Le vélo quatre saisons : le sécuriser pour l’adopter

22 janvier 2016 04:55 Mis à jour: 22 janvier 2016 18:47

La pratique du vélo est de plus en plus populaire au Québec et le vélo d’hiver n’échappe pas à cette tendance. De 2005 à 2010, la proportion de cyclistes adultes aurait augmenté de 19 % dans la province, selon Vélo Québec. Par ailleurs, il y aurait 50 000 cyclistes quatre saisons, un nombre en « explosion ! » selon Étienne Roy-Corbeil, copropriétaire du magasin montréalais Dumoulin Bicyclettes, qui évalue à près de 10 % la proportion de sa clientèle roulant l’hiver. Le vélo ne serait plus seulement perçu comme une pratique récréative « du dimanche après-midi, quand il fait beau – pas trop chaud, pas trop froid, et qu’on a le vent dans le dos », plaisante M. Roy-Corbeil, mais comme un mode de déplacement à part entière. En effet, de 2000 à 2010, la proportion de Montréalais utilisant le vélo à des fins de transport aurait plus que doublé, selon Vélo Québec. Explorons les tenants et les aboutissants de cette pratique en pleine expansion.

Le vélo est un moyen de déplacement des plus efficaces : « Pour moi, c’est le moyen de transport le plus rapide entre le domicile, la garderie, l’école et le travail », explique M. Roy-Corbeil. Par ailleurs, les autres types de moyens de transport ont, eux, leur lot d’inconvénients : « en hiver, il faut attendre son bus dans le froid, déblayer son auto, prendre les transports en commun qui sont déjà surchargés, c’est encore plus pénible ! », confie Mme Bebronne, agente de liaison à Vélo Québec Association.

La sécurité d’abord

D’une manière générale, la sécurité des routes du Québec se serait beaucoup améliorée. Selon le bilan routier 2014 de la SAAQ, de 1978 à 2014, alors que le nombre de titulaires de permis de conduire a augmenté de 69 % et que le nombre de véhicules en circulation a plus que doublé, le nombre de personnes décédées dans des accidents de la route, lui, a diminué de 81 %. Quant aux cyclistes, en 2014, le nombre total de blessés, toutes catégories confondues, aurait diminué de 11,4 % chez les hommes et de 19,2 % chez les femmes par rapport à la moyenne des cinq années précédentes.

Piste cyclable de la rue Rachel en été (Vélo Québec)
Piste cyclable de la rue Rachel en été (Vélo Québec)

Plus de cyclistes, mais proportionnellement moins d’accidents ? Oui. Ce phénomène appelé Safety in Numbers serait bien connu et tirerait son origine des travaux du statisticien britannique Reuben Jacob Smeed qui, en 1949, aurait démontré que le risque d’accident par véhicule est plus bas dans les pays où plus de personnes conduisent. Pour les cyclistes, la corrélation s’appliquerait aussi : « Plus on est nombreux, plus on est en sécurité. On fait partie du paysage et les automobilistes sont plus habitués à cohabiter, ils développent le réflexe de regarder dans leurs angles morts, de faire attention en tournant, etc, donc proportionnellement, pour chaque cycliste, ça devient plus sécuritaire », explique Mme Bebronne.

Quant au vélo d’hiver, les Québécois seraient surtout préoccupés par la condition des routes : « Ce n’est pas la température « qui décourage le plus les gens de faire du vélo l’hiver«  – les gens savent s’habiller chaudement. Ce n’est même pas les précipitations. C’est vraiment la condition de la chaussée, l’état de la chaussée qui va faire que les gens vont se sentir en sécurité de monter sur leur vélo et de pédaler, ou pas », explique Mme Bebronne.

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 Parce que la nuit tombe plus vite et que les alternances de fonte et de regel glacent les rues, le vélo d’hiver est-il un moyen de déplacement sécuritaire ? Difficile de trancher : « On manque vraiment de données. C’est sûr que, quand on regarde les bilans routiers de la SAAQ [ Société de l’assurance automobile du Québec[], on voit qu’il y a moins d’accidents en hiver, mais on voit que, parallèlement, l’achalandage baisse aussi. [] si on se fie sur les données des compteurs [de passages situés sous les pistes cyclables] pour évaluer l’achalandage et que l’on compte le nombre d’accidents à côté, c’est très difficile de déceler un pattern par saison. Proportionnellement, il ne semble pas y avoir plus d’accidents en hiver qu’en été », explique Mme Bebronne.

