les continents. Les implications plus larges d’une baisse mondiale du taux de spermatozoïdes, les lacunes dans les connaissances laissées par notre analyse précédente et les controverses entourant cette question justifiaient une méta‑analyse actualisée », ont expliqué les auteurs.
L’analyse a révélé que si le nombre de spermatozoïdes a diminué au taux moyen de 1,16% par an entre 1972 et 2000, le taux de diminution depuis 2000 a augmenté pour atteindre une moyenne de 2,64% par an.
L’auteure de l’étude, le Dr Shanna Swan, PhD, passe en revue les résultats de cette étude sur YouTube :
« Nous pouvons maintenant conclure que, parmi les hommes qui ne connaissaient pas leur [taux] de fertilité, c’est‑à‑dire, au demeurant, les plus représentatifs de la population générale, il y a eu un net déclin [du taux et de la concentration des spermatozoïdes] en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Nous pouvons donc dire que notre constat d’un déclin important de la concentration et du taux de spermatozoïdes est valable dans le monde entier. C’est un grand changement par rapport à l’article de 2017. »
« L’autre changement par rapport à l’article de 2017 concerne le rythme auquel le nombre des spermatozoïdes diminue : lorsque nous regardons les années récentes – en particulier depuis le début du siècle – le taux est de 2,64 par an. C’est plus du double de 1,16 lors du bilan précédent. »
Le rôle perturbateur des plastiques
Une question s’impose. Pourquoi ce déclin accéléré ?
Le Dr Shanna Swan a écarté les explications génétiques, soulignant que les changements génétiques prennent « de nombreuses générations pour apparaître » alors que ces changements ont eu lieu en deux générations ou moins. »
« Cela nous laisse avec l’environnement », a‑t‑elle conclu.
Le Dr Shanna Swan et d’autres spécialistes pensent que le problème vient d’une catégorie de produits chimiques appelés perturbateurs endocriniens, qui interfèrent avec les hormones du corps.
Ces perturbateurs endocriniens sont présents dans de nombreux produits de la vie quotidienne, notamment les bouteilles et les récipients en plastique, les revêtements des boîtes de conserve métalliques, les détergents, les retardateurs de flamme, les aliments, les jouets, les reçus des distributeurs automatiques de billets et les pesticides.
Les phtalates, que l’on trouve couramment dans les produits de soins personnels, les plastiques et les jouets pour enfants, constituent une catégorie courante de ces composés. Il est difficile pour les consommateurs de les éviter, d’autant plus que les fabricants ne sont pas tenus d’identifier ces ingrédients chimiques.
En outre, ces perturbateurs se dégradent particulièrement lentement dans l’environnement, ils représentent donc un problème sur le long terme.
La reproduction est un sujet de préoccupation particulier pour les chercheurs, car ces perturbateurs peuvent interférer avec le développement du fœtus et la différenciation sexuelle au début de la grossesse.
Dans la vidéo, le Dr Swan illustre le processus par lequel ces perturbateurs peuvent court‑circuiter la production de testostérone chez le fœtus mâle au cours de son développement :
« Donc, voici la vue d’ensemble. Il y a le fœtus mâle qui se développe vers les deux premières semaines du premier trimestre. À ce moment, les testicules doivent se développer et commencer à produire de la testostérone, et voici qu’arrive cette influence étrangère, les phtalates qui disent à l’organisme : ‘Tu n’as pas besoin de produire autant de testostérone’ parce qu’elles recouvrent et bouchent les récepteurs des androgènes, des récepteurs de la testostérone. »
« Ils sont assis là et ils disent : ‘Ok, on est bien ici – Et contrairement au message qui aurait dû être réceptionné initialement, les phtalates disent : tu n’as pas besoin de fabriquer plus de [testostérone].’ Alors le corps dit : Ok ! Et il n’en fabrique plus… et le garçon est sous‑masculinisé. »
Robin Bernhoft, M.D., ancien président de l’Académie américaine de médecine environnementale, explique pour Epoch Times que les plastiques impactent de manière plus large le fonctionnement des toxines sur la reproduction dans la biosphère :
« La prolifération des composés œstrogéniques est une préoccupation majeure. Des recherches ont montré que 80% des truites mâles du Colorado avaient des organes génitaux intersexués, qu’un pourcentage élevé de crocodiles mâles de Floride étaient dépourvus de pénis, etc. Ce phénomène se produit à plusieurs niveaux : un phénomène toxique direct au contact des PCB (ou PolyChloroBiphényles), un effet oestrogénique direct des plastiques, des pesticides et du mercure, mais aussi un effet secondaire – la stimulation de l’aromatase, une hormone qui transforme ensuite la testostérone en œstrogène, indépendamment des autres facteurs. La pollution en général… stimule l’aromatase qui convertit ensuite la testostérone disponible en œstrogènes. C’est assez effrayant. »
Critiques de l’analyse
L’étude de 2017 du Dr Swan et de ses collègues a été critiquée dans un article publié dans la revue Human Fertility en mai 2021 par des chercheurs du GenderSci Lab de Harvard. L’article ne proposait pas sa propre méta‑analyse détaillée des études sur le sperme, mais critiquait les hypothèses et les conclusions de la recherche.
