Les couronnes de Cartier

Les créations étincelantes du célèbre joaillier seront bientôt exposées au Victoria & Albert Museum de Londres

Par Michelle Plastrik
9 avril 2025 16:49 Mis à jour: 10 avril 2025 04:21

L’exposition Cartier au Victoria & Albert Museum – souvent abrégé « V&A » – promet d’être une expérience brillante aux multiples facettes. Présentée du 12 avril au 16 novembre 2025, il s’agit de la première exposition de ce type au Royaume-Uni depuis près de 30 ans. Plus de 350 objets, dont des exemples inégalés de bijoux, de montres et de dessins, y seront présentés.

Cartier est une marque de luxe synonyme de créativité, de connaisseurs et de collectionneurs. Le roi Édouard VII l’avait qualifié de « bijoutier des rois […] et roi des bijoutiers ». Des pièces importantes provenant de collections royales sont prêtées pour l’exposition. La broche Williamson Diamond en est un exemple remarquable. Conçue comme une fleur de jonquille, elle a été commandée par la reine Élisabeth II en 1953, l’année de son couronnement. La composition expose un diamant rose extrêmement rare de 23,6 carats fixé au calice, cadeau de mariage de 1947 à la jeune princesse de l’époque. Cette pierre précieuse est l’un des plus beaux diamants roses jamais découverts.

Grace Kelly portant sa bague de fiançailles Cartier en diamant de taille émeraude de 10,47 dans le film High Society de 1956. (Photo crédit : Metro-Goldwyn-Mayer/MovieStillsDB)

Une autre pièce est la bague de fiançailles de Grace Kelly, composée d’un diamant de taille émeraude de 10,47, considérée comme la perfection par les amateurs de bijoux et de cinéma. L’actrice l’a portée dans son dernier film, High Society (1956), et elle est prêtée par la Collection du Palais princier de Monaco. Une autre pièce de provenance royale est la broche à clip rose de la princesse Margaret, acquise par la collection Cartier après la vente d’une sélection de ses bijoux à Christie’s. La broche avait été fabriquée par la succursale londonienne de Cartier en 1938. La princesse, dont le deuxième prénom était Rose, portait cette fleur tridimensionnelle en diamant et platine lors du couronnement de sa sœur.

(À g.) Une broche à clip en forme de rose, 1938, par Cartier Londres. Diamants et platine. (À dr.) Broche, 1933, par Cartier Londres. Améthyste, saphirs, diamants et platine. Collection Cartier. (Crédit photo : Vincent Wulveryck, Collection Cartier/© Cartier)

Ne jamais copier, seulement créer

« Cartier » retrace l’histoire de la Maison depuis le début du XXe siècle jusqu’à aujourd’hui, mais les origines de l’entreprise remontent à 1847, date à laquelle elle a été fondée par Louis-François Cartier. Fort de son succès auprès de la haute société française, la princesse Mathilde, cousine de Napoléon III, était parmi les principaux mécènes. Alfred, le fils de Louis-François, a pris les rênes de la Maison en 1874. Cependant, ce sont ses fils, Louis, Pierre et Jacques, qui ont fait de Cartier un empire mondial au début des années 1900, fournisseur des potentats, des princesses et des titans de l’industrie.

Louis dirigeait le bureau de Paris, Pierre celui de New York et Jacques celui de Londres et de tous les territoires britanniques, en particulier l’Inde. L’exposition comprend une broche en améthyste, saphir, diamant et platine réalisée par Cartier Londres pour l’épouse de Jacques, Nelly.

La devise des frères Cartier était « Ne jamais copier, seulement créer ». L’inspiration était internationale, des tapis persans à motifs aux arts décoratifs et à l’architecture française du XVIIIe siècle. Les motifs historiques français ont servi de base au style « guirlande » de la Belle Époque, populaire dans la joaillerie du début du XXe siècle et perfectionné par Cartier.

