« Les Onze Fioretti de saint François » : le fou de Dieu d’Assise

Le réalisateur Robert Rossellini explique pourquoi tant de gens aiment le pauvre homme d'Assise

Par Rudolph Lambert Fernandez
24 avril 2025 15:37 Mis à jour: 24 avril 2025 15:37

NR | 1h 25min | Drame | 1952

Le scénariste et réalisateur Roberto Rossellini commence son film par une citation biblique de saint Paul : « Dieu a choisi les folies de ce monde pour humilier les savants, et les faibles pour humilier les forts. » M. Rossellini raconte l’histoire de saint François et des premiers moines franciscains ; leur humilité et leur désintéressement ont renversé la soi-disant sagesse dominante de l’hédonisme et de la vanité.

Né au XIIe siècle, saint François, surnommé « le fou de Dieu d’Assise », ne doit pas être confondu avec des dizaines d’autres saints catholiques, s’appelant également François, dont saint François Xavier et saint François de Sales.

Dans le film, François est revenu de Rome dans le village italien de Rivotorto, après avoir obtenu du pape Innocent III l’autorisation d’établir un nouvel ordre religieux, les Franciscains. Les frères de François font vœu de pauvreté, de chasteté et d’obéissance. Ils se consacrent au jeûne, à la pénitence, à la prière, à la prédication et au service des pauvres et des malades. Pour se nourrir et s’approvisionner, ils travaillent ou mendient.

Au lieu d’une intrigue linéaire, Roberto Rossellini présente des tranches de vie des franciscains sous forme d’épisodes. Dans l’un d’eux, les frères rentrent pieds nus dans leur hutte sous une pluie battante. En leur absence, un pauvre paysan s’y était réfugié. Au lieu de le bannir avec son bétail, comme ils en ont le droit, ils s’en vont docilement s’abriter dans les ruines voisines.

Saint François (frère Nazario Gerardi, à g.) et les frères, dans Les Onze Fioretti de saint François (Joseph Burstyn Inc.)

Dans un autre épisode, le frère Ginepro revient au bercail franciscain torse nu ; par compassion, il a donné sa tunique à un mendiant nu qu’il avait rencontré. Dans un autre épisode encore, Giovanni, un simplet vieillissant, rejoint le groupe pour apprendre à imiter la simplicité de François.

À l’exception de l’acteur Aldo Fabrizi, qui incarne le tyran local Nicolai, la majeure partie de la distribution est composée de non-acteurs, y compris des membres du clergé. Des moines du monastère de Nocere Inferiore interprètent les Franciscains. Ironiquement, l’épisode mettant en scène Fabrizi vire à l’humour burlesque, distrayant d’un style de narration par ailleurs sans fard.

Saint François d’Assise (frère Nazario Gerardi) aimait toutes les créatures de Dieu, dans Les Onze Fioretti de saint François. (Joseph Burstyn Inc.)

Comme on pouvait s’y attendre, le récit comporte des hymnes et des prières, le célèbre Cantique de frère soleil de saint François, « Seigneur, fais de moi un instrument » et, bien sûr, le Notre Père.

Roberto Rossellini démystifie les premiers saints franciscains, les dépeignant comme enjoués et parfois gaffeurs. Il s’intéresse moins à la façon dont ils sont parvenus à la vertu qu’à la façon dont ils sont restés vertueux. Il s’intéresse à la manière dont Dieu leur donne leur « pain quotidien », dont ils se pardonnent mutuellement leurs « offenses », dont Dieu les conduit à ne pas tomber dans la « tentation » et les délivre « du mal ».

Où veut-il en venir ? Si ces hommes déjà vertueux avaient faim de la grâce de Dieu, combien plus les gens ordinaires ne doivent-ils avoir soif de cette grâce.

Le peuple de Pâques dans un monde de Vendredi saint

François, assailli par les problèmes d’un monde souvent brutal ou tyrannique, enfouit souvent son visage dans ses mains ; il est peiné et frustré. Mais, sans exception, lorsque son visage réapparaît, c’est comme s’il était ressuscité en un nouveau visage, souriant et serein. Miraculeusement, il retrouve sa joie de vivre, sa foi et sa spontanéité d’enfant. Les spectateurs sont témoins de sa parenté apparemment « insensée » avec les éléments de la nature, les animaux et les oiseaux.

Les frères déménagent pour qu’un mendiant puisse rester dans leur cabane, dans Les Onze Fioretti de saint François. (Burstyne, Inc.)

La préoccupation de François pour la pénitence et la pauvreté semble masochiste. Mais il se préoccupe moins de fuir une pauvreté visible et matérialiste que de cultiver une pauvreté invisible, celle de l’esprit d’abnégation.

Par sa culture de l’obéissance, il veut que ses frères dépassent le stade de la volonté et ordonnent leur volonté à la volonté supérieure et éternelle de Dieu, au-delà de leurs caprices et de leurs fantaisies éphémères.

Pour leur scénario, Roberto Rossellini et son coscénariste Federico Fellini ont choisi moins d’une dizaine d’histoires, parmi des dizaines d’épisodes du roman italien éponyme du XIVe siècle, et d’un autre livre sur le frère Juniper (appelé ici par son nom italien Ginepro). Comme ces livres, ce film fait revivre les Franciscains et leurs premiers pas de missionnaires.

En choisissant les épisodes, les réalisateurs montrent cependant à quel point ils pensaient que François était christique. Ainsi, la prière solitaire de François la nuit, avant qu’il ne rencontre un lépreux dans les bois, ressemble à l’agonie du Christ dans le jardin. La patience silencieuse du frère Ginepro face au tyran Nicolaï ressemble à celle du Christ face à Pilate. Et la commission évangélique de François à ses frères ressemble à la grande commission du Christ à ses apôtres.

Saint François (frère Nazario Gerardi, à dr.) à la recherche d’un lépreux, dans Les Onze Fioretti de saint François (Joseph Burstyn Inc.)

Pour un film aussi bavard, sa scène la plus émouvante, la rencontre nocturne de François avec un lépreux, est muette. C’est la métaphore muette de Rossellini pour l’union de Dieu avec l’homme. En tant qu’homme, François cherche le lépreux comme il pourrait chercher le Christ ; il aspire à être avec son sauveur meurtri.

François cherche le lépreux tout comme le Christ embrasse les humains lépreux défigurés par le péché, et surmonte avec amour sa répulsion.

En italien, avec des sous-titres en anglais, vous pouvez regarder The Flowers of St. Francis sur Criterion Channel, Max et HuluMax.

The Flowers of St. Francis
Titre en français: Les Onze Fioretti de François d’Assise
Titre original : Francesco, giullare di Dio
Réalisateur : Roberto Rossellini
Interprètes : Moines du monastère de Nocere Inferiore
Non classé
Durée : 1 heure, 25 minutes
Date de sortie : 6 octobre 1952
Noté : 3 étoiles sur 5

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