NEW YORK – La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver de Pékin offrait tout le faste que l’on peut attendre d’un régime autoritaire désireux de redorer son image mondiale : des centaines d’enfants dansaient en tenant des accessoires en forme de colombe. L’ensemble constituait un cœur sur un stade éclairé par des étoiles, tandis que des feux d’artifice verts et blancs épelaient le mot « printemps » au‑dessus de leur tête, en référence à la célébration du nouvel an lunaire.
« Un monde, une famille », tel est le slogan affiché aux spectateurs du stade national « Nid d’oiseau » partiellement rempli le 4 janvier. Une formule qui fait écho à un appel à l’unité que le régime chinois a souvent répété sur la scène mondiale ces dernières années.
Mais, selon les militants, avec ce spectacle clinquant, le Parti communiste chinois (PCC) tente de détourner l’attention mondiale de réalités bien plus sombres, notamment les détentions, les tortures et les décès qui ont lieu à quelques kilomètres à peine des sites olympiques.
Voilà trois exemples de traitements réservés aux prisonniers de conscience, à ceux qui continuent à vivre selon leurs croyances et résistent aux intimidations du régime. Dans le premier cas, la détenue était si amaigrie à sa sortie de prison qu’il a fallu la ramener chez elle sur une civière. Quelques jours plus tard, elle serait condamnée à nouveau à deux ans et demi de prison. Dans le deuxième cas, il s’agit d’une femme qui a passé près d’une dizaine d’années en prison à ses 30 ans, pour être à nouveau condamnée à de longues peines quelques années plus tard. Le troisième cas est celui d’une femme ayant perdu son mari à cause de la persécution et à présent elle‑même derrière les barreaux.
Il est désormais possible de consulter leurs histoires, et d’autres, sur une carte interactive mise en ligne vendredi, le jour même où Pékin est devenu le premier pays au monde à accueillir les Jeux d’été et d’hiver. La carte, élaborée par le Centre d’information sur le Falun Dafa (FDIC), met en évidence plus d’une douzaine de « points chauds de la persécution » à Pékin et dans ses environs, c’est‑à‑dire des endroits où des pratiquants de Falun Gong, un groupe spirituel persécuté, croupissent pour n’avoir pas renoncé à leurs convictions.
Il s’agit de la première carte complète de ce type qui permet de donner « un aperçu des endroits que le Parti communiste chinois ne veut pas que vous voyiez », déclare le groupe de défense des droits de l’homme basé à New York.
La « proximité entre la gloire olympique et ces terribles souffrances humaines éclaire [en quoi consiste] le règne tragique et souvent trompeur du Parti communiste chinois », explique le porte‑parole du FDIC, Erping Zhang.
« Aucun autre régime au monde n’a l’audace et l’influence internationale d’accueillir les Jeux tout en détenant un si grand nombre de prisonniers d’opinion dans des conditions propices aux abus et à la torture », fait‑il savoir dans un communiqué de presse.
Les sites olympiques côtoient les camps de prisonniers
Les pratiquants de Falun Gong font l’objet d’une persécution depuis plus de 20 ans de la part du régime communiste. Pour le PCC, le groupe a commencé à représenter une menace dans les années 1990, car la discipline spirituelle a soudain connu une grande popularité. Selon les estimations de l’époque, entre 70 et 100 millions de personnes pratiquaient le Falun Gong à la fin de la décennie.
Dans un périmètre de 15 à 30 km autour des principaux sites olympiques, il y a non moins d’une demi‑douzaine de centres de torture qui détiennent des prisonniers de Falun Gong, depuis le Stade national jusqu’à l’Anneau national de patinage, où la compétition de patinage de vitesse a débuté le 5 février.
« Vous pourriez littéralement assister à l’épreuve olympique de patinage de vitesse, sortir de l’anneau et parcourir 22 km vers l’est pour vous retrouver dans un camp de prisonniers où des personnes sont incarcérées (dans un cas pour 9 ans au moins) pour leur croyance dans le Falun Gong », explique Levi Browde, directeur exécutif du FDIC à Epoch Times.
Il a fallu un mois aux enquêteurs pour vérifier les détails et compléter la carte. De nombreux établissements ont un nom public et un nom privé, voire deux adresses, pour éviter d’être repérer de l’extérieur. Selon les enquêteurs, certaines installations utilisent un deuxième nom comme couverture pour leur activité de travail forcé.
Malgré ses années de recherches sur cette persécution, la vue des installations est toujours frappante, déclare M. Browde.
« C’est un peu comme si [vous alliez] voir le Yankee Stadium et que [vous] descendiez quelque part dans Central Park, et trouviez un camp de prisonniers. »
La persécution
Le détenu condamné à 9 ans au moins dont parle M. Browde se nomme Shi Shaoping. C’est un homme de 52 ans, titulaire d’une maîtrise obtenue suite à un cursus dans le département de photochimie de la plus importante institution scientifique du pays, l’Académie chinoise des sciences.
Shi Shaoping a été arrêté à son domicile en novembre 2019. Jusqu’en avril dernier, sa famille n’avait aucune nouvelle de lui. Ce n’est qu’au moment de sa condamnation à 9 ans de prison qu’elle a enfin su où il était. Il devra purger sa peine dans la prison n°2 de Pékin, un site où sont détenus les condamnés à mort ou à perpétuité.
Pour sa pratique du Falun Gong, Shi Shaoping a déjà purgé une peine de 10 ans de prison autrefois, dans la prison de Qianjin, qui figure également sur la carte interactive. Selon Minghui.org (le centre d’information qui couvre la persécution du Falun Gong), Shi Shaoping a été contraint de s’asseoir sur un petit tabouret, immobile, jusqu’à 20 heures par jour, pendant plusieurs années. Les jours d’hiver les plus froids, les gardes laissaient la fenêtre grande ouverte afin qu’il tremble de tout son corps. Il est arrivé qu’il soit privé d’accès aux toilettes durant tout un mois.