Broche Stomacher, 1913, commande spéciale de Cartier Paris. Cristal taillé, diamants et platine. Collection Cartier. (Crédit photo : Marian Gérard, Collection Cartier/© Cartier)

Très romantique et lyrique, Cartier utilise fréquemment des motifs tels que des fleurs, des nœuds, des glands et des guirlandes, souvent dans une palette entièrement blanche. L’utilisation inédite du platine comme métal de sertissage, dans laquelle Louis Cartier a innové, donne l’impression de diamants flottants. Auparavant, les pierres blanches étaient serties dans de l’or recouvert d’argent, ce qui présentait des inconvénients pratiques et visuels par rapport au platine.

Dans l’exposition, la Broche Stomacher de 1913 est une magnifique pièce de cette époque qui a nécessité le plus grand savoir-faire. Composée de cristal de roche taillé, de diamants et de platine, cette double boucle sculpturale contient des rinceaux gravés sur le cristal qui donnent l’impression d’une dentelle.

Des diadèmes ornés de pierres précieuses

L’une des attractions les plus glamour de l’exposition sera la section consacrée aux diadèmes. Ces ornements de tête sont le symbole ultime du statut social, de l’élégance et du pouvoir. Les diadèmes de Cartier sont la beauté et l’imagination personnifiées. Plusieurs exemplaires de la Belle Époque ont été réalisés pour des héritières américaines ayant épousé des membres de l’aristocratie britannique.

Le diadème à volutes, commandé pour la comtesse d’Essex en 1902, par Cartier Paris. Diamants, argent et or. Collection Cartier. (Photo crédit : Nils Herrmann, Collection Cartier/© Cartier)

Le diadème de 1902 commandé pour Adèle, comtesse d’Essex, née à New York, offre une remarquable volute ouverte et plus de 1040 diamants que son mari aurait fournis à Cartier. Elle l’a porté lors du couronnement d’Édouard VII. Un peu plus de 50 ans plus tard, Clémentine Churchill, épouse du Premier ministre Winston Churchill, l’a porté lors du couronnement d’Élisabeth II.

Le Diadème de Manchester est l’une des vedettes de la légendaire collection de bijoux du V&A. Il a lui aussi été fabriqué pour une héritière américaine, Consuelo, duchesse douairière de Manchester, qui a apporté les revenus nécessaires à un titre britannique. Elle était la marraine et l’homonyme de Consuelo Vanderbilt, également cliente de Cartier, qui avait épousé sous la contrainte le duc de Marlborough. Les motifs du diadème se composent de cœurs enflammés et de volutes en forme de C.

Le Diadème de Manchester commandé pour Consuelo, duchesse douairière de Manchester, 1903, Harnichard pour Cartier Paris. Diamants, or et argent ; la volute en C à chaque extrémité est sertie de pâte de verre. (Crédit photo : Victoria and Albert Museum, Londres)

Les diadèmes Art déco offrent de nouvelles tailles de pierres et des formes souvent très géométriques. Le diadème en aigue-marine, diamant et platine est un exemple audacieux et coloré datant de la fin de la période. Les pierres semi-précieuses comme l’aigue-marine étaient moins chères que les diamants, les émeraudes, les saphirs et les rubis. Elles sont devenues populaires pendant la Grande Dépression, lorsque les cordons de la bourse se sont resserrés, même parmi les personnes fortunées.

Diadème, 1937, par Cartier Londres. Aigue-marine, diamants et platine. Collection Cartier. (Crédit photo : Vincent Wulveryck, Collection Cartier/© Cartier)

En 1937, 27 diadèmes en aigue-marine, dont celui-ci, ont été commandés à Cartier. Le couronnement du roi George VI a eu lieu cette année-là, et ce modèle a été fabriqué pour être porté lors de l’événement. Comme beaucoup de créations de Cartier, ce diadème peut être transformé : le composant central peut être détaché et porté en broche.

