L’opposant numéro un au Kremlin Alexeï Navalny, traité à l’hôpital pour un mal mystérieux avant d’être renvoyé vers la prison où il est incarcéré, n’a pas exclu lundi la possibilité d’avoir été « empoisonné« , sur fond de répression du mouvement de contestation.
Condamné la semaine dernière à 30 jours d’emprisonnement, Alexeï Navalny a été hospitalisé dimanche en raison d’une « grave réaction allergique« , selon les autorités, avant d’être renvoyé en cellule dans la journée de lundi.
« Je n’ai jamais eu d’allergie« , a rétorqué l’opposant dans un message diffusé sur son blog, dans lequel il explique ses symptômes. « Lors d’une promenade, mes compagnons de cellule ont remarqué que j’avais le cou rouge. (…) En une heure, je sens mon front et la peau autour des yeux qui me brûlent. »
« La nuit, je me réveillais du fait que mon visage, mes oreilles, mon cou me brûlaient et me piquaient« , poursuit-il. « L’idée m’est venue : peut-être m’ont-ils empoisonné? », ajoute M. Navalny, qui accompagne son message d’une photo le montrant à l’hôpital avec le visage boursouflé. Il affirme que les médecins se comportaient « comme s’ils avaient quelque chose à cacher« .
S’il dit douter de la version de l’allergie, Alexeï Navalny exclut d’avoir été empoisonné par les gardiens de la prison, selon lui « encore plus choqués » par son apparence. Mais il n’exclut pas que quelqu’un se soit introduit dans sa cellule lorsque les détenus ne s’y trouvaient pas et appelle à examiner les images de vidéosurveillance.
L’entourage de ce blogueur anticorruption s’était immédiatement inquiété du mal « bizarre » de M. Navalny, intervenu au lendemain d’une manifestation marquée par près de 1.400 arrestations, du jamais vu depuis le retour de Vladimir Poutine au Kremlin en 2012.
Après avoir pu lui rendre visite dans l’établissement hospitalier moscovite où il avait été admis, son avocate Olga Mikhaïlova a assuré lundi aux journalistes que l’opposant avait été « empoisonné« .
Anastasia Vassilieva, une ophtalmologue qui avait traité M. Navalny lorsqu’il avait été aspergé d’antiseptique en 2017, a affirmé que l’opposant allait mieux mais s’est inquiétée du fait qu’il était déjà renvoyé en prison sans être « totalement rétabli« .
Elena Sibikina, le médecin-chef de l’hôpital ayant examiné M. Navalny, a déclaré que la vie ou la santé de l’opposant n’était pas menacée, refusant de donner plus de précisions au nom du secret médical.
Au moment de son transfert à l’hôpital, Alexeï Navalny souffrait notamment d’un gonflement des paupières et il a de multiples abcès sur le cou, le dos, le torse et les coudes.
Interrogée par la chaîne de télévision indépendante Dojd, Mme Vassilieva a dit avoir récupéré le T-shirt de l’opposant ainsi que des cheveux qui feront l’objet d’une « expertise indépendante« .
Cette affaire intervient à un moment où les autorités semblent déterminées à tuer dans l’oeuf toute contestation liée aux élections locales du 8 septembre, auxquelles la plupart des figures de l’opposition moscovite ont été empêchées de participer.
Un rassemblement non autorisé devant la mairie de Moscou à l’appel de ces opposants s’est soldé samedi par près de 1.400 arrestations, selon OVD-Info, une ONG spécialisée dans le suivi des manifestations. Il s’agit, selon elle, du plus grand nombre d’interpellations depuis le mouvement de protestation de 2012 contre le retour au Kremlin de Vladimir Poutine.
Les Etats-Unis et l’Union européenne ont condamné ces arrestations, dénonçant l’usage « disproportionné de la force » contre les manifestants. La France, où M. Poutine doit se rendre le 19 août à l’invitation d’Emmanuel Macron, s’est dite « profondément préoccupée » et a appelé à « la libération rapide » des personnes arrêtées, dont Alexeï Navalny.
Mercredi, trois jours avant ce rassemblement, Alexeï Navalny avait été renvoyé en prison pour des infractions aux « règles des manifestations« .
Quant aux opposants dont la candidature avait été rejetée, parmi lesquels se trouvent plusieurs alliés de M. Navalny, ils avaient tous été la cible de perquisitions et convoqués la semaine dernière par la police. Trois d’entre eux, Ilia Iachine, Ivan Jdanov et Konstantin Iankauskas ont été condamnés lundi respectivement à 10, 15 et 7 jours de prison.
L’opposition dénonce depuis plusieurs semaines le rejet des candidatures indépendantes en vue des élections locales, qui s’annoncent difficiles pour les candidats soutenant le pouvoir dans un contexte de grogne sociale.
Les candidats indépendants étaient censés obtenir les signatures d’au moins 3% des membres du corps électoral dans la circonscription où ils se présentaient. Mais la commission électorale a rejeté la candidature de toutes les figures de l’opposition ayant franchi cet obstacle, arguant d’irrégularités dans la collecte de leurs signatures.
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