Le ministre italien des Affaires étrangères, Antonio Tajani, avant son déplacement de trois jours à Pékin, a estimé que le fait de faire partie de l’initiative chinoise « la Ceinture et la Route » (BRI) n’apportait pas à son pays les avantages économiques escomptés.
« Le Parlement italien examine la situation. En ce moment, les pays qui ne participent pas à l’initiative ‘la Ceinture et la Route’, les pays européens, travaillent mieux que nous. C’est pourquoi l’Italie va décider de rester ou non dans l’initiative ‘la Ceinture et la Route’. Au parlement, de nombreux partis s’y opposent, » a-t-il affirmé samedi sur CNBC.
« L’accord n’a pas répondu aux attentes des Italiens, » a-t-il ajouté.
La BRI (Belt and Road Initiative : Initiative route et ceinture) était censée relier l’Asie, l’Europe et l’Afrique par une « nouvelle route de la soie », en investissant massivement dans des infrastructures. Ses détracteurs l’ont décriée comme un moyen pour le Parti communiste chinois (PCC) d’étendre son pouvoir géopolitique et son influence économique.
« Le message de l’Italie est très clair : nous voulons travailler avec la Chine, nous voulons être présents sur le marché chinois, nous sommes prêts à accueillir les investissements chinois, mais comme je l’ai dit, il est important que les règles du jeu soient équitables, » a indiqué M. Tajani, qui a été président du Parlement européen, commissaire européen, et vice-premier ministre italien. « Nous voulons continuer à travailler en étroite collaboration avec la Chine, mais nous devons aussi faire une analyse des exportations : la BRI n’a pas produit les résultats que nous espérions. »
L’Italie est le seul pays du G7 à faire partie de la BRI et son retrait constituerait un revers majeur pour la Chine.
Date limite de décision
Ce pays européen devrait décider d’ici la fin de l’année s’il souhaite reconduire sa participation. L’accord entre l’Italie et la Chine a une durée de cinq ans et pourra être renouvelé en mars 2024 pour une nouvelle période de cinq ans si aucune des deux parties ne décide d’y mettre fin cette année.
M. Tajani n’a pas confirmé quand l’Italie prendrait sa décision, mais ce n’est pas la première fois que des responsables italiens expriment publiquement leur déception à l’égard de la BRI.
Après avoir adhéré à l’accord en 2019, l’ancien Premier ministre italien Mario Draghi l’a gelé pour une période de deux ans lorsqu’il a pris ses fonctions en 2021.
Des responsables italiens ont récemment affirmé qu’ils voyaient d’autres pays entretenir de bonnes relations avec la Chine sans cette participation et qu’ils s’interrogeaient sur les avantages qu’ils en retiraient.
En juillet, le ministre italien de la Défense, Guido Crosetto, a qualifié la décision initiale d’adhésion d’« acte improvisé et atroce ». Il a ajouté qu’elle avait multiplié les exportations chinoises vers l’Italie, mais qu’elle n’avait pas augmenté de la même manière les exportations italiennes vers la Chine.
« La question qui se pose aujourd’hui est la suivante : comment faire marche arrière [par rapport à la BRI] sans nuire aux relations [avec Pékin]. Car il est vrai que la Chine est un concurrent, mais c’est aussi un partenaire, » a souligné M. Crosetto dans le journal Corriere della Sera.
« Nous avons exporté une cargaison d’oranges vers la Chine. Ils ont triplé leurs exportations vers l’Italie en trois ans. Le plus ridicule, à l’époque, c’est que Paris, sans signer aucun traité, vendait des avions à Pékin pour des dizaines de milliards. »
À l’époque, la Première ministre italienne Giorgia Meloni avait déclaré aux journalistes, lors d’une rencontre avec le président Joe Biden à la Maison Blanche, que l’Italie prendrait une décision avant le mois de décembre. Elle a souligné le « paradoxe » qui veut que l’Italie soit le seul pays du G7 à participer à la BRI, alors qu’elle n’est pas le pays du G7 dont les échanges commerciaux avec la Chine sont les plus importants.
« Nous pensions que le libre-échange sans règles pouvait résoudre nos problèmes, répartir la richesse et démocratiser des systèmes moins démocratiques que le nôtre. Cela ne s’est pas produit, » a fait remarquer Mme Meloni.
« La deuxième chose qui s’est produite, c’est que des systèmes non-démocratiques se sont imposés sur le plan institutionnel et ont gagné de l’espace dans le monde. Aujourd’hui, ils sont plus forts et nous sommes plus faibles car nous ne contrôlons pas nos chaînes d’approvisionnement. Nous devons donc repenser notre façon de faire. »
Adhésion controversée
La décision d’adhérer a été très critiquée, car la BRI est un projet controversé. L’infrastructure des routes commerciales traversant trois continents est financée par la Chine, et les observateurs font remarquer que les pays en voie de développement se retrouvent endettés et incapables de payer, tandis que la Chine renforce son influence dans les pays situés le long de la route.
En 2019, l’accord a été signé lors d’une cérémonie où Matteo Salvini, vice-premier ministre et ministre de l’Intérieur italien, était notablement absent. Il avait ouvertement critiqué l’accord avant la cérémonie, déclarant que l’Italie ne serait « la colonie de personne » et que le marché libre en Chine n’existait pas, prêchant la prudence aux entrepreneurs italiens.
Guglielmo Picchi, sous-secrétaire d’État italien aux Affaires étrangères, a estimé qu’un « examen plus approfondi » était nécessaire.
Le président français Emmanuel Macron et la chancelière allemande Angela Merkel ont également fait part de leurs préoccupations. La Commission européenne a publié un rapport qualifiant Pékin de « rival absolu » à tenir à distance. Un journal allemand a publié un éditorial notant que l’accord n’était pas dans l’intérêt de l’Italie et qu’en fait, l’adhésion de l’Italie ne servait qu’à donner à Pékin une légitimité à son projet controversé.
Frank Fang a collaboré à cet article.
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