ANALYSES

Le travail forcé à l’origine des panneaux solaires chinois importés en Europe ?

février 4, 2025 6:42, Last Updated: février 4, 2025 8:53
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De nombreuses entreprises du secteur de l’énergie solaire s’approvisionnent directement ou indirectement en matériaux essentiels provenant de la région de Xinjiang en Chine, connue pour ses violations des droits de l’homme.

Au total, la Chine fournirait 80% des besoins mondiaux en polysilicium nécessaire au fonctionnement des installations photovoltaïques. Près de la moitié de la production mondiale de polysilicium est assurée par quatre usines situées dans la région du Xinjiang, à proximité de camps de « rééducation ».

L’Union européenne (UE) importe 97 % de ses panneaux solaires, pour l’essentiel de Chine. Si les États-Unis bannissent de son marché les entreprises chinoises soupçonnées d’avoir recours au travail forcé pour la production de panneaux solaires, pour l’UE l’interdiction ne sera effective qu’à partir de 2027, si elle n’est pas assouplie entre temps sur demande de la France et de l’Allemagne.

La domination chinoise dans le secteur de l’énergie solaire

Depuis 2017, le Parti communiste chinois (PCC) a déployé un arsenal incitatif pour que les entreprises solaires chinoises s’installent dans la région du Xinjiang.

La région du Xinjiang abrite les deux plus grandes centrales électriques au charbon du monde pour faire tourner ses industries produisant le polysilicium, le matériau utilisé dans 90 % des panneaux solaires et à la base de la chaîne d’approvisionnement mondiale du solaire photovoltaïque. Les fabricants chinois délocalisent ensuite l’assemblage des panneaux et les autres étapes de la chaîne d’approvisionnement en Asie du Sud‑Est pour éviter les sanctions occidentales.

Au cours de la dernière décennie, la part de la Chine dans la production mondiale de polysilicium est passée de 26 % à 82 %. L’industrie chinoise du polysilicium s’est déplacée vers le Xinjiang, attirée par l’énergie fossile bon marché, des incitations financières et fiscales du PCC et par une « main d’œuvre excédentaire » à bas prix, constituée de travailleurs ouïghours.

La grande vulnérabilité au travail forcé

Un rapport publié en 2021, In Broad Daylight [En plein jour, ndlr.], a apporté un premier éclairage sur la grande vulnérabilité du secteur de l’énergie solaire au travail forcé.

« C’est un système de travail forcé inédit, et je ne pense pas que nous ayons jamais vu ça auparavant dans le monde, nous apprenons tout juste à y faire face », a déclaré Laura Murphy, co-auteur du rapport.

Dans un autre rapport publié en juillet 2023 par l’université anglaise de Sheffield Hallam (SHU), on apprend que la grande majorité des modules solaires produits dans le monde « continue d’être liée à la région ouïghoure »,

« La production en Chine aggrave considérablement cette situation », précise l’étude. « Certains des plus grands fabricants de modules du monde semblent avoir bifurqué leurs chaînes d’approvisionnement pour créer une gamme de produits qu’ils prétendent exempts de produits du Xinjiang, bien que les preuves de ces affirmations varient d’un fournisseur à l’autre. »

Le rapport de la SHU souligne que « les entreprises qui ont créé des chaînes d’approvisionnement prétendument exemptes de produits de la région autonome ouïghoure du Xinjiang continuent de s’approvisionner auprès de fournisseurs ou de sous-fournisseurs liés à la région ouïghoure pour d’autres gammes de produits ».

Également, « en dépit d’une forte pression mondiale pour une plus grande transparence, les informations concernant l’approvisionnement de l’industrie solaire deviennent de moins en moins transparentes avec le temps, ce qui entrave la capacité du monde entier à s’approvisionner de manière éthique. »

Les pays occidentaux ont condamné la pratique massive de travaux forcés menée par le gouvernement chinois à l’égard de la minorité ouïghour, estimant par ailleurs que leur traitement s’apparentait à un « génocide », ce que Pékin nie catégoriquement.

