Des agriculteurs français et espagnols bloquent lundi, depuis le milieu de matinée, les points de passage transfrontaliers le long des Pyrénées dans la dernière ligne droite avant les élections européennes afin de « peser » sur le scrutin et réclamer notamment une énergie moins chère.
Sur les coups de 10h00, une longue cohorte de dizaines de tracteurs espagnols a rejoint les quelques agriculteurs français positionnés là où l’A9 Montpellier-Barcelone, complètement coupée à la circulation, passe la frontière dans les Pyrénées-Orientales, à la hauteur du village du Perthus.
« Aujourd’hui, c’est un blocage historique qui ne s’est jamais fait en Europe », dit à l’AFP Sébastien Barboteu, 41 ans, éleveur bovin dans la vallée frontalière du Vallespir (Pyrénées-Orientales) et porte-parole des agriculteurs français mobilisés. « Avant, on ‘s’affrontait’, maintenant on s’allie, on a les mêmes problématiques », s’est-il réjoui à propos de cette rare mobilisation commune.
⚠️BLOCAGES ROUTIERS LIÉS AUX MANIFESTATIONS AGRICOLES LUNDI 03 JUIN 2024
En raison d’un mouvement social d’agriculteurs espagnols et français, annoncé pour lundi 03 juin 2024 des deux côtés de la frontière, avec blocage total de tous les types de véhicules dans les 2 sens de… pic.twitter.com/1p3LG0lECF
— Préfet des Pyrénées-Orientales (@Prefet66) May 31, 2024
Les manifestants espagnols ne perdent pas de temps. À peine arrivés, ils déchargent trois gigantesques poêles à paella, qu’ils commencent immédiatement à préparer. Des toilettes portatives sont même installées.
À l’image de ce barrage sur l’A9, sept autres points de passage entre l’Espagne et la France sont bloqués lundi, tout le long des Pyrénées, de la Catalogne jusqu’au Pays basque.
D’importantes perturbations
D’importantes perturbations sont à prévoir sur les axes routiers transfrontaliers et alentours, et pourraient durer plus longtemps que les 24 heures initialement prévues. L’autoroute A63, qui relie Bordeaux à Bilbao, est également coupée au niveau de la frontière.
Dans les Pyrénées-Orientales, l’accès au réseau routier secondaire était interdit aux poids lourds dès 6h30 par la préfecture, qui a « vivement » recommandé aux automobilistes « de reporter tout déplacement vers l’Espagne et le secteur frontalier ».
Cette mobilisation, pour une énergie moins chère et le respect des clauses miroirs (qui supposent d’imposer aux agriculteurs de pays tiers les mêmes normes environnementales que celles prévues en Europe), a pour particularité de ne pas avoir été organisée par les syndicats agricoles traditionnels.
« Il n’est pas normal qu’on nous impose, à nous, des normes qui ne sont pas respectées sur les produits qu’on importe », explique Xabi Dallemane, l’un des organisateurs de ce rassemblement « sans étiquette » au Pays basque. Pour cet éleveur de bovins et canards basé à Bidache, l’opération est « pacifique » avec pour objectif de « mettre la pression sur nos futurs députés européens ».
Le cheval de bataille est européen
« Personne n’achèterait jamais un jouet ou une voiture non conforme à la réglementation européenne, mais des aliments sont importés et vendus alors qu’ils ne la respectent pas », expliquait de son côté l’Espagnol Josep Ballucera, agriculteur de 39 ans venu de Santa Coloma de Farners, dans la province de Gérone (nord-ouest de l’Espagne).
« On veut peser, car quand je parle au gouvernement, on m’explique que 80% des lois agricoles se décident à Bruxelles, donc on a compris que maintenant le cheval de bataille n’était plus national, il était européen », renchérit Jérôme Bayle, éleveur de Haute-Garonne devenu figure du mouvement de contestation agricole du début d’année.
« Ça n’a rien à voir » avec la mobilisation de la fin de l’hiver, qui avait vu des agriculteurs de la France entière bloquer des autoroutes et asperger de purin les préfectures, précise-t-il toutefois. « On demande pas le bout du monde, juste que l’Europe soit uniformisée dans la réglementation et les taxes », ajoute-t-il.
Côté espagnol, la mobilisation est conduite par des plateformes locales, pour la plupart nées ces derniers mois et organisées via des boucles Telegram. L’une d’elles, le collectif catalan Revolta Pagesa (« révolte paysanne »), assure se battre « pour la défense de la terre » et « pour la souveraineté alimentaire ».
En février et mars, plus au sud, les agriculteurs espagnols avaient déjà coupé cet axe autoroutier. « C’est pour mettre un coup de pression avant les européennes », résume Jean Henric, viticulteur de 30 ans, depuis le blocage sur l’A9. « On a l’impression que les promesses ont été faites dans le vent. Si rien ne bouge on se remobilisera à l’automne prochain », prévient-il.
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