Lorsque Aimable Gafurura, défenseur des droits de l’homme et coordinateur de la radio communautaire La Voix des Virunga, a appris que le groupe rebelle M23 était arrivé à Rumangabo, une ville du territoire de Rutshuru, dans l’Est de la République démocratique du Congo (RDC), le 27 novembre 2022, il a rapidement emballé quelques biens et s’est enfui pour se mettre à l’abri.
Craignant d’être arrêté sur les routes principales, M. Gafurura a traversé le parc national des Virunga jusqu’à Goma, une ville d’environ 2 millions d’habitants et la plus grande de l’Est de la RDC, avant de s’enfuir au Burundi, pays voisin.
Le M23, ou Mouvement du 23 mars, soutenu par le Rwanda, est un groupe rebelle tutsi formé en 2012 par d’anciens combattants du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), une milice politique armée. Les rebelles du M23 affirment vouloir protéger et défendre la minorité tutsie en RDC. Bien que le M23 se soit emparé de Goma peu après sa création, il a subi des défaites face à l’armée congolaise et aux forces des Nations unies en 2013.
Le groupe a accepté d’intégrer l’armée à la condition que les Tutsis soient protégés. Mais en novembre 2021, le groupe a refait surface, affirmant que les promesses n’avaient pas été tenues. Depuis sa résurgence, le nombre de personnes ayant fui a augmenté.
« J’ai passé deux nuits dans la brousse avant d’arriver à Goma », se souvient M. Gafurura. Il a ajouté qu’il avait vécu des moments de « peur et de frustration » avant d’arriver au Burundi.

Routes périlleuses pour fuir
Le groupe M23 a poursuivi son offensive et s’est emparé de nouvelles villes dans l’Est de la RDC, notamment Goma, qu’il a prise le 27 janvier de cette année. Les Nations unies estiment qu’au moins 2900 personnes ont été tuées, plus de 3000 blessées et 500.000 déplacées depuis cette date.
Bien que les forces de la mission de la SADC (Southern African Development Community : Communauté de développement de l’Afrique australe) en RDC aient été déployées en RDC pour aider le gouvernement congolais à rétablir la paix dans la région orientale instable, leur mandat a pris fin et les troupes ont été retirées après que le conflit à Goma en janvier, entre le M23 et les forces de la mission de la SADC, ait entraîné la mort de 20 soldats d’Afrique du Sud, du Malawi et de Tanzanie.
Les Nations unies estiment que les dernières avancées à Goma ont forcé près de 80.000 personnes à fuir l’escalade des tensions et des combats dans l’Est de la RDC pour se réfugier dans les pays voisins. La plupart des habitants en fuite ont risqué leur vie en empruntant des chemins dangereux tels que le parc national des Virunga, le plus ancien d’Afrique, et en utilisant leurs biens comme radeaux de sauvetage pour traverser à la nage la rivière Rusizi, qui forme la frontière entre le Burundi et la RDC.
Depuis janvier, 61.000 personnes sont arrivées au Burundi. Ces Congolais ont rejoint les 91.000 réfugiés et demandeurs d’asile déjà présents au Burundi, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les Réfugiés (HCR).
Laurent Mugiraneza, analyste politique indépendant en RDC, a déclaré que fuir l’escalade des tensions est un risque énorme et que certaines personnes meurent en traversant la frontière. La BBC a rapporté en février que plus de 20 personnes sont mortes dans la rivière, tandis que beaucoup se sont séparées de leur famille en fuyant l’escalade des tensions.
« Certains sont morts à cause du manque d’assistance », a déclaré M. Mugiraneza à Epoch Times.

Détenus de force
La crainte d’être enrôlé de force dans le groupe rebelle M23 est une préoccupation croissante chez les jeunes. Selon M. Mugiraneza, c’est déjà le cas dans l’Est de la RDC.
« Des jeunes ont été détenus de force », souligne M. Mugiraneza. « Dans nos territoires de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo, des jeunes sont emmenés de force pour combattre aux côtés du M23. Dans les camps de réfugiés, les jeunes ont été recrutés comme main d’œuvre [et] ont fini dans des camps d’entraînement. »
Des atrocités ont également été commises par le groupe rebelle depuis sa résurgence. David Masangu (nom modifié pour sa sécurité) a déclaré que le 13 décembre 2022, le groupe rebelle a exigé que les habitants de certains villages du territoire de Rutshuru, dans le Nord-Kivu, quittent les lieux et s’installent ailleurs. M. Masangu a quitté le territoire de Rutshuru pour aller vivre à Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu, qui n’était pas encore occupée par les rebelles.
« Le lendemain, ces rebelles ont vandalisé ma maison et tout pillé », a-t-il rapporté à Epoch Times. Lorsque les rebelles se sont emparés de Goma en janvier, M. Masangu s’est réfugié au Burundi.
Entre-temps, M. Gafurura a déclaré qu’il était conscient de ces violations des droits de l’homme et de ce traitement injuste à l’encontre de citoyens non armés dans l’Est de la RDC. Il a ajouté que ces injustices continuent à l’encourager à plaider pour que justice soit rendue aux victimes.
Son activisme l’expose également à des menaces et à des intimidations. « J’ai été menacé à plusieurs reprises par le M23 », a révélé M. Gafurura.

Espoir de paix
Il est difficile de prédire l’issue du conflit et les prochaines étapes possibles – tant pour le gouvernement congolais que pour le groupe rebelle M23 – car les nombreux appels de la communauté internationale en faveur d’un cessez-le-feu n’ont donné aucun résultat positif.
Dans une tentative de rétablir la paix et de servir de médiateur dans le conflit entre le gouvernement congolais et le groupe rebelle M23, le président angolais Joao Lourenco a appelé à un cessez-le-feu avant les pourparlers de paix qui se tiendront à Luanda le 16 mars. Mais moins de 24 heures avant les pourparlers de paix, le M23 a annoncé qu’il ne participerait pas au dialogue à la suite des sanctions imposées par l’Union européenne à ses principaux dirigeants.
Le 20 février, le département d’État américain a sanctionné « deux personnes et deux entités liées à la violence et aux violations des droits de l’homme » en RDC, dont le porte-parole du M23 et de l’Alliance du fleuve Congo, Lawrence Kanyuka Kingston, et deux de ses sociétés.
En attendant, M. Gafurura et M. Masangu se sentent en sécurité et sont soulagés d’être à l’abri des menaces du groupe rebelle M23. Ils espèrent que la paix sera bientôt rétablie afin qu’ils puissent retourner dans leur pays et reconstruire leurs territoires.
« Le conflit en cours dans l’Est de la RDC a eu un impact très négatif sur moi. Je me sens mal à l’aise en dehors de mon territoire », confie M. Gafurura, qui vit actuellement dans un camp de réfugiés au Burundi. « J’espère que la paix sera bientôt rétablie afin que je puisse retourner dans ma région. »
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