L’esclavage moderne, au vu et au su de tous

Par Germain de Lupiac
16 août 2024 10:39 Mis à jour: 17 août 2024 00:25

L’esclavage moderne est un fléau qui touche près de 50 millions de personnes à travers le monde selon les chiffres de l’Organisation internationale du travail (OIT). La traite des êtres humains est le troisième trafic mondial illicite, après les armes et la drogue et générerait jusqu’à 236 milliards de dollars de profits par an.

Le nombre de personnes victimes de travail forcé a augmenté de plus de 10 % depuis 2017, touchant des secteurs comme l’habillement et les énergies renouvelables. L’exploitation sexuelle commerciale forcée engrangerait à elle seule plus des deux tiers du total de ces profits illégaux.

Les pourvoyeurs de l’esclavage moderne sont principalement des pays non-démocratiques et traversés de conflits ethniques ou religieux – la Chine étant le pays où il est le plus important. Pour mesurer son étendue, voici une liste de cas récents de traite d’humains ou d’exploitation sexuelle à grande échelle, mis en évidence par des experts ou les autorités onusiennes.

La traite des êtres humains en RDC et l’esclavage sexuel au Soudan

Des experts de l’ONU ont alerté début juillet sur une « augmentation alarmante de la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle » dans l’est de la République démocratique du Congo en raison des conflits et déplacements de population.

Les experts se disent « alarmés par les informations faisant état d’une traite généralisée des personnes, en particulier à des fins d’esclavage et d’exploitation sexuels, et d’une augmentation des mariages d’enfants et des mariages forcés ». Ces faits sont observés, disent-ils, « en raison du conflit et des déplacements de population dans l’est » de la RDC.

« Les allégations qui nous ont été rapportées décrivent des femmes et des filles déplacées enlevées » à des fins de violence, exploitation ou esclavage sexuels, « alors qu’elles étaient à la recherche de nourriture ou de bois de chauffage, ou qu’elles participaient à des activités agricoles », précisent les experts, qui disent avoir eu connaissance d’ « au moins 531 victimes de violences sexuelles » liées aux conflits d’août 2023 à juin 2024 dans le Nord-Kivu mais également le Sud-Kivu, l’Ituri, le Tanganyika et le Maniema.

Une autre équipe d’experts récemment mise en place pour examiner les abus commis pendant la guerre civile au Soudan a déclaré enquêter sur des accusations d’esclavage sexuel et d’attaques de civils sur des bases ethniques.

La mission internationale onusienne a « reçu des informations crédibles faisant état de nombreuses violences sexuelles commises par les factions belligérantes », a déclaré son responsable, Mohammed Chande Othman. « Les femmes et les jeunes filles ont été et continuent d’être victimes de viols et de viols collectifs, d’enlèvements et de mariages forcés », a-t-il souligné.

La mission enquête sur des informations « faisant état d’esclavage sexuel et de torture à caractère sexuel dans les centres de détention, y compris à l’encontre d’hommes et de garçons », a-t-il ajouté. Le conflit au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts et déplacé plus de neuf millions de personnes, selon l’ONU.

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L’esclavage sexuel des migrants en Libye

Les migrants piégés en Libye d’où ils tentent de rejoindre l’Europe sont réduits à l’esclavage sexuel – un crime contre l’humanité, a dénoncé la mission d’enquête de l’ONU sur la situation des droits de l’homme dans ce pays.

La mission se dit profondément préoccupée par la détérioration de la situation des droits de l’homme en Libye, concluant une fois de plus qu’ « il y a des raisons de croire qu’un large éventail de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité ont été commis par les forces de sécurité de l’État et les milices armées », dans un communiqué publié à l’occasion de la présentation de son dernier rapport publié en mars 2023.

Les enquêteurs expliquent que ces exactions sont commises « contre des Libyens et des migrants dans toute la Libye », dans des lieux de détention. La mission a documenté et constaté de nombreux cas de détention arbitraire, de meurtre, de torture, de viol, d’esclavage sexuel, d’exécutions extrajudiciaires et de disparitions forcées, confirmant que ces pratiques sont largement répandues en Libye.

Cette traite des êtres humains, l’esclavage, le travail forcé, l’emprisonnement, l’extorsion et le trafic de migrants vulnérables « génèrent d’importants revenus pour des individus, des groupes et des institutions de l’État, ce qui incite à la poursuite des violations » a déclaré le président de la mission onusienne, Mohamed Auajjar, dans le communiqué.

Une mine de cobalt, au Congo. Le cobalt est utilisé dans les batteries des voitures électriques. Selon Darton Commodities, le Congo a produit 72 % du cobalt mondial (JUNIOR KANNAH/AFP via Getty Images)

L’ « esclavage moderne » dans les chaînes d’approvisionnement des énergies renouvelables

En Australie, les entreprises du secteur de l’énergie doivent depuis 2021 présenter un rapport annuel à la Commission australienne des droits de l’homme (AHRC) sur les mesures qu’elles prennent pour prévenir l’ « esclavage moderne » dans les chaînes d’approvisionnement des énergies renouvelables.

Le rapport publié par l’AHRC en collaboration avec KPMG Australia a mis en évidence des allégations inquiétantes concernant les technologies solaires, éoliennes et la production des batteries. Dans ces trois domaines, il est fait mention d’adultes et d’enfants exploités dans les chaînes d’approvisionnement, travaillant dans des conditions précaires et dangereuses, sous-payés ou non payés.

