Le gouvernement démissionnaire a reconduit à l’identique, le 20 août, le budget pour 2025, alors que la nouvelle équipe, qui n’a pas encore été nommée par Emmanuel Macron, viendra le remplacer dans quelques jours. Dans l’opposition, certains parlent d’abus de pouvoir, un gouvernement démissionnaire étant, en théorie, restreint aux affaires courantes et ne pouvant prendre d’initiatives politiques.
L’initiative a « un objectif républicain », celui « d’assurer la continuité de l’État », a fait valoir Matignon. Cela « permet à la France de se doter d’un budget en temps et en heure », et « également au prochain gouvernement de faire ses propres choix sur la base de ce qui a été préparé et transmis aux ministères », ont ajouté les services du Premier ministre.
Les limites des pouvoirs d’un gouvernement chargé des affaires courantes sont en réalité floues, aucun texte juridique ne cadre spécifiquement ce qu’un gouvernement démissionnaire peut ou ne peut pas faire.
Les prérogatives d’un gouvernement démissionnaire
Un gouvernement démissionnaire « reste en place, tant qu’il n’est pas remplacé par un nouveau gouvernement, pour assurer, au nom de la continuité, le fonctionnement minimal de l’État », expliquait une note du secrétariat général du gouvernement (SGG) du 2 juillet.
Par le passé, un gouvernement en « affaires courantes » n’est resté en fonction que quelques jours – neuf jours maximum sous la Ve République, quinze jours en moyenne sous la IVe. Plus les périodes d’affaires courantes ont été longues, plus cette notion a été « appréciée de façon extensive », juge le SGG.
Les affaires courantes recouvrent d’un côté les « affaires ordinaires » qui participent à « la marche normale de l’État » et ne nécessitent « aucune appréciation de nature politique », et de l’autre les « affaires urgentes », dont l’adoption est dictée par « une impérieuse nécessité » (état d’urgence, catastrophe naturelle, trouble à l’ordre public, techniques de renseignement par exemple). Les mesures réglementaires ne sont prises à l’inverse que « par exception », au nom de la continuité de l’État, ou quand elles relèvent de l’urgence.
Un tel gouvernement peut néanmoins déposer un projet de loi pour doter le pays d’un budget, selon le SGG. S’il échoue à le faire adopter dans les 70 jours ou ne le dépose pas en temps voulu, il peut ensuite procéder par ordonnances.
Gabriel Attal reconduit le budget des ministères
Le gouvernement démissionnaire a reconduit à l’identique pour 2025 le montant des crédits de l’État, soit 492 milliards d’euros, a indiqué Matignon, alors que le prochain gouvernement n’aura que quelques semaines pour préparer le budget 2025.
Au 22 août, Emmanuel Macron n’a toujours pas nommé de nouveau Premier ministre, six semaines après les élections législatives et 37 jours après avoir accepté la démission du gouvernement de Gabriel Attal.
« La préoccupation principale du Premier ministre », qui a remis les “lettres plafonds” aux ministères, « c’est que le gouvernement qui lui succèdera ait les moyens de présenter un budget dans les temps prévus par les lois organiques », a-t-on expliqué rue de Varenne, sans reprendre la baisse de 5 milliards d’euros suggérée par le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire.
Cela « permet au prochain gouvernement de faire ses propres choix sur la base de ce qui a été préparé et transmis aux ministères » afin de “servir de base à la loi de finances 2025″, précisent les services du Premier ministre.
Le député socialiste Philippe Brun, vice-président de la commission des Finances de l’Assemblée nationale et élu du Nouveau front populaire (NFP), a paru satisfait sur BFM Business, lors de l’annonce du Premier ministre démissionnaire de la tournure des événements, et de ce premier jet « essentiellement technique » du projet annuel de loi de finances (PLF), qui permettra d’avoir au 1er octobre un texte à discuter, même très incomplet.
Des ministres démissionnaires à la fois députés
Mais les décisions politiques du gouvernement démissionnaire posent des questions sur le respect du cadre réglementaire.
Dix-huit ministres élus députés ont, par exemple, pu retrouver leur mandat parlementaire et voter à l’Assemblée nationale, après les élections législatives anticipées, notamment sur la répartition hautement sensible des postes comme la présidence de la Chambre – ce qui pose la question de la séparation des pouvoirs.
« C’est une façon de torturer le droit », expliquait le constitutionnaliste Benjamin Morel dans Libération. « Parce que la Constitution de la Ve République est vraiment écrite et pensée pour empêcher le cumul de la fonction de ministre et du mandat parlementaire. »
« Juridiquement ça peut tenir, mais ça pose de gros problèmes démocratiques et d’équilibre du régime », ajoute ce maître de conférences en droit public à l’université Paris II.
L’opposition saisit le Conseil d’État sur des nominations « hors cadre »
Le Parti socialiste a interpellé fin juillet le Conseil d’État, s’inquiétant de certains actes règlementaires, notamment une série de nominations, qui, à ses yeux, « excèdent les prérogatives du gouvernement » démissionnaire et « le cadre des affaires courantes », dans un courrier diffusé par Le Monde.
Dans une lettre au vice-président du Conseil d’État Didier-Roland Tabuteau, le patron du PS Olivier Faure souligne que « jamais à notre connaissance un gouvernement n’aura dû gérer aussi longtemps les affaires courantes », puisque Emmanuel Macron a indiqué qu’il ne procéderait pas à la nomination d’un nouveau gouvernement avant la mi-août.
D’autant que cela se déroule « en dehors d’une session parlementaire » qui permettrait aux députés d’exercer « un contrôle efficace », et au moment où les congés estivaux et l’organisation des JO peuvent « perturber » le fonctionnement des institutions, souligne-t-il.
« On peut légitimement s’interroger sur l’exercice du pouvoir réglementaire, et la récente série de nominations à des postes de direction au sein de l’administration centrale avec des dates de prise de fonction différées », s’inquiète le PS.
Une rentrée législative attendue
La France s’est engagée à baisser son déficit (solde des comptes de l’État, de la Sécurité sociale et des collectivités locales) à 3 % du PIB en 2027, alors qu’elle est sous le coup d’une procédure de déficit excessif de la part de Bruxelles, avec six autres pays européens. Elle doit ainsi présenter d’ici le 20 septembre son plan à moyen terme pour rentrer dans les clous.
Les délais du projet annuel de loi de finances, véritable monstre législatif, sont quant à eux incompressibles et le budget, qui doit être adopté et promulgué avant le 1er janvier, devra être déposé au Parlement au plus tard le 1er octobre.
Ce texte, dont l’adoption s’annonce très délicate dans un contexte d’absence de majorité à l’Assemblée nationale, doit en outre être auparavant présenté en conseil des ministres et avoir reçu les avis du Haut Conseil des finances publiques et du Conseil d’État.
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