Selon des groupes de défense des droits humains, au moins un million de personnes, majoritairement musulmanes, ont été incarcérées au Xinjiang et sont victimes d’abus, notamment la stérilisation forcée des femmes et du travail contraint.

Les États-Unis interdisent les productions venant du travail forcé 

Les États-Unis ont annoncé le 14 janvier 2025 des restrictions commerciales visant 37 entreprises chinoises, principalement dans les secteurs textile, énergétique (notamment la production de panneaux solaires ou de matériaux nécessaires à leur fabrication) et les minéraux critiques, accusées de violations des droits humains, en particulier contre la minorité musulmane ouïghoure.

Une décision qui est l’application de la loi sur la travail forcé des Ouïghours (UFLPA), entrée en vigueur en décembre 2021 et qui vise à s’assurer que les entreprises américaines ne financent pas des activités reposant sur le travail forcé de la minorité musulmane de Chine, notamment grâce à une liste des fournisseurs ou sous-traitants avec lesquels elles ne sont pas censées travailler.

Votée à la quasi unanimité par le Congrès américain interdit toute importation de produits provenant du Xinjiang, à moins que les entreprises de la région puissent prouver que leur production n’intégrait pas de travail forcé.

Parmi les entreprises visées, plusieurs sont spécialisées dans la recherche et développement ainsi que la production de panneaux solaires ou de matériaux nécessaires à leur fabrication, même si la majorité sont des entreprises du textile, spécialisées dans la culture et la production de coton, une des principales matières premières provenant du Xinjiang.

« Avec ces nouveaux ajouts nous prouvons de nouveau notre combat sans répit contre la cruauté du travail forcé, notre attachement sans faille aux droits humains élémentaires et notre défense inlassable d’une concurrence libre et non faussée », a déclaré l’ancien secrétaire à la Sécurité intérieure, Alejandro Mayorkas, cité dans le communiqué.

L’UE interdit les produits issus du travail forcé à partir de 2027

En avril 2024, Bruxelles a annoncé des enquêtes visant des groupes chinois dans l’énergie solaire. Les eurodéputés ont voté pour bannir les produits issus du travail forcé – la Chine est dans leur viseur – pour entériner un « devoir de vigilance » imposé aux entreprises pour protéger l’environnement et les droits humains dans leurs chaînes de production.

« La prévalence des produits issus du travail forcé sur notre marché devient de plus en plus évidente, en particulier issus du travail forcé des Ouïghours. Cette situation est inacceptable. Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur ce qui se passe dans nos chaînes d’approvisionnement » a commenté l’eurodéputée Maria-Manuel Leitão-Marques, co-rapporteure du dossier.

L’objectif: exiger des entreprises qu’elles préviennent, identifient et remédient aux violations des droits humains et sociaux (travail des enfants, travail forcé, sécurité…) et dommages environnementaux (déforestation, pollution…). Un devoir de vigilance appliqué dans leurs chaînes de valeur partout dans le monde, y compris chez leurs fournisseurs, sous-traitants et filiales.

Mais l’interdiction de l’UE du travail forcé n’entrerait en vigueur seulement en 2027.

La France a également demandé le 25 janvier 2025 à l’Union européenne de suspendre ce devoir de vigilance qui impose aux entreprises pour simplifier les normes relatives au Pacte vert – qui ne concernent pourtant pas les droits humains. « Nos entreprises ont besoin de simplification, pas d’alourdissement administratif supplémentaire », a justifié sur X le ministre délégué français en charge de l’Europe, Benjamin Haddad.

La France dit disposer déjà de sa propre loi dans ce domaine, obligeant les entreprises qui emploient plus de 5.000 salariés dans l’Hexagone et plus de 10.000 dans le monde à publier un plan de vigilance.

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