L’Europe contrainte de renforcer sa défense pour participer à la paix en Ukraine

Par Germain de Lupiac
18 février 2025 17:57 Mis à jour: 19 février 2025 16:47

Pris de court par le dialogue américano-russe sur l’Ukraine, les dirigeants européens de pays-clés se sont réunis en urgence le 17 février à Paris, à l’invitation d’Emmanuel Macron, exhortant les États-Unis à rester impliqués dans le processus de sécurité en Europe.

Depuis le début du conflit russo-ukrainien commencé il y a 3 ans, les pays européens n’ont pas réussi à négocier avec la Russie les conditions d’un accord de cessez-le-feu et l’envoi de troupes de maintien de la paix aux portes de l’Europe.

Le président américain Donald Trump a accéléré les choses chez ses alliés européens, en parlant la semaine dernière avec son homologue russe Vladimir Poutine, laissant envisager que le Vieux Continent pourrait rester spectateur des négociations.

Mais pour le Kremlin et Volodymyr Zelensky, l’UE doit prendre ses responsabilités, pour éviter l’anarchie venant de positions divisées et belligérantes selon la Russie, et pour assurer la sécurité du territoire ukrainien pendant le processus de paix, selon l’allié ukrainien.

Des dirigeants européens divisés

« Je suis prêt à envisager un engagement des forces britanniques au sol aux côtés d’autres, si un accord de paix durable est conclu », a déclaré le Premier ministre britannique Keir Starmer à l’issue de la rencontre des dirigeants européens, qui a duré plus de trois heures, au palais présidentiel de l’Élysée.

« Mais il doit y avoir un soutien des États-Unis, car une garantie de sécurité des États-Unis est le seul moyen de dissuader efficacement la Russie d’attaquer à nouveau l’Ukraine », a-t-il poursuivi.

Le chancelier allemand Olaf Scholz a également affirmé que l’Europe et les États-Unis devaient « agir toujours ensemble » pour la sécurité collective. Même si, de l’aveu du Premier ministre polonais Donald Tusk, tous les participants ont pris acte d’une « nouvelle phase » de la relation transatlantique.

L’émissaire américain Keith Kellogg avait clairement affirmé, quelques jours plus tôt, qu’il n’était pas « raisonnable ou faisable d’avoir tout le monde autour de la table », notamment les Européens.

Un appel à renforcer la défense européenne

Le président français Emmanuel Macron a déclaré, au lendemain de la réunion, qu’une paix « durable » en Ukraine devait s’accompagner de « garanties de sécurité fortes et crédibles », après des appels téléphoniques avec les présidents Trump et Zelensky.

« Nous ne serons pas en mesure d’aider efficacement l’Ukraine si nous ne prenons pas immédiatement des mesures concrètes concernant nos propres capacités de défense », a déclaré Donald Tusk. Olaf Scholz a aussi plaidé pour un « financement » accru de cet effort, en dérogeant aux règles budgétaires sacro-saintes en Allemagne.

Mais au-delà de cette entente pour doper leur effort de défense, les Européens se sont écharpés publiquement sur un autre débat, celui de l’envoi de militaires en Ukraine pour assurer une éventuelle future trêve, pourtant au cœur des « garanties de sécurité » qu’ils sont appelés à fournir à Kiev dans des négociations avec Moscou.

Avant l’accélération du calendrier par Donald Trump, la Commission européenne devait présenter, le 19 mars, ses idées pour développer les capacités de défense de l’UE. Mme von der Leyen a estimé à quelque 500 milliards d’euros sur dix ans les besoins de financement pour renforcer la défense européenne.

L’accélération du calendrier de Donald Trump avec la Russie

La rencontre de l’Élysée s’est calée avant des pourparlers inédits américano-russes en Arabie saoudite à Ryad, où le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, a rencontré le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, le 18 février.

