Les descendants des anciens hauts responsables du Parti communiste chinois (PCC) font des pieds et des mains pour transférer leurs avoirs hors de Chine dans un contexte de tensions entre factions politiques, selon des informations émanant de certaines familles bien placées en Chine.
Choisissant d’utiliser un pseudonyme par crainte de représailles, Fang Ming, un « prince » du PCC vivant actuellement à New York, a déclaré à l’édition chinoise d’Epoch Times le 25 octobre que la campagne anticorruption menée par le chef du parti Xi Jinping empiétait sur les intérêts des descendants privilégiés du parti, et inquiètent quant à savoir si leurs fortunes amassées en Chine seront protégées.
« Nous essayons de transférer de l’argent hors de Chine pour que nos actifs ne deviennent pas la proie des autorités chinoises », dit-il.
Les « princes rouges », les « héritiers rouges » ou la « deuxième génération rouge » sont des termes qui désignent la descendance des premiers dirigeants du PCC. Ces familles jouissent de privilèges plus importants et occupent des postes influents au sein des agences d’État et des entités appartenant à l’État dans divers secteurs, notamment l’armée, la technologie et la finance.
Lutte pour le pouvoir
Xi Jinping suit les principes du maoïsme, cherchant à copier le premier dirigeant du PCC, Mao Zedong, qui a maintenu l’isolement économique de la Chine par rapport au reste du monde. Cette approche s’écarte de la politique de « réforme et d’ouverture », initialement introduite par le deuxième dirigeant du PCC, Deng Xiaoping, puis développée sous la direction de Jiang Zemin et Hu Jintao, qui met l’accent sur le commerce et l’engagement à l’échelle internationale.
Deux factions importantes et interconnectées ont émergé avec la « réforme et l’ouverture » : les princes, qui représentent les intérêts des entrepreneurs et de l’élite émergente, et la faction « Tuanpai » ou Ligue de la jeunesse, dont les membres sont des réformistes modérés principalement issus de la base. Les anciens hauts fonctionnaires Hu Yaobang, Zhao Ziyang, Hu Jintao et l’ancien premier ministre Li Keqiang, récemment décédé, faisaient partie des Tuanpai. Les descendants des Tuanpai sont également considérés comme des princes.
Depuis son entrée en fonction en 2012, M. Xi a entrepris une série de purges politiques au sein du PCC afin d’éliminer ses adversaires et renforcer son contrôle sur le Parti. Les princes et les Tuanpai craignent d’être la prochaine cible des purges de malgré leurs efforts en faveur de l’hégémonie du PCC.
Le ministre de la Défense, Li Shangfu, est un exemple récent de prince tombé en disgrâce auprès de M. Xi. La révocation du général Li de son poste à la tête du ministère de la Défense a été officiellement annoncée par le média d’État chinois CCTV le 24 octobre. Son père, Li Shaozhu, était pourtant un ancien commandant de l’Armée populaire de libération (APL).
Il aurait été visé par une enquête anticorruption sur le système d’acquisition d’équipements et soupçonné d’avoir divulgué des secrets militaires impliquant la Rocket Force, selon Yao Cheng, un ancien lieutenant-colonel du commandement de la marine chinoise qui vit aujourd’hui en exil aux États-Unis.
La Rocket Force a connu d’importants changements de direction, son commandant et son adjoint faisant l’objet d’une enquête. Le 4 septembre, le PLA Daily a estimé que l’armée chinoise montrait des signes de « relâchement, de fatigue et d’ennui dans la préparation à la guerre », y voyant une marque de déloyauté à l’égard de Xi Jinping et du PCC.
En outre, l’ancien général Liu Yazhou, le gendre de l’un des « huit anciens du Parti révolutionnaire » et lui aussi un ‘prince’, aurait été accusé en mars de s’être livré à un important délit de corruption. Des rapports suggèrent qu’il pourrait être condamné à une peine sévère après avoir disparu de la scène publique en 2021.
Le mois dernier, le fils aîné de l’ancien chef du PCC Deng Xiaoping, a soudainement démissionné d’un poste important qu’il a dirigé pendant 30 ans et a été remplacé par un proche de Xi Jinping.
M. Yao a expliqué à Epoch Times que le récent remaniement de la direction politique et militaire montrait que Xi Jinping avait le sentiment que son emprise sur le pouvoir était instable. « Xi Jinping a très peur d’un coup d’État », dit-il.
La purge entreprise par Xi Jinping a sapé la confiance des descendants de la hiérarchie rouge du PCC, selon M. Fang, ajoutant que la plupart des princes n’étaient sans doute pas d’accord avec la décision du régime de Xi Jinping de soutenir la Russie suite à l’invasion de l’Ukraine ou l’Iran dans la guerre qui oppose Israël au Hamas.
