Depuis la Rome antique, les vitraux sont appréciés pour leur beauté. Avec la création de vitraux sacrés dans les lieux de culte, cette forme d’art atteint son apogée au Moyen Âge, inspirant les fidèles par leurs récits lumineux. Au fil des siècles, le vitrail est devenu un incontournable dans les maisons privées, a été remis au goût du jour et est finalement entré dans les collections des musées du monde entier.
Pour fabriquer un vitrail, on mélange d’abord du sable et des cendres de bois que l’on fait fondre en un liquide qui, une fois refroidi, devient du verre. Pour créer du verre coloré, des métaux en poudre spécifiques sont ajoutés au mélange à l’état fondu. Pour la création d’un panneau de vitrail, des morceaux de verre coloré sont placés sur un motif dessiné sur une planche. Pour la suite de l’assemblage, les bords du verre sont emboîtés dans des cames (bandes de plomb) puis soudés pour consolider le vitrail.
Mémoires de Saint Germain
Le vitrail médiéval Vision de saint Germain de Paris provient de l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés. Cette puissante abbaye bénédictine parisienne a été fondée au VIe siècle et nommée plus tard en l’honneur de saint Germain. Germain est né en Bourgogne au VIe siècle et est devenu évêque de Paris. L’une de ses grandes réussites fut de persuader le roi mérovingien Childebert Ier de mener une vie plus chrétienne. C’est ainsi que Germain aida Childebert à parrainer la construction de la grande abbaye.
Les saints titulaires des abbayes sont souvent représentés dans les vitraux. Ce panneau fait partie d’un cycle de scènes sur la vie et les miracles de saint Germain. Il a été réalisé entre 1245 et 1247 et se trouvait dans la chapelle Notre-Dame de l’abbaye. Si la chapelle a disparu, l’église abbatiale se dresse toujours sur le célèbre boulevard Saint Germain.
La Vision de Saint Germain de Paris dépeint un miracle posthume de Saint Germain dans lequel Germain, la figure avec une auréole rouge, apparaît comme une vision dans le rêve d’un moine pour l’avertir de l’invasion imminente de l’abbaye par les Normands, tout en lui donnant l’assurance que ses reliques resteront indemnes. Le moine, au visage cendré, se détourne de la figure. La composition du panneau est dominée par les deux figures et le fond bleu richement saturé, contrasté par des lignes et des masses de rouge. Le reste de la scène est très peu détaillé, ce qui lui confère un parfum d’étrangeté.
L’invasion annoncée par le saint s’est effectivement produite, mais l’abbaye de Saint-Germain-des-Prés a survécu et a prospéré tout au long du Moyen Âge, devenant l’un des monastères les plus riches et les plus puissants de toute la France jusqu’à la Révolution française.
En 1791, les tombes mérovingiennes de l’abbaye, dont celle du roi Childebert, ont été vandalisées par le régime révolutionnaire. Les édifices religieux qui ont survécu aux émeutes ont été utilisés comme bureaux du régime, prisons, casernes, ou ont été loués à des entreprises. L’abbaye de Saint-Germain-des-Prés est fermée et transformée en raffinerie de salpêtre, un composant chimique explosif de la poudre à canon.
Fait dramatique, la salle de stockage de ce matériau explose en 1794, endommageant plusieurs vitraux de la chapelle Notre-Dame. On ne sait pas si ce vitrail a été enlevé avant ou après l’explosion, mais dans tous les cas, il a survécu et a été transféré dans un entrepôt spécialement conçu pour les œuvres d’art déplacées des édifices religieux. Certains des vitraux de l’abbaye de Germain-des-Prés ont par la suite retrouvé un cadre ecclésiastique ou se sont retrouvés dans des collections privées et des musées. Ce panneau fait désormais partie de la collection du Met Cloisters et est exposé en permanence dans une vitrine de style gothique qui évoque avec justesse sa présentation d’origine.
Décoration d’intérieur de la Renaissance
Les vitraux ecclésiastiques ont continué à fleurir dans l’Europe de la Renaissance. Le verre étant devenu plus abordable à la fin des années 1400, les fenêtres en verre sont devenues plus courantes dans l’architecture domestique, le vitrail étant un accessoire décoratif très prisé. Les exemples de ces vitraux se distinguent par leur utilisation de la couleur, de la lumière et même de l’humour. Les sujets habituels sont les signes du zodiaque, les scènes sacrées, les portraits et l’héraldique.
Le Panneau héraldique suisse de la fin du XVe siècle montrant les armoiries de la famille Eberler, qui fait maintenant partie de la collection du J. Paul Getty Museum, a probablement été réalisé pour une maison privée. Le panneau est très sophistiqué en raison des compétences techniques complexes employées dans la fabrication du verre ainsi que de la superbe application artistique de la teinture d’argent et de la peinture vitreuse. Cette peinture spéciale est composée de particules de verre dans un liant liquide qui fondent et fusionnent avec le panneau de verre pendant la cuisson.
