Saturne fait partie des planètes gazeuses parcourues par de fortes tempêtes. Parmi ces tempêtes, « l’hexagone de Saturne » est un motif nuageux hexagonal qui tourne en permanence au-dessus du pôle Nord de la planète Saturne. Les côtés parfaitement rectilignes de l’hexagone mesurent environ 13.800 kilomètres… L’Hexagone est donc un ouragan d’environ 32.000 kilomètres de large. Pour comparaison, le diamètre de la Terre n’est « que » de 12.742 kilomètres.
Ce cyclone exceptionnel évolue peu en termes de physionomie dans le temps et dans l’espace et ressemble toujours à un hexagone, contrairement aux autres nuages de l’atmosphère visible qui, eux, changent d’organisation spatiale en permanence.
L’Hexagone de Saturne a d’abord été découvert par les deux sondes du programme Voyager en 1981-1982, mais les photos n’étaient pas de très bonne qualité. Il a été étudié à nouveau par la mission Cassini-Huygens en 2006.
Comme sur Terre, les pôles font face au soleil à certaines saisons seulement (en été pour le pôle Nord par exemple) ; le reste du temps, ils sont plongés dans l’obscurité… d’autant que, sur Saturne, une saison dure à peu près sept ans. Ainsi, Cassini n’a pu prendre que des photos dans l’infrarouge jusqu’en janvier 2009. Quand l’hexagone a fait face au Soleil, il est devenu observable en lumière visible, ce qui a permis de réaliser une vidéo du cyclone et aussi de compléter les informations qui nourrissent le travail des astrophysiciens, avec des spectres optiques plus complets, dans le visible et l’infrarouge.
Pourquoi le seul ouragan en forme d’hexagone est-il sur Saturne et pas ailleurs ?
Tout comme Jupiter et sa tache rouge, Saturne représente pour les chercheurs un laboratoire géant de mécanique des fluides astrophysiques.
En effet, cet hexagone si particulier doit malgré tout obéir aux lois de la physique. De manière générale, une observation astronomique doit être comprise et expliquée sous l’angle de la physique par le biais d’un modèle (fait d’équations ou d’expériences) pour comprendre les phénomènes mis en jeu. Les instruments d’observation en astronomie donnent aujourd’hui accès à des phénomènes complexes (comme notre hexagone), et pour les comprendre nous avons besoin de modèles qui tiennent compte de la nature des corps célestes et de la façon dont ils évoluent. Ceux-ci étant souvent gazeux, on parle de « mécanique des fluides ».
Le développement récent de la mécanique des fluides astrophysiques est essentiellement lié à celui de la simulation numérique, qui permet d’explorer des situations jamais observées en laboratoire ou dans l’espace : par exemple, quelles conditions sont nécessaires pour observer un cyclone hexagonal ? Comment le cyclone réagirait-il si la direction du vent change ?
De nombreux travaux sur le sujet de l’hexagone saturnien ont vu le jour. On peut signaler des approches de type simulations numériques et même expérimentale.
Un des scénarios proposés est le suivant : Saturne, comme Jupiter, est une planète gazeuse et son atmosphère instable est en permanence confrontée à des écoulements complexes assimilables à des tempêtes, des jets, des courants et des tourbillons, et ce, peu importe l’altitude. Et, justement, les écoulements atmosphériques de basse altitude peuvent créer des tourbillons de différentes tailles. Ici, ces écoulements entoureraient un courant horizontal plus large qui souffle vers l’est autour du pôle nord de Saturne, et qui se compose lui-même de plusieurs tempêtes plus modestes en taille. Toutes ces petites tempêtes confinent le courant du côté du pôle et déforment certains jets en hexagone. Cette idée a donc été transformée en modèle physique, puis simulée – mais les simulations ont formé une géométrie à neuf côtés, au lieu des six observés. En revanche, la stabilité de cette géométrie prouve que le mécanisme envisagé, sans donner le résultat observé, n’est pas forcément défaillant.
Une autre hypothèse est que les formes hexagonales se développent là où il existe une très forte variation de la vitesse des vents atmosphériques à certaines latitudes dans l’atmosphère de Saturne. Des formes régulières similaires ont pu être créées en laboratoire en mettant en rotation un fluide dans un réservoir circulaire à des vitesses différentes au centre et en périphérie. La forme la plus commune était à six faces (hexagonale donc), et des formes de trois à huit côtés ont également été produites.
Cependant, ces reproductions en laboratoire sont « incomplètes ». En effet, elles comportent des vortex stabilisant les bords des hexagones alors que celui de Saturne est bel et bien indépendant de tout vortex stabilisateur.
Les mystères qui produisent l’hexagone de Saturne sont encore loin d’être dévoilés… d’autant qu’en 2018, une structure similaire a été observée à 300 kilomètres au sud du pôle Nord ! Ce défi de taille semble destiné à aiguiser la créativité des chercheurs en dynamique des fluides astrophysiques pendant encore longtemps.
Article écrit par Waleed Mouhali, Enseignant-chercheur en Physique, ECE Paris
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.
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