Ces dernières années, la répression exercée par Xi Jinping sur les entreprises privées, telles que le tutorat hors campus et les géants de la technologie, et les mesures draconiennes de lutte contre la pandémie de Covid-19 ont contribué à la récession économique. Cette évolution va à l’encontre des attentes des princes, qui espéraient un dirigeant capable de protéger l’argent et l’influence de la classe privilégiée au sein du Parti.
Cependant, « les princes ne peuvent pas rivaliser avec Xi Jinping, la figure centrale du PCC », comme le souligne Zhuge Mingyang, observateur de la Chine et collaborateur de l’édition d’Epoch Times en langue chinoise.
« Pour eux, la seule façon de s’en sortir est de prendre leur argent et de s’enfuir », ajoute-il.
Modes de transfert des fonds à l’étranger
Les transferts de fonds à l’étranger par les puissantes familles du PCC ont alimenté les circuits financiers clandestins, alors que la Chine impose un plafond annuel de 50.000 dollars par personne pour les virements électroniques.
Zhao Wei (pseudonyme), un autre prince, a fait savoir que lui et d’autres membres de la seconde génération rouge étaient soucieux de préserver leurs biens pour éviter une éventuelle confiscation par le régime de M. Xi.
« Nous craignons tous la menace imminente de l’administration de Xi. Une fois que nos avoirs en Chine seront gelés, nous perdrons tout », a-t-il souligné.
Selon M. Zhao, la période la plus active pour le retrait de fonds s’est déroulée entre 2018 et 2020. Une autre année importante a été 2022, lorsque Shanghai, un centre financier, a été confiné. « Au cours de cette période, nous [les princes] pensions que les mesures zéro Covid entraîneraient le déclin du pays, et nous avons donc envisagé de retirer nos fonds », a-t-il expliqué.
M. Zhao a révélé les méthodes utilisées par les puissants et les riches pour transférer des fonds de comptes nationaux vers des comptes étrangers. Selon lui, différentes méthodes de transfert peuvent être utilisées selon la somme d’argent en jeu.
Par exemple, il a expliqué que pour les sommes allant jusqu’à 1 million de yuans (environ 130.000 dollars), le cédant envoie l’argent sur le compte désigné d’un intermédiaire chargé du transfert des fonds. Le destinataire convertit rapidement les devises étrangères sur le compte désigné ou les retire directement en espèces.
Pour les fonds compris entre 1 et 10 millions de yuans (environ 130.000 à 1,3 million de dollars), le transfert est effectué sur le compte d’une société. Ces sociétés sont généralement anonymes, l’entité juridique étant pratiquement inexistante, et elles ne paient pas d’impôts, s’apparentant ainsi à des sociétés écrans.
« Vous pouvez demander à quelqu’un d’enregistrer une telle société pour 5000 yuans (environ 680 dollars) en Chine, puis la société sera radiée peu de temps après avoir été utilisée pour transférer des fonds à plusieurs reprises », détaille-t-il.
Le transfert de sommes supérieures à 10 millions de yuans (environ 1,3 million de dollars) implique l’utilisation d’un canal particulier : le système de transfert télégraphique de la banque. « Ce système n’est pas accessible au grand public. Ce système transfrontalier est généralement utilisé par des personnes engagées dans des échanges internationaux de grande envergure et fonctionne séparément du système accessible au grand public », indique M. Zhao.
Outre les princes du PCC, d’autres magnats et la classe moyenne fuient la Chine, emportant des centaines de millions d’actifs à l’étranger. Les experts et observateurs chinois mettent en garde contre ces sorties de capitaux qui pourraient accélérer le ralentissement économique de la Chine.
Autres princes purgés du PCC
En 2016, les autorités ont pris le contrôle du magazine réformiste Yanhuang Chunqiu, dirigé par Hu Deping, le fils aîné de l’ancien dirigeant du PCC Hu Yaobang.
En septembre 2020, Ren Zhiqiang, un prince très en vue et magnat de l’immobilier, a été condamné à 18 ans de prison pour corruption présumée, pots-de-vin et détournement de fonds publics. Il était connu pour avoir exprimé ouvertement ses griefs concernant les politiques immobilières et pour ses critiques acerbes envers le PCC et le président Xi.
En juillet 2019, Wu Xiaohui, président du groupe Anbang Insurance, a été condamné à 18 ans de prison pour fraude et détournement de fonds présumés. M. Wu est pourtant le mari de la petite fille de Deng Xiaoping.
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