Des pourparlers avec pour objectif, selon le Kremlin, de relancer leurs relations quasi-gelées depuis l’assaut russe contre l’Ukraine le 22 février 2022. Ces négociations découlent du long coup de fil, le 12 février, entre Vladimir Poutine et Donald Trump, qui a rompu l’isolement du président russe par l’Occident.

Cette rencontre augure de « possibles négociations sur l’Ukraine », selon le Kremlin, même si la diplomatie américaine en a minimisé la portée, en assurant qu’il ne s’agirait pas du début d’une « négociation ».

Le chef de l’État ukrainien Volodymyr Zelensky se rendra en Arabie saoudite le 19 février, décidé à ne reconnaître aucun accord conclu sans Kiev. Dans un entretien à la chaîne allemande ARD, il a déploré que Washington veuille « faire plaisir à Poutine », et insisté sur le fait que l’Europe, « faible » en matière de défense, avait encore besoin du parapluie de sécurité américain.

L’UE veut « faire équipe » avec Washington 

L’Union européenne veut « faire équipe » avec les États-Unis pour une paix « juste et durable » en Ukraine, a déclaré de concert avec le président français la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen sur X, après une rencontre avec l’envoyé spécial du président Donald Trump sur l’Ukraine, Keith Kellogg.

Ce dernier, attendu le 19 février à Kiev, avait déclaré qu’il ne pensait pas « souhaitable » que les Européens prennent place dans un premier temps à la table des négociations sur l’Ukraine pour arriver à un accord de paix.

Mais l’Europe ne voit pas les choses de cette manière, même s’ils déclarent désormais vouloir participer à la sécurisation de l’accord avec la mise en place d’une force militaire en Ukraine. « Le moment est crucial. Financièrement et militairement, l’Europe a contribué plus que n’importe qui d’autre. Et nous allons intensifier nos efforts », a déclaré Mme von der Leyen à l’issue de cet entretien avec Keith Kellogg à Bruxelles.

L’UE a déjà dépensé 135 milliards d’euros pour aider l’Ukraine, dont quelque 52 milliards d’aide militaire, soit le même niveau que les États-Unis, et est prête « à faire plus », a indiqué, de son côté, un communiqué de la Commission.

Devant M. Kellogg, Mme von der Leyen a souligné la volonté de l’UE d’ « accroître » sa production et ses dépenses d’armements, « en renforçant à la fois les capacités militaires européennes et ukrainiennes ».

Un accord « impossible » sans discuter de sécurité en Europe, selon le Kremlin

Le règlement du conflit en Ukraine est « impossible » sans discuter plus largement des questions de sécurité en Europe, a affirmé le 18 février le Kremlin, selon qui Vladimir Poutine est « prêt » à négocier, « si nécessaire », avec Volodymyr Zelensky.

Dmitri Peskov, le porte-parole du président russe, a aussi assuré que la Russie reconnaissait le « droit souverain » de l’Ukraine à adhérer à l’Union européenne, mais pas à l’Otan, sa bête noire. « Un règlement à long terme, un règlement viable est impossible sans un examen global des questions de sécurité sur le continent », a indiqué le porte-parole russe.

La Russie a réclamé fin 2021 de redessiner l’architecture de la sécurité européenne et, de facto, un retrait des forces de l’Otan d’Europe orientale, ainsi qu’un engagement occidental à ne pas élargir l’Alliance vers l’Est. Peu après avoir vu ces revendications rejetées, Moscou a déclenché l’assaut contre l’Ukraine.

Le 14 février 2024, Volodymyr Zelensky s’était dit « prêt » à rencontrer Vladimir Poutine à la condition qu’ « un plan commun » soit convenu au préalable « avec Donald Trump, avec l’Europe ».

Le président ukrainien a cependant jugé qu’une condition pour des discussions avec la Russie était d’arriver d’abord à une position commune ukraino-occidentale, notamment sur la question des garanties de sécurité voulues par Kiev.

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