Alors que la Chine ne montre aucun signe de compromis et que le dalaï-lama prend de l’âge, le dirigeant élu des Tibétains en exil porte son regard sur le passé afin de mieux servir l’avenir.
Élu en 2021, Penpa Tsering est le deuxième chef du gouvernement tibétain en exil installé en Inde dans le cadre des efforts du dalaï-lama, 87 ans aujourd’hui, visant à passer le bâton de pèlerin à une nouvelle génération de dirigeants tibétains.
À Washington cette semaine, il a rencontré des élus américains ayant déposé une proposition de loi qui reconnaîtrait, si elle était adoptée, que le Tibet, province dirigée d’une main de fer par la Chine depuis les années 1950, est historiquement un pays indépendant et que son statut actuel reste « indécis ».
Une « Voie du milieu » face à la puissance chinoise
« Nous avons changé de tactique afin de mieux pouvoir faire pression », explique à l’AFP celui qui a vécu toute sa vie en exil depuis sa naissance en 1967 en Inde.
Penpa Tsering insiste sur le fait qu’il ne recherche pas l’indépendance du Tibet, conformément à la « voie du milieu » du dalaï-lama, qui a toujours estimé que vouloir davantage qu’un statut d’autonomie serait suicidaire face à la puissance chinoise.
Mais le dirigeant spirituel des Tibétains a aussi toujours refusé de dire, comme l’exige Pékin, que le Tibet appartient historiquement à la Chine.
L’accord de 1951 « nul et non avenu »
Le Tibet, explique Penpa Tsering, était occupé au moment de l’accord de 1951 formalisant l’autorité de la Chine sur la province, ce qui rend l’accord « nul et non avenu ».
« Nous disons aux gouvernements que s’ils continuent de répéter l’assertion que le Tibet fait partie de la Chine, alors ils vont à l’encontre du droit international », dit-il, en espérant que d’autres pays suivront l’exemple des élus américains.
Un porte-parole de l’ambassade chinoise à Washington a dénoncé cette proposition de loi, réaffirmant que le Tibet faisait « partie de la Chine ».
« La Chine va changer, c’est certain. » Mais quand ?
Pour Penpa Tsering, il sera « difficile » d’envisager une reprise prochaine des discussions avec le gouvernement chinois, au point mort depuis 2010, mais le dirigeant tibétain ne perd pas espoir.
« En tant que bouddhistes, on ne croit pas à ce qui est permanent. Le changement est la seule constante », explique-t-il. « La Chine va changer, c’est certain. Mais la question est de savoir combien de temps cela va prendre. »
Pékin, toutefois, se montre de moins en moins ouvert au compromis.
L’avenir du mouvement pour les droits des Tibétains
La Chine a durement réprimé les manifestations à Hong Kong, effectué des manœuvres militaires sans précédent au large de Taïwan, et est accusée par les États-Unis de « génocide » contre la minorité musulmane des Ouïghours.
Aux yeux de nombreux observateurs, le gouvernement chinois s’attend à ce que le mouvement pour les droits des Tibétains se réduise à peau de chagrin après la disparition du dalaï-lama.
Penpa Tsering plaisante lui en disant que la figure charismatique du mouvement, qui a parcouru inlassablement le monde pour plaider la cause du Tibet avant de ralentir le rythme ces dernières années, va encore vivre trente ans.
« Poursuivre le combat«
Il se félicite en tout cas que le dirigeant spirituel ait pu créer de nouvelles instances dirigeantes basées dans la ville himalayenne de Dharamsala, dans le nord de l’Inde.
Grâce à cela, dit-il, « notre lutte aura la force de poursuivre le combat pendant encore des décennies, si besoin est ».
La succession du dalaï-lama à l’ordre du jour
Les Tibétains en exil commencent, discrètement, à évoquer l’après dalaï-lama dans leurs discussions avec les Occidentaux.
Le dalaï-lama a évoqué la possibilité de rompre avec la tradition en désignant lui-même une réincarnation, possiblement une fille, voire de mettre fin à l’institution, provoquant la colère de Pékin, pourtant un État officiellement athée.
En 1995, après la mort du Panchen Lama, le numéro deux de la hiérarchie bouddhiste tibétaine, Pékin a désigné un enfant comme étant sa réincarnation, et emprisonné un enfant de 6 ans qui avait été reconnu comme sa véritable réincarnation par le dalaï-lama, considéré par les groupes de défense des droits humains comme le plus jeune prisonnier politique du monde.
Mais, selon Penpa Tsering, toute décision à propos de la réincarnation appartient au dalaï-lama et à lui seul.
« Ils ont horreur de l’incertitude »
« La Chine dispose de toutes les ressources, humaines et financières. Ils sont très forts en matière de propagande et pour contraindre les autres pays à prendre position », affirme-t-il.
« Mais ils ont horreur de l’incertitude. Donc je pense que la décision de sa Sainteté (le dalaï-lama) de ne pas dévoiler tout le processus soit très sage. »
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