Un rare diadème exposé se présente sous la forme d’un bandeau, d’un profil bas généralement porté sur le front, qui convenait aux cheveux coupés au carré des femmes des années 1920. Ce bandeau de 1928, qui se transforme en deux bracelets, est fait d’émeraudes, de rubis, de saphirs, de diamants et de platine sculptés. Il a appartenu à Lady Edwina Mountbatten, la dernière vice-reine des Indes, et est dans le style Tutti Frutti.

Le Bandeau Mountbatten dans le style Tutti Frutti, 1928, par English Art Works pour Cartier Londres. Émeraudes, rubis, saphirs, diamants et platine. (Crédit photo : Victoria and Albert Museum, Londres)

Tutti Frutti est devenu un style exemplaire de Cartier, et il continue de figurer dans ses collections de haute joaillerie, avec un collier récemment créé qui fait partie de l’exposition. Ce style a été baptisé tutti frutti dans les années 1970, mais avant cela, il était appelé « pierres de couleur ». L’utilisation de pierres de couleur taillées, plutôt que facettées, provient de bijoux indiens historiques.

Le maharadjah décoré

Les Cartier étaient fascinés par l’Orient et fusionnaient fréquemment leurs motifs avec des dessins occidentaux. Jacques Cartier a acheté un grand nombre de pierres sculptées lors d’un voyage en Inde en 1911 pour le Delhi Dunbar, une célébration du couronnement du roi George V, empereur des Indes. Ce voyage a été important car Jacques Cartier a noué des liens avec des maharajahs indiens, dont beaucoup sont devenus d’importants clients.

Le collier Patiala, commande spéciale de Bhupinder Singh, Maharadjah de Patiala, en 1928 (restauré en 1999-2002), par Cartier Paris. Diamants, zircon jaune et blanc, topaze, rubis synthétiques, quartz fumé, citrine, sertis en platine. Collection Cartier. (Crédit photo : Vincent Wulveryck, Collection Cartier/© Cartier)

Traditionnellement, les maharadjahs sertissaient leurs fabuleuses pierres précieuses dans de l’or, mais ils se sont rapidement empressés de commander de nouveaux bijoux et de faire refondre les pierres par Cartier dans du platine. L’un des objets les plus magnifiques jamais créés par Cartier est connu sous le nom de « collier Patiala ».

Bhupinder Singh, maharadjah de Patiala, était réputé pour ses bijoux incroyables, tant en qualité qu’en quantité. Le diamant jaune De Beers d’environ 234,5 carats, l’un des plus gros diamants polis au monde, faisait partie de sa collection. Il était la pièce maîtresse du « collier Patiala », composé dans un style indien traditionnel, mais serti de platine. Le collier a disparu du trésor du maharadjah en 1947. Il a été revu en 1998, lorsqu’un collaborateur de Cartier a découvert par hasard ce qu’il restait de la pièce originale (les principales pierres ayant disparu) dans une bijouterie d’occasion londonienne. Après l’avoir acheté, Cartier l’a restauré avec un mélange de pierres synthétiques et de diamants jaunes clairs.

Une broche en forme de scarabée

L’égyptomanie, fascination du XIXe siècle pour tout ce qui touche à l’Égypte, est devenue populaire à la suite d’événements tels que la campagne d’Égypte de Napoléon, les expéditions archéologiques et la construction du canal de Suez. Elle a été ravivée dans les années 1920 avec la découverte de la tombe de Toutânkhamon.

Cartier a incorporé des thèmes égyptiens dans différents types de bijoux, dont une « broche scarabée » de 1925, présentée dans l’exposition. Cette pièce est resplendissante avec sa faïence égyptienne bleu turquoise (un matériau céramique très prisé par les anciens Égyptiens) et ses ailes serties de pierres précieuses calibrées. Les scarabées symbolisaient la vie, la mort, la renaissance et l’immortalité. Cette broche pouvait également être portée comme boucle de ceinture.

