Contrairement aux avions et aux missiles subsoniques, le missile hypersonique conventionnel de frappe rapide (CPS : Conventional Prompt Strike) de la marine américaine atteint une cible distante de 2200 milles nautiques (4074 km) en 30 minutes.
Un pays amplement équipé de missiles hypersoniques à longue portée dispose de plusieurs options pour attaquer un adversaire. Premièrement, ses missiles hypersoniques peuvent endommager ou détruire les installations côtières et les navires amarrés de l’adversaire. Deuxièmement, les navires équipés de missiles hypersoniques peuvent attaquer et couler les navires de ravitaillement qui transitent entre les navires déployés à l’avant et les zones arrière de l’ennemi. Enfin, à longue distance, les missiles hypersoniques peuvent attaquer et endommager les navires de guerre de la flotte ennemie déployés à l’avant.
Les limites des Tomahawk et des chasseurs de la marine
La dernière version du missile de croisière subsonique Tomahawk a une portée de 900 milles nautiques (1667 km) ; les F/A-18 et F-35C ont respectivement une portée de 444 et 600 milles nautiques (822 et 1111 km). Une attaque menée par des chasseurs embarqués sur porte-avions suppose de longues séquences de décollage, un ravitaillement en vol et des heures de vol pour atteindre la cible. Le Tomahawk subsonique se lance plus rapidement, mais il lui faut près de deux heures pour atteindre une cible distante de 900 milles nautiques.
Le concept de missile hypersonique
Actuellement, les missiles hypersoniques sont constitués de deux éléments : le propulseur et le planeur. Après avoir atteint une vitesse hypersonique (un mille par seconde ou plus), le propulseur se sépare du planeur et tombe. Le véhicule planeur vole alors sans moteur jusqu’à la cible. Au cours de sa descente dans l’atmosphère, il devient extrêmement chaud et, à l’impact, provoque des destructions et des incendies.
Pour assurer la destruction d’un grand navire, de plusieurs navires ou d’installations côtières, une attaque nécessite de nombreux missiles hypersoniques facilement disponibles.
Qui est en tête dans le domaine des missiles hypersoniques ?
Au début du 21e siècle, les Chinois et les Russes se sont concentrés sur le développement technologique des missiles hypersoniques, tandis que les États-Unis se sont focalisés sur les traités de désarmement.
Les Chinois se vantent actuellement de leur missile DF-21 « tueur de porte-avions » d’une portée de 1100 milles nautiques (2037 km). En outre, les Chinois ont développé et déployé une série de missiles hypersoniques : le DF-17 (portée moyenne), le DF-27 (missile antinavire) et le DF-41 (portée intercontinentale).
Si les États-Unis ne poursuivent pas vigoureusement leur programme de missiles hypersoniques, la Chine pourrait prendre l’initiative en armant sa flotte de missiles hypersoniques et menacer la supériorité navale des États-Unis. La marine américaine pourrait se retrouver dépassée, dans une bataille face aux missiles hypersoniques chinois à longue portée lors d’un conflit.
Déploiement du CPS
Dans un premier temps, la marine américaine a envisagé de déployer le missile hypersonique conventionnel de frappe rapide (CPS) sur les quatre sous-marins SSGN (Ship Submersible Guided missile Nuclear : sous-marins nucléaires lanceurs de missiles de croisière) de la classe Ohio. Cependant, le coût et l’âge de ces sous-marins ont conduit la marine à ne pas envisager leur déploiement.
Le plan adopté par la marine pour l’installation de missiles hypersoniques sur les navires de guerre comporte deux phases. La première consiste à convertir les trois destroyers de la classe Zumwalt, afin de disposer de six missiles par navire, soit un total de 18 missiles hypersoniques. La seconde phase utilisera le module de charge utile Virginia (VPM : Virginia Payload Module) pour équiper les sous-marins Block 5 et Block 6 de la classe Virginia de 28 missiles subsoniques Tomahawk ou de 12 missiles hypersoniques CPS de plus grande taille.
