Érigé en montagne à Hollywood, le débat autour de l’intelligence artificielle accouchera-t-il d’une souris ? Si prometteuse soit-elle, cette technologie n’inquiète en tout cas pas le doubleur américain de Mickey, pour qui jamais une IA ne sera capable de capturer l’essence du personnage.
« Bien sûr qu’il y a une technologie étonnante qui est développée avec l’IA, et c’est tellement impressionnant », estime auprès de l’AFP Bret Iwan, l’acteur qui prête sa voix à la mascotte de Disney. « Mais je pense que rien ne peut remplacer le cœur d’un personnage et, plus important encore, le cœur de la narration. »
Le personnage et la narration sont « propres à un interprète, un écrivain, un animateur, un artiste, un créateur », insiste-t-il, à l’occasion d’un entretien avant le centenaire des studios Disney, qui interviendra le 16 octobre.
De nombreux défis à relever
Si l’entreprise est occupée à célébrer son siècle d’existence, Hollywood a moins le cœur à la fête cet été. Les scénaristes sont en grève depuis plus de deux mois, et les acteurs menacent de rejoindre le mouvement social.
Outre d’inévitables questions salariales, ce maelström est notamment nourri par les craintes de l’industrie cinématographique américaine envers l’intelligence artificielle. Car s’il n’en est qu’à ses débuts, ce nouvel outil a le potentiel pour produire des scripts, cloner des voix ou imiter des comédiens.
Mais pour M. Iwan, l’originalité des créateurs reste primordiale pour le « storytelling », l’art de raconter des histoires.
« J’ose espérer que c’est cet aspect qui va perdurer et permettre à de vraies personnes de faire ce travail pendant un certain temps ! », lance le quadragénaire, qui est seulement le quatrième interprète officiel du personnage.
La voix de fausset de la fameuse souris aux grandes oreilles a d’abord été assurée par Walt Disney lui-même, dès la première apparition du personnage dans le dessin animé « Steamboat Willie » en 1928. Puis deux autres acteurs ont repris ce timbre aigu pendant plus de trois décennies avant que M. Iwan ne reprenne le flambeau.
« J’espère que je pourrai continuer à le faire tant que mes cordes vocales tiendront le coup », confie l’interprète, qui double notamment Mickey dans la série de jeux vidéo « Kingdom Hearts ».
Mais dans le domaine de l’animation, genre de cinéma sur lequel Disney a bâti sa réputation, la technologie joue déjà un rôle prégnant depuis de nombreuses années. Les images générées par ordinateur ont depuis longtemps pris le pas sur le dessin à la main traditionnel, tant chez Disney que chez ses concurrents.
Si les humains continuent de créer les films, la récente utilisation de l’IA pour concevoir le générique de la série « Secret Invasion », diffusée sur la plateforme de streaming Disney+, a fait polémique à Hollywood.
Mais pour Eric Goldberg, l’animateur qui a conçu le légendaire génie d’Aladdin dans le dessin animé de 1992, cette nouvelle technologie menace davantage les secteurs les plus récents de son industrie.
« Je pense que l’IA a moins de chances d’affecter l’animation dessinée à la main que l’animation par ordinateur car l’IA consiste à reproduire du réalisme », résume-t-il. « Les personnages que je dessine, la tête du génie peut se transformer en grille-pain ! Ce qui n’est pas possible avec un personnage d’IA ! »
« Le dessin à la main nous donne donc un petit avantage de ce point de vue », renchérit-il.
À 68 ans, cet artisan passionné vient de terminer la formation de cinq nouveaux apprentis dessinateurs chez Disney. Il reste persuadé qu’il y aura toujours « un noyau d’entre nous qui veulent voir des animations dessinées à la main ».
« Je ne pense pas que l’IA sera un problème pour cet aspect du médium, parce que nous devons énormément faire appel à notre imagination pour représenter des personnages dessinés à la main, à cause de la flexibilité de ce qu’ils peuvent faire », explique-t-il.
Le dessin animé traditionnel perdurera, conclut-il, « tant qu’il y a des gens qui veulent encore le faire ! »
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