La broche Scarabée, 1925, par Cartier Londres. Faïence égyptienne émaillée bleue avec rubis, émeraudes, citrines, diamants, onyx, platine et or. (Crédit photo : Collection Cartier Nils Herrmann, Collection Cartier/© Cartier)

L’histoire de Cartier

Le symbole emblématique de Cartier est la panthère. Depuis plus d’un siècle, le grand félin se métamorphose en colliers, bracelets, boucles d’oreilles, bagues, broches, montres, étuis à cigarettes, coffrets de toilette et sacs à main. L’origine du motif de la panthère est associée à la légendaire directrice de la création de Cartier, Jeanne Toussaint.

Ancienne maîtresse de Louis Cartier, Jeanne Toussaint était surnommée « La Panthère ». Même si elle était peut-être la source d’inspiration de la panthère de Cartier, elle n’en a pas créé le motif. Certains des dessinateurs qu’elle supervisait étaient connus pour dessiner des animaux vivants dans les zoos. Les illustres commandes de panthères de Cartier ont été réalisées pour des femmes célèbres comme la duchesse de Windsor, qui possédait une ménagerie Cartier comprenant une célèbre broche en forme de flamant rose.

Une montre-bracelet en peau de panthère, 1914, par Cartier Paris. Onyx, diamants, or rose, platine et bracelet moiré noir. Collection Cartier. (Crédit photo de Nils Herrmann, Collection Cartier/© Cartier)

La toute première incorporation par Cartier d’un motif de panthère date de 1914, sous la forme d’une montre-bracelet pour dames, qui est incluse dans l’exposition. Les bijoux panthère de Cartier figurent toujours parmi les pièces les plus convoitées de la Maison.

Des garde-temps intemporels

Cartier est également célèbre pour ses montres et horloges. Les plus célèbres d’entre elles sont appelées « pendules mystérieuses ». Louis Cartier s’intéressait particulièrement aux garde-temps et engagea un jeune horloger talentueux, Maurice Couët, afin qu’il innove pour la société. Maurice Couët a inventé une pendule de bureau sensationnelle qui laisse les spectateurs perplexes quant à la manière dont les aiguilles sont actionnées. Elles semblaient flotter au milieu d’un boîtier en cristal de roche sans être reliées à un mécanisme ou à un mouvement.

Horloge mystère Modèle A, 1914, réalisée par Maurice Coüet pour Cartier Paris. Cristal de roche, agate, diamant, saphir, émail, or, platine avec mouvement à huit jours. Collection Cartier. (Crédit photo : Nils Herrmann, Collection Cartier/© Cartier)

Le premier modèle de cette horloge, introduit en 1912, était connu sous le nom de Modèle A. Un exemplaire de 1914 fait partie de l’exposition. Les aiguilles sont enchâssées dans des disques transparents dont les bords sont reliés à des engrenages dissimulés dans les supports de l’horloge. Ces engrenages, à leur tour, relient l’aiguille au mouvement de l’horloge, qui se trouve généralement dans la base de l’horloge.

Un collier de jade birman ayant appartenu à l’héritière américaine Barbara Hutton, 1934, par Cartier Paris. Jade, rubis, diamants, platine et or. (Crédit photo : Cartier)

Il n’y a pas de mystère quant à l’engouement du public pour tout ce qui touche à Cartier. Les pièces merveilleuses présentées ici ne sont qu’un échantillon des trésors exposés au V&A. Parmi les autres chefs-d’œuvre, citons le collier de jade birman de Barbara Hutton, le plus bel exemple du genre, l’étonnant collier de serpent articulé de la star mexicaine Maria Felix, et la broche Allnatt, ornée d’un diamant jaune vif de 101 carats. L’exposition ne manquera pas de démontrer – sous une forme aussi brillante que l’emblématique boîte rouge de Cartier – que certaines des plus grandes œuvres d’art des XXe et XXIe siècles sont signées « Cartier ».

L’exposition « Cartier » au Victoria & Albert Museum de Londres se tiendra du 12 avril au 11 mai 2025. Pour en savoir plus, visitez le site VAM.ac.uk

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