Le plan de la marine américaine garantit son infériorité face à la Chine. Tout d’abord, la minuscule composante de surface (18 missiles) est insuffisante par rapport à la menace en constante augmentation de la marine chinoise. Deuxièmement, pour égaler les 608 missiles subsoniques SSGN de classe Ohio actuellement déployés, le plan exige la construction de 20 sous-marins Block 5 et 6 de classe Virginia, à partir des années 2020 et jusqu’en 2044. D’ici 2044, la marine américaine pourrait déployer soit 560 missiles subsoniques, ou 240 missiles hypersoniques CPS.
Si la marine américaine poursuit sa stratégie de déploiement de missiles actuelle, elle sera confrontée à une importante pénurie de missiles dans les années 2030, puisqu’elle ne déploiera que 62 % de la capacité de missiles d’aujourd’hui.
Diminution de la taille de la marine américaine
La marine américaine a vu le nombre de ses navires actifs diminuer, passant de 594 en 1987 (lors de la montée en puissance de l’ère Reagan) à 295 aujourd’hui.
Bien qu’il soit question d’étendre la flotte à 350 navires, les chantiers navals américains souffrent d’une pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Ils sont déjà saturés et peinent à respecter les délais et les coûts prévus.
Navires de guerre réaffectés de premier plan
Historiquement, la marine américaine a réutilisé les navires de guerre devenus inutiles comme plateformes pour introduire de nouveaux types d’armes dans la flotte.
Dans les années 1950 et 1960, la marine a retiré les tourelles de 6 et 8 pouces (15 et 20 cm) des croiseurs de l’époque de la Seconde Guerre mondiale, a installé des missiles Tarter et Talos et a reconverti neuf navires en croiseurs à missiles guidés.
Au cours de la première décennie du 21e siècle, la marine a modifié quatre SNLE (Sub-Surface Ballistic Nuclear : sous-marin nucléaire lanceur d’engins) de classe Ohio porteurs de Trident pour en faire des SSGN équipés de Tomahawk.
Réutilisation des classes Nimitz et Ohio
Lorsque les SNLE de la classe Columbia rejoindront la flotte, les SNLE de la classe Ohio seront candidats à la démolition. Si la marine modifiait les 14 SNLE de la classe Ohio pour en faire des SSGN équipés de CPS, transportant chacun 66 missiles hypersoniques, l’Amérique déploierait 924 missiles hypersoniques supplémentaires.
Avec le ravitaillement, la conversion d’un SSBN (Sub-Surface Ballistic Nuclear: sous-marin nucléaire lanceur d’engins) en SSGN de la classe Ohio coûtait 4 milliards de dollars par bateau au début du 21e siècle. Avec l’inflation, le coût devrait atteindre 5 milliards de dollars par navire ou 70 milliards de dollars pour l’ensemble de la classe.
Les plans actuels prévoient le retrait d’un porte-avions de la classe Nimitz avec la mise en service d’un porte-avions de la classe Ford.
En installant 100 tubes de lancement de missiles sur le pont d’envol du navire, un porte-avions reconverti de la classe Nimitz pourrait transporter 300 missiles hypersoniques CPS. En utilisant le pont d’envol et l’espace des hangars, le navire pourrait transporter deux fois plus de missiles défensifs et d’hélicoptères anti-sous-marins qu’un destroyer Arleigh Burke.
La reconversion nécessiterait la désactivation ou l’enlèvement des catapultes, des ascenseurs, de la gestion des munitions, des systèmes de décollage et d’atterrissage et des câbles d’arrêt. En outre, il faudra soit reconstruire un îlot, soit installer une superstructure équivalente à celle d’un destroyer DDG-125 Flight III. Avec le ravitaillement par réacteur, la reconversion devrait coûter 7 milliards de dollars par navire, soit 70 milliards de dollars pour l’ensemble de la classe.
Un porte-avions de classe Nimitz et un sous-marin de classe Ohio seront respectivement équipés de réacteurs nucléaires vieux de 50 et 40 ans. Pour répondre aux besoins en énergie électrique de l’intelligence artificielle et des véhicules électriques, les opérateurs civils remettent en service des réacteurs nucléaires commerciaux plus anciens. De même, un programme de prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires de la marine pourrait permettre de rallonger de plusieurs dizaines d’années la durée de vie des navires et des sous-marins réaffectés.