Le panneau du musée Getty représente les armoiries d’une famille ainsi qu’une belle jeune fille armée d’une dague placée dans un fourreau. Elle porte une robe bleue à motifs, de longs gants, une ceinture, un collier et des bagues en or, ainsi qu’un long voile blanc attaché à une somptueuse coiffe. Comme dans la Vision de Saint-Germain de Paris, la composition montre une figure détournée d’une autre. Dans ce panneau, cependant, le couple figuratif est composé d’une jeune fille et d’un sanglier rouge menaçant, un animal qui est le motif héraldique de la famille bâloise Eberler. Ils sont superposés sur un fond damassé, beaucoup plus détaillé que le minimalisme médiéval du panneau de Saint-Germain.
Les armoiries de la famille, qui figurent au bas du panneau, comprennent un écu avec le sanglier symbolique sur un fond doré à motifs, un casque et un décor dense de feuilles enroulées rouge et or. Une frise dans la partie supérieure du panneau montre un paysage avec un groupe de jeunes hommes et de jeunes femmes s’adonnant à la fauconnerie : un sport de chasse utilisant des oiseaux de proie qui était une activité associée à l’amour courtois. Des oiseaux décoratifs ornent les côtés du panneau, reliant toutes les divisions scéniques.
Renaissance gothique victorienne
Dans l’Angleterre victorienne, l’intérêt pour l’architecture et l’art médiévaux a été ravivé, et le style néo-gothique correspondant dans l’architecture a revigoré le marché du vitrail. L’un des plus grands créateurs de l’époque dans ce domaine est Sir Edward Burne-Jones, membre du mouvement préraphaélite et éminent peintre de scènes religieuses, mythiques et littéraires.
Les préraphaélites s’inspiraient des artistes travaillant avant l’époque de Raphaël, en particulier des artisans médiévaux et de leur vision de la nature. William Morris, chef de file du mouvement Arts and Crafts anglais, a appliqué ces idées aux arts décoratifs, fondant avec son ami d’Oxford Burne-Jones une entreprise de production de vitraux, de tapisseries, de papiers peints et d’autres objets.
Burne-Jones a créé environ 750 vitraux au cours de sa vie. Son célèbre motif de Sainte Cécile, issu de la célèbre collaboration entre Burne-Jones et Morris, était particulièrement populaire et a été utilisé pour créer près de trente vitraux pendant de nombreuses années. La version qui se trouve aujourd’hui dans la collection du musée d’art de l’université de Princeton (vers 1900) pourrait avoir été installée à l’origine dans une salle à manger privée ou un espace de divertissement.
L’emplacement aurait été un cadre dédié à la musique puisque Sainte Cécile est la patronne de la musique et qu’elle a pour attribut un orgue. Burne-Jones la représente dans ce vitrail en train de jouer sur un orgue portatif datant du XVe siècle. Le musée note dans son guide que « le style plat, abstrait et linéaire et la pose hésitante de la femme gracieuse et incroyablement grande font référence à l’œuvre de Botticelli, … tandis que l’écran en forme de tapisserie représentant des grenadiers et des fruits et le riche tissu de brocart à motifs rappellent la dernière phase gothique de l’art italien ». Des couleurs riches, des textiles à motifs et des motifs feuillagés sont utilisés pour un effet éblouissant, comme dans le Panneau héraldique montrant les armes de la famille Eberler. Burne-Jones évoque magistralement le style des créations de vitraux du Moyen Âge et du début de la Renaissance dans son style novateur.
Burne-Jones est salué par la critique pour sa capacité exceptionnelle à transmettre l’émotion et la sensibilité du personnage dans le vitrail, en dépit des restrictions imposées par le médium. Sainte Cecile illustre le dicton de Morris selon lequel il est essentiel pour les artistes d’utiliser des couleurs vives dans toutes les créations de vitraux. Le vitrail témoigne de sa conviction que les figures doivent être composées de manière simple, afin qu’elles puissent être comprises par un spectateur situé à une grande distance. L’œuvre reflète également l’opinion de l’artiste selon laquelle les cames contribuent à la beauté générale d’un vitrail.
Ces trois vitraux sont représentatifs de leur époque de production et constituent des œuvres d’art exemplaires. En examinant avec soin ces façades de vitraux, au-delà de leurs couleurs et de leurs formes luxuriantes, on découvre leurs liens avec le culte religieux, les techniques et les innovations scientifiques, ainsi qu’avec les mouvements artistiques. Ce sont des vitraux qui éclairent l’histoire et qui continuent de fasciner les spectateurs d’aujourd’hui par leur beauté et leurs récits.
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