L’Amérique du Nord est aux prises avec une crise des opioïdes. Au Canada, le gouvernement fédéral veut faire adopter une loi pour qu’il soit plus difficile d’expédier des médicaments par la poste et d’importer des presses pour fabriquer des pilules. Il a également lancé un plan d’action national sur la mauvaise utilisation des opioïdes qui vise, entre autres, les pratiques de prescription inadéquates et de meilleures options de traitement.
Les gouvernements provinciaux ont également lancé une grande quantité de programmes visant à s’attaquer au nombre de décès grandissant, qui est particulièrement élevé en Colombie-Britannique en raison de sa proximité relative avec la Chine et puisqu’elle est le port d’entrée principal pour le fentanyl et d’autres opioïdes synthétiques.
La Colombie-Britannique a déclaré l’utilisation d’opioïdes une situation d’urgence reliée à la santé publique et a demandé à Ottawa de faire de même, comme l’avait fait un rapport parlementaire du Comité permanent de la Santé en 2016.
Aux États-Unis, les gouvernements fédéral et étatiques ont investi des centaines de millions de dollars dans le traitement de la dépendance, tandis que le médecin-chef américain encourage la retenue chez les médecins qui prescrivent des antidouleurs. Le gouvernement fédéral impose également des contrôles plus stricts sur sa frontière sud pour endiguer le flot d’héroïne.
La dépendance aux opioïdes est également un moteur du crime, de la prostitution au vol.
Il existe toutefois déjà au sein de la société une puissante force de guérison capable de vaincre une maladie aussi tenace que la dépendance, et elle est alimentée par les toxicomanes eux-mêmes.
Groupes de guérison mutuelle
Les toxicomanes en rétablissement se montrent très efficaces pour aider d’autres toxicomanes à arrêter et demeurer sobres. Des groupes comme Narcotiques Anonymes (NA) utilisent cette ressource depuis des décennies et une récente recherche indique qu’elle fonctionne aussi bien que les interventions psychologiques professionnelles, sinon mieux.
Alors que les scientifiques aimeraient obtenir plus de données sur l’efficacité des groupes de guérison mutuelle, l’urgence causée par la crise d’opioïdes incite des experts à demander plus de soutien à cette approche.
Dans un article publié en octobre dernier dans Alcoholism Treatment Quarterly, un groupe expérimenté de chercheurs en dépendance affirme que peu d’attention a été accordée jusqu’à maintenant au rôle joué par les organisations de rétablissement comme NA et à ce qu’elles pourraient faire de plus, dans la réponse nationale à la dépendance aux opioïdes.
« La réduction potentielle des coûts sociaux reliés à la dépendance aux opioïdes est substantielle, étant donné la contribution de NA au rétablissement à long terme, sa disponibilité géographique et son accessibilité 24 heures sur 24 sans coût associé pour le gouvernement ou les assureurs privés », affirment les auteurs.
La racine spirituelle de notre maladie est l’égoïsme. Tendre la main aux autres est ce qui nous garde spirituellement sains et heureux d’être en vie.
Il y a environ 30 000 groupes de NA qui tiennent des rencontres à travers le Canada et les États-Unis, avec des milliers d’autres dans plus de 130 pays. Les sessions sont gratuites et ouvertes à tous ceux qui veulent arrêter de consommer.
Narcotiques Anonymes est basé sur les 12 étapes de rétablissement développées dans les années 1930 par Bill Wilson et Robert Smith pour leur organisation Alcooliques Anonymes (AA).
Les 12 étapes, combinées à d’autres éléments, fournissent une structure qui aide les toxicomanes à organiser des rencontres pour discuter de leurs efforts visant à demeurer sobres.
Les AA et d’autres groupes qui suivent 12 étapes ont parfois été qualifiés de religieux, entre autres pour leur invocation de « Dieu tel que nous LE concevions » dans leur matériel. Cependant, autant les participants de NA et les chercheurs externes affirment que le sens est plus large que la religion.
Moins du tiers des membres de NA se décrivent comme religieux, alors que près du deux tiers se décrivent comme « spirituels, mais non religieux », selon une étude de 2013 publiée par l’American Society of Addiction Medicine.
« La spiritualité dans notre programme signifie essentiellement définir quelque chose qui est plus grand que soi », indique Wilvena G., une bénévole de Narcotiques Anonymes à New York qui est clean depuis 30 ans.
« Quand on vient ici pour la première fois, ça pourrait juste être le groupe », affirme-t-elle. Ça doit juste être « quelque chose qui est aimant et attentionné ».
En pratique, seule une minorité de membres de groupes à 12 étapes – habituellement ceux qui ont des problèmes plus graves – se libèrent de la dépendance par la spiritualité, selon John Kelly, professeur de psychiatrie et de médecine de la dépendance à la Harvard Medical School.
La plupart des membres en tirent quelque chose parce que les groupes mobilisent les mêmes mécanismes utilisés par les thérapeutes professionnels, explique-t-il.