Pistes ou bandes cyclables ?

Plus les aménagements sont sécuritaires, plus ils rejoignent de types de cyclistes – des plus téméraires aux plus craintifs et aux plus vulnérables. En ce sens, les Pays-Bas seraient exemplaires. Selon l’étude de la chercheure Anne Lusk et de ses collaborateurs publiée dans la revue Injury Prevention en 2011, dans ce pays l’on trouverait 29 000 km de pistes cyclables, près du tiers (27 %) des déplacements se ferait à vélo et 55 % des cyclistes seraient des femmes. Il y aurait 0,14 blessure par million de kilomètres. Inversement, aux États-Unis, la rareté des infrastructures rendrait la pratique dangereuse et impopulaire : seulement 0,5 % des déplacements se font à vélo, à peine 24 % des cyclistes adultes sont des femmes et la proportion d’accidents est 26 fois plus élevée.

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Bandes cyclables de la rue Laurier en hiver (Vélo Québec)

Au Québec, le réseau cyclable s’est beaucoup développé. En cinq ans, ce dernier aurait progressé de 36 % et atteignait, en 2010, près de 9000 km, selon Vélo Québec. « C’est sûr que ça se démocratise [] on ne se cachera pas qu’on n’est pas encore rendu à une vraie représentativité de la population. Le vélo d’hiver, c’est probablement encore moins le cas », soutient Mme Bebronne.

Côté sécurité, les aménagements s’équivalent-ils tous ? À Montréal, l’on trouve à la fois des « pistes cyclables » qui sont délimitées de la route par une barrière physique (mail de béton ou bollards), et les « bandes cyclables » qui sont délimitées de la route par un marquage au sol. Les chercheurs précités se sont penchés sur le réseau cyclable montréalais et ont relevé que la proportion d’accidents et de chutes était généralement moindre sur les pistes cyclables que sur les bandes cyclables.

Événement à venir
Participez à la troisième édition de l’expérience de vélo hivernal « Vélo sous zéro ». Le parcours forme une boucle de 17 km et emprunte à la fois des rues ouvertes à la circulation automobile et le réseau cyclable. Quelque 1000 cyclistes sont attendus le dimanche 14 février 2016, à compter de 10 h. Arrivée et départ à la Maison du développement durable.
Inscription gratuite mais obligatoire.

Toutefois, les pistes cyclables ne sont pas, elles non plus, une garantie de protection. « On sait que, même si on a des pistes cyclables aménagées qui sont très sécuritaires le long des tronçons, c’est vraiment aux intersection qu’on a plus de risque de collision », met en garde Mme Bebronne. En effet, dans une étude publiée en 2011, le Dr Patrick Morency et ses collaborateurs ont relevé que, à Montréal, près de 6 accidents impliquant des cyclistes sur 10 ont lieu aux intersections, en particulier aux intersections à 4 branches où les possibilités de croisements se multiplient.

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Bandes cyclables de la rue Laurier en été (Vélo Québec)

 

Quant aux bandes cyclables, les cyclistes qui y roulent sont plus sujets à être victimes d’une portière qui s’ouvre. Lorsqu’ils effectuent des dépassements, ils roulent plus près des véhicules et ils doivent parfois composer avec les autobus qui effectuent leurs arrêts dans la même voie. Quant à y circuler l’hiver, « on a moins d’espace, avec les bancs de neige, les rues sont plus étroites, alors on est obligé de cohabiter avec les autres modes de transport d’un peu plus proche qu’on le souhaiterait. Mais en même temps, en hiver, tout le monde roule plus lentement, anticipe davantage. Certaines artères sont plus tranquilles et plus agréables à parcourir », commente Mme Bebronne.