Le prix de développement de 41 millions de dollars par missile CPS devrait baisser, avec la production en série, à 10 millions de dollars par missile. L’achat de 7848 missiles pour les navires reconvertis (un de rechange pour chaque tube chargé) coûterait 78 milliards de dollars.
La reconversion de 24 navires de guerre équipés de 7848 missiles coûterait 218 milliards de dollars. Étalé sur 15 ans, le coût annuel s’élèverait à 14,5 milliards de dollars.
Un sous-marin de classe Ohio reconverti devrait nécessiter un équipage de 155 personnes, soit le même que l’actuel SSGN de classe Ohio.
Un porte-missiles hypersoniques de classe Nimitz doté de 100 CPS et de 200 tubes de lancement défensifs nécessiterait un équipage trois fois supérieur à celui d’un destroyer Arleigh Burke, soit 1000 marins.
Impact des navires de guerre réaffectés
En combinant son plan actuel de déploiement de missiles hypersoniques (18 missiles sur 3 destroyers Zumwalt et 240 missiles sur 20 VPM) avec ceux des navires réaffectés (924 missiles sur 14 SNLE de la classe Ohio et 3000 missiles sur 10 CVN de la classe Nimitz), la marine déploierait au final 4182 missiles hypersoniques.
D’ici 2035, la force de 158 missiles CPS actuellement prévue par la marine n’aura guère d’effet dissuasif sur les Chinois. En revanche, si la marine réaffectait trois porte-avions de classe Nimitz (900 missiles CPS) et quatre sous-marins de classe Ohio (264 missiles CPS), elle déploierait 1322 missiles CPS, ce qui constituerait une force de dissuasion plus crédible.
Course à l’armement pour les missiles hypersoniques
À la fin de la guerre froide, la marine avait déployé environ quatre mille ogives nucléaires dans des SNLE. Si les véhicules planeurs des missiles hypersoniques et les ogives nucléaires sont des armes très différentes, elles doivent toutes deux convaincre les dirigeants d’un adversaire, que le déclenchement d’actions hostiles aura des conséquences désastreuses. À l’instar des armes nucléaires de la guerre froide, les quatre mille véhicules planeurs pourraient dissuader les tendances expansionnistes de la marine chinoise.
Bien que les États-Unis soient en tête pour ce qui est de la puissance aéronavale basée sur des porte-avions et des sous-marins (SSGN), ils doivent se doter d’une puissante capacité de missiles hypersoniques embarqués pour établir une triade de dissuasion. Entravé par la pénurie de main-d’œuvre qualifiée, le secteur américain de la construction navale ne peut égaler la production de son homologue chinois. La réaffectation des navires de guerre existants est un moyen rentable – peut-être le seul – d’augmenter le nombre de navires actifs de la marine américaine sans augmenter la construction de nouveaux navires.
Le défi
Le plan actuel de mise en œuvre du CPS ne permettra pas à la marine de disposer d’un nombre suffisant de missiles hypersoniques pour décourager les tendances expansionnistes agressives de la Chine. Pour combler le manque de missiles hypersoniques, le présent article préconise de réaffecter les navires des classes Ohio et Nimitz, qui seront bientôt retirés du service, pour en faire des porte-missiles hypersoniques. Que la marine réaffecte des navires de guerre ou qu’elle adopte une autre approche n’est pas essentiel. Ce qui est vital, c’est la création d’une force de missiles hypersoniques écrasante capable de dissuader les avancées de la Chine dans le Pacifique et en Asie du Sud-Est.
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement celles d’Epoch Times.
Comment pouvez-vous nous aider à vous tenir informés ?
Epoch Times est un média libre et indépendant, ne recevant aucune aide publique et n’appartenant à aucun parti politique ou groupe financier. Depuis notre création, nous faisons face à des attaques déloyales pour faire taire nos informations portant notamment sur les questions de droits de l'homme en Chine. C'est pourquoi, nous comptons sur votre soutien pour défendre notre journalisme indépendant et pour continuer, grâce à vous, à faire connaître la vérité.