« Les affirmations extraordinaires en termes de biologie de la méta‑analyse portant sur les tendances des taux de spermatozoïdes et l’attention publique qu’elle continue à susciter ont poussé le GenderSci Lab à s’interroger. Celui‑ci est spécialisé dans l’analyse des biais et du battage médiatique dans les sciences du sexe, du genre et de la reproduction. Il est également spécialisé dans l’étude des biais liées aux questions de race, de genre et de science », a déclaré à la Harvard Gazette Sarah S. Richardson, directrice du GenderSci Lab et professeur d’histoire des sciences et d’études sur les femmes, le genre et la sexualité à l’université de Harvard.
Les auteurs expliquent qu’au lieu de conclure à une hypothèse de « déclin du nombre de spermatozoïdes », il aurait fallu soutenir l’hypothèse de la « biovariabilité du nombre de spermatozoïdes » [Sperm Count Biovariability : SCB].
« L’hypothèse de la SCB affirme que le taux de spermatozoïdes connait un grand nombre de facteurs, dont une grande partie peuvent être considérés comme non pathologiques et typiques de l’espèce. La connaissance de la relation entre le taux de spermatozoïdes d’un individu ou d’une population et les facteurs historiques et écologiques [c’est‑à‑dire régionaux] est cruciale pour interpréter les tendances du nombre moyen de spermatozoïdes et leurs relations avec la santé et la fertilité. »
Mais la méta‑analyse du Dr Swan et de ses collègues n’a jamais nié le fait que le taux de spermatozoïde individuel pouvait varier pour un grand nombre de facteurs très différents. La méta‑analyse observe seulement une moyenne mondiale en déclin sur plus d’un demi‑siècle. Comment expliquer une baisse moyenne mondiale aussi rapide dans tous les groupes avec des facteurs individuels tels que le parcours personnel ou des changement régionaux ?
Les conséquences sur la santé d’un faible nombre de spermatozoïdes
Contrairement à l’analyse du GenderSci Lab, une étude menée en Italie par des endocrinologues révèle qu’un faible nombre de spermatozoïdes est associé à des altérations métaboliques, à un risque cardiovasculaire et à une faible masse osseuse. C’est ce qu’explique l’auteur principal Alberto Ferlin, médecin et professeur associé d’endocrinologie à l’université de Brescia.
« Les hommes infertiles sont susceptibles d’avoir d’importants problèmes de santé ou facteurs de risque coexistants qui peuvent nuire à leur qualité de vie et raccourcir leur existence », affirme ce dernier. Le Dr Ferlin est également le président de la Société italienne d’andrologie et de médecine sexuelle. « L’évaluation de la fertilité offre aux hommes une occasion unique d’évaluer leur santé et de prévenir les maladies. »
Le Dr Ferlin et ses collègues ont constaté qu’environ la moitié des hommes avaient un faible taux de spermatozoïdes. En outre, ceux‑ci étaient 1,2 fois plus susceptibles d’avoir une masse graisseuse plus importante (tour de taille plus grand et indice de masse corporelle plus élevé), une pression artérielle (systolique, i.e. maximale), un « mauvais cholestérol » (LDL) et des triglycérides plus élevés, et un « bon cholestérol » (HDL) plus faible.
Un faible nombre de spermatozoïdes a été défini comme étant inférieur à 39 millions par éjaculat. Tous les hommes de l’étude ont subi une analyse du sperme dans le cadre d’une évaluation complète de leur santé dans la clinique de fertilité de l’université, qui comprenait des mesures touchant à leurs hormones de reproduction et leurs paramètres métaboliques.
Selon les chercheurs, ils présentaient également une fréquence plus élevée de syndrome métabolique. Le syndrome métabolique décrit un état qui est considéré comme préfigurant plusieurs maladies graves telles que le diabète, troubles cardiovasculaires, accident vasculaire cérébral entre autres. La résistance à l’insuline, un autre problème qui peut conduire au diabète, était également plus élevée chez les hommes ayant un faible nombre de spermatozoïdes.
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