Dans un cul-de-sac ordinairement calme de Hong Kong, des centaines de personnes se sont rassemblées ce week-end pour dire adieu à une librairie indépendante, forcée à fermer après de multiples plaintes anonymes et inspections.
La librairie Mount Zero avait annoncé qu’elle fermerait en avril. Accusée d’infractions mineures, notamment d’occupation illégale d’un terrain gouvernemental pour avoir carrelé le trottoir devant sa boutique, elle était sous la menace de lourdes amendes et de peines de prison.
Le secteur culturel confronté à la peur de la censure
Depuis une loi sur la sécurité nationale en 2020 à Hong Kong, le secteur de la culture a été confronté à la peur de la censure, et les quelques librairies qui subsistent disent être sous une pression croissante de la part des autorités.
Dimanche soir, sous l’inscription « les idées sont à l’épreuve des balles », la librairie a offert de la soupe de pois verts, des biscuits et du porc grillé à ses clients fidèles pour ses dernières heures d’existence.
« Les autorités disent souvent que Hong Kong va revenir à la normale ». Mais « ces choses vont hanter nos vies », indique à l’AFP Ivan Choy, expert en sciences politiques, un participant.
Une deuxième loi sur la sécurité nationale est entrée en vigueur fin mars dans le territoire chinois semi-autonome qui pourrait, craignent les défenseurs des droits, reléguer dans la clandestinité toute expression de sentiments pro-démocratiques et étouffer les libertés culturelles et artistiques.
Le gouvernement de Hong Kong affirme que la nouvelle loi sur la sécurité nationale ne restreindra pas la liberté d’expression.
Des lieux de rencontre pour les amoureux des livres
Fondée il y a près de six ans, la librairie Mount Zero a été témoin d’évènements historiques à Hong Kong : des grandes manifestations en faveur de la démocratie en 2019 et 2020 à la répression politique qui s’en est suivie de la part de Pékin.
Les clients de cette librairie progressiste déplorent qu’elle semble avoir été victime de vents politiques contraires. « Ces librairies sont des lieux de rencontre pour les amoureux des livres, il est dommage de les perdre », remarque Leo, un étudiant en informatique ne souhaitant pas donner son nom de famille, avec à la main un livre de poésie qu’il vient d’acheter.
La boutique sur deux étages accueillait souvent des événements culturels, comme des discussions sur des livres et des concerts à l’extérieur, ce qui lui a permis de former une communauté dévouée.
Pour Margaret Ng, avocate et précédemment engagée en politique, cette boutique était un point de rendez-vous pour des lecteurs qui partageaient les mêmes centres d’intérêt.
« On pouvait voir à Mount Zero les aspirations des jeunes à s’exprimer en littérature et à créer leur propre communauté ».
Une recrudescence des inspections des autorités
Mais en décembre, plusieurs librairies indépendantes de Hong Kong ont rapporté une recrudescence des inspections des autorités, parfois à la suite de plaintes anonymes, sur la sécurité incendie et le code du travail notamment.
En annonçant sa fermeture l’année dernière, Mount Zero a indiqué espérer que la personne anonyme à l’origine de nombreuses plaintes contre elle, « puisse faire une pause » pour lui épargner les visites de contrôle incessantes des différents départements de la ville. « Le temps ainsi gagné pourrait être utilisé pour s’asseoir et lire un livre correctement », suggérait la librairie.
L’AFP n’est pas en mesure de vérifier de manière indépendante la nature des plaintes.
« Si le gouvernement veut que plus de gens restent à Hong Kong, il doit se demander s’il y a encore des endroits dans cette ville où nous pouvons rester », relève Ivan Choy.
À la tombée de la nuit, les lumières de Mount Zero se sont éteintes mais les amoureux des livres affirment que l’impact de la librairie sur leur petite communauté ne sera pas oublié.
« Ce qui compte vraiment dans le cas de Mount Zero, ce n’est pas une librairie en particulier », relève Margaret Ng. « C’est l’esprit, et cet esprit est inébranlable. »
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