Et le déneigement…

Cette année, la Ville de Montréal a adopté une nouvelle politique de déneigement. « Les normes minimales qui s’appliquent à la chaussée s’appliquent également aux pistes désignées et aux bandes cyclables », a exprimé M. Harout Chitilian, vice-président du comité exécutif de la Ville de Montréal, lors de la conférence de presse du 7 janvier 2016. Ainsi, certaines voies cyclables devront être déneigées en même temps que les rues selon le niveau de priorité (un, deux ou trois) de ces dernières. Aussi, l’application Info Neige permet de connaître, en temps réel, l’avancement du chargement de la neige. « Donc, il y a eu une augmentation de la prévisibilité pour les cyclistes [de l’état de déneigement des voies] », affirme M. Gadoury, président du comité consultatif sur le vélo pour la Ville de Montréal et conseiller de Ville, du district Étienne-Desmarteau, dans l’arrondissement Rosemont-La Petite-Patrie.

CONSEILS DE BASE

1 Soyez visible. En plus des réflecteurs qui sont obligatoires, équipez-vous d’un éclairage actif : une lumière blanche à l’avant et une lumière rouge à l’arrière. Portez des vêtements clairs.
2 Équipez-vous de pneus adéquats. Pneus cloutés, à crampons, cyclocross ? Informez-vous auprès de personnes qualifiées pour vous aider à choisir.
3 Munissez-vous de garde-boues, préférablement un modèle qui longe le pneu sur la moitié de sa circonférence et qui n’est pas installé trop près de celui-ci.
4 Faites une mise au point régulière de votre vélo. Si ce n’est au début de la saison, celle de la fin de la saison est nécessaire pour le nettoyer du sel et du sable. Lubrifiez régulièrement la chaîne, les câbles et les gaines.
5 Habillez-vous comme en ski de fond, c’est-à-dire avec un système de couches multiples qui vous gardera au sec et au chaud. Ne vous habillez pas trop chaudement.
6 Munissez-vous d’une petite bouteille de dégivreur de serrure pour votre cadenas. Vous en trouverez une chez votre quincaillier ou à votre magasin de vélo.
7 Respectez votre niveau de confort. Ne vous sentez pas obligé de rouler dans des conditions extrêmes.
8 Roulez lentement et de manière régulière, évitez les manœuvres brusques.
9 Avis aux automobilistes ! Laissez un maximum d’espace aux cyclistes. Attendez le moment opportun avant d’effectuer un dépassement.
Références :
Vélo-Québec
Dumoulin Bicyclettes
Site web de Mountain Equipment Coop (MEC)

 

Toutefois, notre climat poserait des défis à l’entretien des pistes l’hiver. Alors que d’autres villes, comme Calgary, bénéficient d’une neige plus sèche et poudreuse qui peut simplement être enlevée avec un balai, « à Montréal, on a une neige beaucoup plus humide. Peut-être est-ce à cause de l’effet des Grands Lacs ? Quand on tasse la neige avec une pelle, elle est lourde, elle a tendance à former des amas de glace. Donc, il y a toute la notion de défi technique pour l’entretien […] À Montréal, il doit y avoir un épandage de sel massif », informe M. Gadoury.

Finalement, bien qu’actuellement, du 15 novembre au 1er avril, plusieurs pistes cyclables séparées de la route par des bollards ferment – telles celles des rues Clark et Boyer – « l’objectif côté aménagement, ce n’est pas de fermer [les pistes] plus tard, c’est vraiment que tous les kilomètres développés soient quatre saisons », rassure M. Gadoury. C’est d’ailleurs ce que beaucoup de cyclistes souhaitent, et même plus. L’idéal serait « de mettre à niveau les axes qui sont actuellement pratiqués en été et qui sont très utilisés, ils sont des axes nord-sud hyper importants, qui ne doivent pas disparaitre en hiver », souhaite Mme Bebronne.

Oulu, le cas d’école
Pour les habitants de la ville finlandaise d’Oulu, le vélo est devenu un mode de transport normal, même l’hiver. Malgré une moyenne de température de -14C en février et une durée d’ensoleillement très limitée, la part annuelle modale du vélo serait de 22 %. On y construirait 17 km de pistes par année et leur déneigement précéderait celui des routes. Peut-être que, petit à petit, c’est ce vers quoi nous tendons, nous aussi : « Je pense que, par le simple fait qu’il y a de plus en plus de cyclistes qui sont là, ça normalise la chose et les gens se rendent bien compte que ce n’est pas un acte extrême », conclut Mme Bebronne.

La ville d’Oulu, capitale du cyclisme hivernal

 

 

 

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