À seize kilomètres du même lieu de patinage se trouve la prison pour femmes de Pékin où Xu Na, artiste peintre, était détenue jusqu’en janvier dernier.
Quelques mois avant les Jeux olympiques d’été de 2008 à Pékin, la police a arrêté Xu Na et son mari Yu Zhou lors d’un « contrôle olympique », après avoir découvert des livres sur le Falun Gong dans leur voiture. Yu Zhou, un chanteur et musicien folklorique, est mort en détention 11 jours plus tard, à la veille du Nouvel An chinois. Xu Na n’a pas été autorisée à assister à ses funérailles et a dû passer trois ans en prison.
À 35 km environ au nord‑ouest du stade national, le centre de détention du district de Changping s’est illustré par le passé en détenant Wang Chaoying qui distribuaient des documents d’information sur le Falun Gong. Cette femme de 68 ans a été hospitalisée trois fois en six mois entre 2020 et 2021. Elle a été renvoyée chez elle sur une civière, ayant perdu 18 kg. Dix jours plus tard, le tribunal rendait son verdict : une nouvelle peine de deux ans et demi.
Un travail d’esclaves
À 30 km au nord de l’anneau de patinage se trouve le centre de correction pour mineurs de Pékin, où Liu Jiying, qui s’est échappée à New York en 2016, a croisé pour la première fois le chemin de Xu Na, l’artiste peintre de Pékin, en 2001. Selon ce que Liu Jiying a rapporté à Epoch Times, l’établissement constituait en réalité une installation souterraine de travail forcé, où elles vivaient pratiquement comme des esclaves. Toutes deux ont ensuite été transférées à la
pour femmes de Pékin, toujours en construction à l’époque. Liu Jiying purgeait une peine de 8 ans d’emprisonnement, tandis que Xu Na, 5 ans.
Chaque unité de la prison représentait un type de « travaux ». Xu Na s’est vu imposer les tâches les plus pénibles, notamment la couture de semelles de chaussures, qui l’obligeait souvent à rester debout jusqu’à deux heures du matin. Liu Jiying confectionnait des pulls et des écharpes destinés à l’exportation, cousait des lacets sur des chaussettes de ski et assemblait des albums à timbres. Mais le plus souvent, son travail consistait à emballer près de 10 000 baguettes chinoises jetables par jour. Il lui était interdit de dormir tant qu’elle n’avait pas terminé son quota. Il n’était pas permis de parler, mais une fois, Liu Jiying a fait un signe du pouce à Xu Na pour lui remonter le moral.
Selon Liu Jiying, aujourd’hui âgée de 67 ans, l’hygiène dans l’atelier de production était souvent déplorable. Les baguettes étaient parfois couvertes d’empreintes de chaussures. Lorsqu’elle plaçait les cotons‑tiges, un autre produit qu’elle a dû emballer, dans des sacs en plastique (à la prison pour femmes de Pékin, où elle a été transférée ultérieurement), de petits insectes en sortaient en rampant. Pourtant, les cotons‑tiges étaient étiquetés « désinfectés », a-t-elle précisé.
C’est dans ces établissements que Liu Jiying s’est promis de ne plus jamais utiliser de baguettes jetables. « Lorsque les gens prennent les baguettes pour manger, ils supposent qu’elles sont propres, qui les examinerait de si près ? »
Nouvelle détention
Trois semaines avant les Jeux olympiques d’hiver 2022, le 14 janvier, Xu Na s’est vu infligée une nouvelle peine de 8 ans d’emprisonnement pour avoir fourni à Epoch Times des photos révélant les premiers mois de la pandémie.
Retraçant le cas de Xu Na depuis New York, Mme Liu a déclaré que cette nouvelle lui inspirait une tristesse au‑delà des mots. « Elle a déjà purgé huit ans de prison, en voilà huit de plus. » Liu Jiying connaît d’autres personnes dont le sort s’est avéré plus terrible encore : une de ses amies, qui n’a pas cédé à la pression des autorités pour renoncer à ses convictions, a purgé une peine de 12 ans. Son fils avait 9 mois lorsqu’elle a été emprisonnée. Lorsque la femme a été libérée, l’enfant ne l’a pas reconnue comme sa mère.
« Qu’avons‑nous fait ? Je n’ai rien fait d’illégal, de quel droit m’emprisonnent‑ils pendant huit ans ? » s’est indignée Liu Jiying. « Ce sont eux qui enfreignent la loi. »
Lors d’une mise en examen en 2016, elle a eu le courage de poser ces questions.
« Vous commettez un crime », a-t-elle dit aux autorités.
Celles‑ci en retour « n’ont pas dit un mot ».
Peu après sa libération en 2016, Liu Jiying a perdu sa mère . Sa mère qui s’était évanouie le jour de la descente à domicile suivie de son arrestation.
« Ma mère n’avait pas à mourir », a-t-elle déploré.
Selon M. Browde, les tragédies vécues en marge des deux Jeux olympiques de Pékin devraient faire comprendre à la communauté internationale que le régime n’a pas changé d’un iota.
« Trop souvent, les gens regardent les gratte‑ciels et tous les Starbucks autour de Pékin et se disent : ‘Oh, c’est la nouvelle Chine. Ils pensent juste que c’est mieux et plus civilisé.’ »
« La vue des sites olympiques juste à côté des camps de prisonniers … où les gens sont incarcérés et torturés en raison de leur conviction rend très nette la tromperie et l’hypocrisie du PCC », conclut‑il.
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