« L’extase de Saint François » de Le Caravage

Au fil des siècles, les artistes se sont inspirés de Saint François d’Assise. L’un des premiers chefs-d’œuvre de l’un de ces artistes, Michelangelo Merisi da Caravaggio, (dit Caravage ou Le Caravage), est L’Extase de Saint François, conservé dans la collection du musée d’art Wadsworth Atheneum, dans le Connecticut.

Il s’agit de la première toile religieuse connue de l’artiste et de l’une des plus importantes peintures baroques d’une collection de musée américain. Elle illustre le style et la technique extraordinaires de Le Caravage : l’utilisation théâtrale de la lumière, les représentations naturalistes de personnes et d’objets, et les récits psychologiques.

Une révision baroque

Après la Réforme protestante, l’Église catholique a mis l’accent sur la dévotion et l’émulation à l’égard des saints, le plus populaire étant le saint italien François, qui a renoncé à ses richesses pour mener une vie consacrée à la pauvreté et au service. Les représentations de l’époque médiévale et de la Renaissance ont évolué à l’époque baroque pour inclure une nouvelle composition : le saint après sa stigmatisation, soutenu par un ange. Ce format a peut-être été introduit pour la première fois dans L’Extase de Saint François de Le Caravage.

Dans sa biographie Le Cavarage: Une vie sacrée et profane, Andrew Graham-Dixon écrit : « Dans tous les sens du terme – style, iconographie, dramaturgie – la peinture a innové ». Le Caravage a été le premier à montrer le saint allongé, soutenu par un ange agenouillé, au moment où il a reçu les stigmates, blessé au côté droit, mais sans autres signes de stigmates sur les mains et les pieds.

Dans L’Extase de Saint François, le Caravage place les figures du saint et de l’ange près du plan du tableau, ce qui permet au spectateur de ressentir intimement leur présence et l’état extatique de Saint François. La composition s’inspire des motifs artistiques établis du Christ tenu par un ange et de la Pietà de Michel- Ange, où la Vierge berce son corps.

Les deux personnages de L’extase de Saint François sont baignés dans un faisceau de lumière divine, soulignant ce moment poétique et mystique. Le Caravage se réfère à la représentation visuelle établie de la Nativité avec le décor nocturne de son tableau. Malgré la pénombre du paysage, on distingue à peine un groupe de bergers assis et rassemblés autour d’un feu de camp. Ce ténébrisme (l’utilisation d’un contraste extrême entre la lumière et l’obscurité) intensifie l’effet dramatique et est fortement associé à l’œuvre de Le Caravage.

S’identifiant à Saint François, Le Caravage a utilisé son propre visage mal rasé comme modèle dans L’Extase de Saint François. Cette représentation réaliste souligne le fait que Saint François était une personne réelle d’un passé relativement récent. Keith Christiansen, conservateur émérite au Metropolitan Museum of Art, a expliqué que la pratique de Le Caravage, consistant à utiliser des modèles vivants et posés pour ses tableaux, favorisait une nouvelle expérience de reconnaissance et de relation entre le spectateur et l’œuvre d’art.

Saint François reste l’une des figures les plus influentes du christianisme.  De même, Le Caravage reste l’un des artistes les plus importants et les plus influents de l’histoire. L’artiste se sentait fortement lié à la spiritualité catholique de la Contre-Réforme, comme en témoignent ses peintures religieuses. Parmi celles-ci, on trouve plusieurs représentations de Saint François.

L’Extase de Saint François de Le Caravage a joué un rôle fondamental dans l’évolution de l’artiste vers un style unique et novateur. Comme l’a écrit Graham-Dixon, « Saint François d’Assise est plus qu’une illustration d’un épisode de la vie d’un saint. Le tableau offre un rêve consolateur de transfiguration, une condition d’unité avec le Christ à laquelle chacun peut aspirer ».