« Ça aide les gens à changer leur réseau social pour un réseau qui est plus propice et qui encourage la sobriété et l’abstinence. Ça les aide à développer des mécanismes de résilience, ça les aide à bâtir… leur confiance dans leur capacité à demeurer sobres, ça les motive et ça diminue l’envie et l’impulsivité », mentionne M. Kelly.
De plus, les toxicomanes en rétablissement peuvent offrir quelque chose qu’on ne peut apprendre en formation, soit une expérience commune.
« La crédibilité de Narcotiques Anonymes est [démontrée] lorsque j’entends quelqu’un raconter [son histoire de vie qui est similaire à] mon histoire. Si cette personne est capable de le faire, alors moi aussi », explique Wilvena. « Je ne voulais pas écouter quelqu’un qui avait un diplôme en dépendance, parce qu’il n’était pas passé par le même chemin que moi. »
Donner au suivant
De plus, aider les autres est une partie intégrale de guérison dans les programmes à 12 étapes.
« La racine spirituelle de notre maladie est l’égoïsme », affirme Wilvena. « Tendre la main aux autres est ce qui nous garde spirituellement sains et heureux d’être en vie. »
Des décennies de recherche confirment qu’« aider les autres, c’est s’aider soi-même », affirme Keith Humphreys, professeur de psychiatrie et de science du comportement à l’Université Stanford.
« Ça semble être dans notre nature, il y a quelque chose à propos de l’expérience de connecter avec une autre personne en l’aidant qui est bénéfique pour nous », ajoute M. Humphreys.
Lauren R. a trouvé de l’aide dans un Dunkin’ Donuts.
Lauren, qui se décrit comme « très juive, de la classe moyenne élevée », ne se considérait pas comme une toxicomane. Après tout, à 21 ans elle avait une voiture, un appartement et un diplôme universitaire – elle n’était assurément pas dans la rue.
Mais elle ne pouvait cesser de consommer. Lors d’une pause cigarette à son travail dans un restaurant, elle a éclaté en sanglots en racontant à ses collègues qu’elle ne voulait pas rentrer chez elle. « Si je rentre, je vais consommer parce que j’ai du stock là. Et je ne sais pas quoi faire », se remémore-t-elle.
Mais vouloir arrêter et arrêter pour vrai, ce sont deux mondes à part. Elle est retournée chez elle et a consommé à nouveau.
Au cours des mois suivants, elle a rencontré un jeune homme qui travaillait au Dunkin’ Donuts et elle y est retournée à plusieurs reprises juste pour jaser avec lui. « Je pense qu’il savait que je consommais », remarque-t-elle.
Un jour, il lui a dit : « Il y a une rencontre [de Narcotiques Anonymes] vendredi soir. Tu devrais venir. »
« Si vous m’aviez dit que ce serait le dernier jour que je consommerais, je ne l’aurais pas cru. Mais c’est le cas », indique Lauren.
Elle est sobre depuis cinq ans.
Le jeune homme l’a aidée et maintenant Lauren aide les autres en faisant du bénévolat pour NA.
Reprogrammer le cerveau
Aider les autres aide aussi à changer son caractère, qui devient déformé par la dépendance, mentionne Carolyn Liot, directrice clinique à The Dunes, une résidence de traitement de la dépendance à East Hampton, New York, qui utilise l’approche en 12 étapes.
« Il y a toutes sortes de choses qui se passent dans la tête d’un toxicomane qui sont toutes très centrées sur soi, qui sont sournoises, malhonnêtes, calculatrices, manipulatrices, toutes visant à préserver la dépendance. Et ce n’est pas parce que c’est ce qu’ils veulent, mais parce qu’ils sont maintenant esclaves », ajoute Mme Liot.
« Toutes ces voies neurales, elles doivent toutes être reprogrammées. »
Il ne s’agit pas d’une métaphore. Des recherches exhaustives démontrent que la consommation répétitive de drogues reprogramme le système de récompense du cerveau. Ce système s’affaisse avec le temps et les toxicomanes développent une réduction globale de la sensibilité au système de récompense, indique un rapport de 2016 du médecin-chef américain.
Les consommateurs perdent le sens du plaisir qu’ils retiraient autrefois des autres activités, comme regarder un film ou manger des plats délicieux.
L’usage des drogues active également la partie du cerveau qui nous aide à développer des habitudes et il supprime la partie qui aide au contrôle de soi. Il active même des neurotransmetteurs qui font sentir mal le toxicomane lorsqu’il ne consomme pas.
Mais lorsque les gens vivent une expérience de guérison, ils sentent naturellement le besoin de la partager. Leurs pensées passent de l’égoïsme à l’altruisme, souvent sans le réaliser, explique Mme Liot.
« Si vous êtes assez chanceux pour trouver votre chemin, quel genre de personne seriez-vous si vous n’aidiez pas d’autres personnes à s’en sortir également ? », remarque un ex-client des Dunes qui a choisi de conserver l’anonymat.
Bien que les 12 étapes ne soient qu’une partie de l’approche des Dunes, Mme Liot recommande à tous ses clients de les essayer.
« Même si elles semblent un peu vieillottes, elles ont quelque chose de très intemporel et universel », ajoute-t-elle. « Essayez-les. »
Version originale : Addicts helping addicts: A way out of opioid crisis
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