Devant toutes les caméras de surveillance de Pékin, un homme habillé en ouvrier du bâtiment a déployé deux banderoles sur un viaduc le 13 octobre, demandant la fin de la politique zéro Covid et la destitution de Xi Jinping.
L’homme a ensuite été identifié par China Change, une plateforme d’information sur les droits de l’homme, l’État de droit et la société civile. Yaxue Cao, un des fondateurs de China Change, a publié sur Twitter le 14 octobre que l’homme se nommait Peng Lifa, connu en ligne sous le nom de Peng Zaizhou.
M. Peng a écrit sur une des bannières : « Nous ne voulons pas de tests PCR, nous voulons manger. Nous ne voulons pas de confinements, nous voulons la liberté. Nous ne voulons pas de mensonges, nous voulons la dignité. Nous ne voulons pas de la ‘révolution culturelle’, nous voulons des réformes. Nous ne voulons pas de chefs, nous voulons des votes. Nous ne voulons pas être des esclaves, nous voulons être des citoyens. »
Sur l’autre bannière, M. Peng prônait des grèves, d’étudiants, d’enseignants, de travailleurs. Il exigeait la destitution de Xi Jinping, qualifié de « dictateur et de traître ».
Des vidéos et des photos de M. Peng installant les banderoles et utilisant un haut-parleur pour diffuser ce qu’il avait écrit sur les deux banderoles sont rapidement devenues virales en Chine et à l’étranger. On pouvait voir de la fumée s’échapper du pont Sitong, M. Peng ayant brûlé ce qui ressemblait à des pneus pour produire de la fumée et attirer l’attention.
Le pont est situé dans le district de Haidian, au nord-ouest de Pékin. Le district abrite plusieurs universités chinoises importantes, dont l’université de Pékin et l’université Tsinghua, et est proche de Zhongguancun, la Silicon Valley chinoise.
M. Peng a rapidement été arrêté par la police de Pékin. Depuis lors, aucune information n’a filtré sur l’endroit où il se trouve ni sur l’état dans lequel il est. Désormais, on s’interroge et on s’inquiète en Chine comme à l’étranger quant à sa sécurité.
La censure
Le régime chinois a agi rapidement pour bloquer la diffusion en ligne d’informations sur la manifestation, à trois jours seulement du XXe congrès national du PCC. Lors de ce congrès quinquennal, le PCC établit le nouveau gouvernement et fait par des nouvelles orientations politiques.
Les termes censurés en lignes se sont multipliés.
Outre les mots et les phrases figurant sur les banderoles, des expressions telles que « pont Sitong », « Pékin », « Haidian » (le quartier), « banderoles », « homme courageux » et « courage » ont été censurés sur les médias sociaux.
Les personnes partageant des photos et des vidéos de la manifestation de M. Peng ont vu leurs comptes clôturés ou interdits.
« Je l’ai vu ! » voilà un énoncé qui a également été interdit en ligne, après que des personnes ont commencé à l’utiliser pour faire référence à la manifestation.
Selon China Change, un journaliste a déclaré que son compte avait été suspendu pendant 60 jours pour avoir simplement dit : « Je l’ai vu ! »
Une chanson intitulée « Pont Sitong » a également été retirée des plateformes de musique chinoises, selon The Associate Press.
Renforts de gardes sur les ponts
Face à la manifestation de ce seul homme, les autorités de Pékin ont immédiatement renforcé la sécurité du fait du Congrès national au 16 octobre.
Outre les patrouilles de police et les contrôles d’identité aux alentours du pont Sitong, la municipalité de Pékin a publié dans l’urgence des annonces pour recruter du personnel de sécurité temporaire dans le seul but de surveiller les ponts. L’intitulé du poste de ces agents était « surveillants de ponts », selon une traduction directe.
L’édition en langue chinoise d’Epoch Times a consulté les annonces de recrutement et a contacté plusieurs d’entre elles pour obtenir des commentaires.
Une des agences de ressources humaines a déclaré à Epoch Times ne rechercher que des hommes pour assurer la sécurité des ponts.