L’engouement international pour les énergies renouvelables a entraîné un déploiement rapide du secteur pour répondre à la demande, résultant sur des dérives en matière des droits de l’homme avec des ouvriers et des populations autochtones exploités abusivement.

La Chine, par exemple, le plus grand producteur de panneaux solaires au monde, a placé des millions de citoyens d’origine ouïghoure, kirghize et kazakhe du Xinjiang dans des camps de travaux forcés qui se sont avérés être impliqués dans les chaînes d’approvisionnement mondiales des panneaux solaires. La Chine détient près de 80 % du marché mondial de la production de cellules photovoltaïques.

Le rapport souligne que la demande croissante d’énergie éolienne a également créé des conditions de travail précaires et une dégradation de l’environnement dans les exploitations forestières en Amazonie. Mais la préoccupation majeure de la Commission porte sur l’approvisionnement en cobalt : un composant crucial des batteries lithium-ion (désormais utilisées partout, des smartphones aux véhicules électriques en passant par les ordinateurs). L’approvisionnement en cobalt, explique le rapport, est « fortement lié à des risques d’esclavage ».

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L’esclavage à grande échelle en Chine produit à bas coût pour le monde entier 

Un rapport publié en février 2024 révèle que le Parti communiste chinois (PCC) continue de cibler et d’asservir les Ouïghours et développe le travail forcé en Chine. Publié par la Fondation Jamestown et rédigé par Adrian Zenz, universitaire banni par Pékin, le rapport conclut que « le Xinjiang gère actuellement le plus grand système au monde de travail forcé géré par un État ».

Les atrocités commises par le PCC à l’encontre des membres des minorités ethniques et religieuses du Xinjiang ont été mises en lumière ces dernières années, notamment l’emprisonnement massif de plus d’un million de civils, la stérilisation forcée, la séparation des enfants de leur famille, la torture, les abus, les restrictions à la liberté de religion et le travail forcé.

Un rapport de recherche universitaire chinois, le rapport Nankai, décrit les camps de rééducation comme une « mesure drastique à court terme » et les transferts de main-d’œuvre comme une « méthode à long terme pour réformer, fusionner et assimiler » les Ouïghours. « Les récents changements de politique au Xinjiang ont rendu le travail forcé moins visible et plus difficile à conceptualiser », écrit Adrian Zenz.

Le coton du Xinjiang a ainsi mis en lumière les tristement célèbres camps de concentration, le travail forcé et le génocide perpétré par le régime communiste chinois à l’encontre de la population ouïghoure. Cependant, le travail forcé est une caractéristique du PCC depuis la fin de la révolution communiste en 1949 et utilisé à grande échelle contre les dissidents, les intellectuels ou les minorités ethniques et religieuses.

Le commentateur chinois Heng He a déclaré à Epoch Times que les énormes profits générés par le commerce international avec la Chine ont permis au monde de détourner le regard des pratiques inhumaines du régime chinois et de prolonger les souffrances des prisonniers. Heng He a déclaré que les systèmes chinois de travail forcé dans les camps de « rééducation par le travail », qui découlent de l’idéologie du PCC, reflètent la même idéologie que la devise du camp de concentration nazi d’Auschwitz : « Arbeit macht frei » (Le travail vous libère).

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Un témoignage des cadences infernales chinoises

Wang Chunyan, propriétaire d’une société commerciale en Chine, a été emprisonnée en 2002 puis en 2007. L’ancien dirigeant du régime communiste chinois, Jiang Zemin, a décidé de lancer la persécution du Falun Gong en 1999 et des millions de pratiquants ont été emprisonnés pour leur foi – dont Wang Chunyan. Elle a raconté à Epoch Times que le 9 janvier 2003, elle a été envoyée à la prison pour femmes de la province de Liaoning, où les prisonnières étaient forcées de travailler intensivement à la production de biens destinés à l’exportation.

La lourde charge de travail commençait à six heures du matin et se poursuivait jusqu’à deux heures du matin. Les repas ne duraient que cinq minutes et chaque prisonnière n’avait droit qu’à deux petites bouteilles d’eau, soit 500 ml d’eau potable par jour. Lorsque le quota n’était pas atteint, la prison réduisait les heures de repas des prisonniers. À un moment donné de son incarcération, elle a sauté le déjeuner pendant trois jours consécutifs afin d’atteindre le quota de l’usine, a déclaré Mme Wang.

Le surmenage constant et l’atmosphère oppressante ont fait souffrir de nombreuses détenues de maladies respiratoires, de problèmes de foie, d’eczéma, de gale et d’autres maladies infectieuses. Mais le travail ne s’arrêtait jamais et les produits ne subissaient aucune inspection sanitaire ni stérilisation.

Après avoir pu s’échapper de Chine, Wang Chunyan a dit être convaincue qu’une grande partie de notre lingerie et de nos sous-vêtements – souvent fabriqués avec des matériaux nobles mais vendus à bas prix, notamment pour les États-Unis – sont certainement fabriqués dans les prisons chinoises. « Beaucoup de ces pantalons et pulls en coton [fabriqués en Chine] vendus dans les magasins ont été fabriqués [en prison] », a-t-elle déclaré.

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