Selon les offres d’emploi, le salaire journalier des surveillants de ponts varie entre 240 yuans (30 euros) et 360 yuans (50 euros). Les candidats doivent mesurer au moins 1,5 mètre et être âgés de 18 à 45 ans. Ils disposent d’une tente au niveau du pont auquel ils sont affectés. Ils travaillent en binôme, ainsi, ils peuvent se relayer et se reposer à tour de rôle.
Une autre agence de recrutement a déclaré à Epoch Times qu’elle recherchait des personnes pour surveiller les ponts pendant tout le mois d’octobre. L’agence nécessitait une vingtaine de personnes, mais a signalé que d’autres agences voulaient recruter au moins 100 personnes.
Des posts en ligne montrent que ces agents de sécurité portent des gilets fluorescents sur lesquels il est écrit « milice chinoise ».
Un employé d’une agence de recrutement a déclaré à Epoch Times qu’il recherchait constamment des agents de sécurité temporaires et non pas pour le seul XXe congrès national du PCC. Globalement, des agents sont toujours nécessaires pour le « maintien de la stabilité sociale » tant voulu par le régime.
Le régime chinois considère les dissidents, les groupes religieux, les militants, les anciens combattants et les pétitionnaires comme des éléments « déstabilisant » la Chine. Les opposants pour leur part estiment que ces personnes ne font que déstabiliser un régime tyrannique.
Le régime consacre chaque année un énorme pourcentage de son budget à la police, à la sécurité de l’État, à la milice civile armée, aux tribunaux et aux prisons, ainsi qu’aux technologies et équipements de surveillance doté de l’intelligence artificielle, pour pouvoir traquer toutes ces personnes.
Le PCC a alloué des fonds plus importants pour la sécurité intérieure que pour la défense nationale en 2009, 2011 et 2013. Désormais, le ministère des Finances ne divulgue plus les fonds alloués à l’intérieur lors de ses publications annuelles sur le total des budgets. En 2013, le régime a dépensé 121 milliards de dollars pour la sécurité intérieure, contre 114 milliards de dollars pour la défense nationale.
Li Dayu est un ancien journaliste chinois vivant désormais aux États-Unis, il anime une émission sur la Chine en ligne. Dans une déclaration récente, l’animateur a fait valoir qu’il était « absurde » pour le régime de recruter des surveillants de ponts, dans la mesure où il existe un nombre incalculable d’options pour accrocher des bannières, sur les murs, les branches d’arbres, les poteaux électriques, etc. « Combien de personnes supplémentaires le régime communiste devra-t-il embaucher ? » Dans sa dernière émission, M. Li a déclaré : « Peut-être devraient-ils également embaucher des ‘surveillants de murs’ et des ‘surveillants de poteaux électriques’ à l’avenir. »
Epoch Times a contacté le Bureau de l’administration urbaine et de l’application de la loi du district de Haidian. Une employée a répondu en orientant le journal vers le Bureau du sous-district dont dépend le recrutement de ses agents en charge de surveiller les ponts. Epoch Times a donc contacté le Bureau du sous-district de Haidian mais n’a reçu aucune réponse à l’heure de la mise sous presse. Le Bureau du sous-district de Xisanqi, un des bureaux du district de Haidian, a nié avoir recruté des agents pour surveiller les ponts relevant de sa juridiction.
Radio Free Asia a publié le 14 octobre que l’administration des différents districts de Pékin publiaient d’urgence des annonces de recrutement de surveillants pour créer deux équipes en charge de garder les ponts 24h/24.
Wang Dan, un ancien meneur étudiant lors de la manifestation du 4 juin 1989 sur la place Tiananmen, a qualifié le manifestant Peng Lifa de nouveau « Tank man » ou, plus précisément, de « Bridge man », un homme qui a fait preuve de courage et a osé exprimer sa quête de démocratie libérale.
Le prénom en ligne de M. Peng, « Zaizhou », signifie littéralement « porter le bateau », et fait référence à un ancien dicton chinois : « L’eau qui porte le bateau est la même qui l’engloutit. » C’est un avertissement pour tout type de gouvernement, il faut bien traiter le peuple, car c’est le peuple qui finalement renverse tous les régimes.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.