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Ludovine de La Rochère : « Nous sommes dans un contexte qui, sur le plan philosophique et politique, est très anti-famille »

janvier 31, 2025 12:59, Last Updated: janvier 31, 2025 12:59
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ENTRETIEN – Selon le dernier bilan démographique de l’Insee publié le 1er janvier, 663 000 bébés sont nés en 2024 en France. Une baisse de 2,2 % par rapport à 2023. Le taux de fécondité n’a jamais été aussi bas depuis la fin de la Première Guerre mondiale. La présidente du Syndicat de la Famille, Ludovine de La Rochère réagit auprès d’Epoch Times à ces chiffres alarmants. Pour la cofondatrice de la Manif pour tous, il faut vite agir pour inverser la tendance.

Epoch Times – Ludovine de La Rochère, quelles sont les raisons de cette diminution de la fécondité ? Interrogé par Radio Classique le 22 janvier, l’économiste Maxime Sbaihi parlait notamment de « problème sur les salaires » qui « empêche de pouvoir déployer ses projets familiaux ».

Ludovine de La Rochère – Plusieurs raisons expliquent ce décrochage. D’une part, des raisons culturelles : nous sommes dans un contexte qui, sur le plan philosophique et politique, est très anti-famille. On ne peut que le constater avec la montée de l’individualisme ainsi que l’état d’esprit de lutte des sexes dans lesquels certains milieux ont sombré.

Depuis des années, la politique qui est menée va à l’encontre de la famille. Les mesures de politique familiale classique ont été déconstruites : l’universalité des allocations familiales, l’affaiblissement du quotient familial, etc. Et aucune mesure facilitant l’accueil et l’éducation de l’enfant n’ont été proposées depuis des années. L’exemple du logement est frappant ! Il devient une part de plus en plus importante du budget des couples, au point qu’accueillir un enfant devient très difficile.

Mais encore une fois, le problème fondamental reste à mes yeux, l’état d’esprit dans lequel une partie de la société vit qui consiste à s’opposer de manière systématique à la famille. Par exemple, la gauche progressiste et les féministes décrivent la famille comme un lieu d’inégalités, de patriarcat et de violence. Souvenez-vous de Simone de Beauvoir qui est allée jusqu’à qualifier l’enfant de « parasite ».

Je me souviens même que pendant la crise sanitaire, Emmanuel Macron et ses ministres n’ont pas cessé de répéter qu’il était dangereux pour les enfants de « rester confinés en famille » alors que l’immense majorité des familles a fait ce qui relevait de leur responsabilité.

Des familles dysfonctionnelles peuvent exister, mais pour autant, l’État ne doit pas prendre leur place, au contraire. Il doit davantage les accompagner. Malheureusement, l’État cherche à les remplacer depuis des années, souhaitant à tout prix éduquer les enfants.

Nous sommes même arrivés à un point où l’État reconnaît la filiation des enfants, mais pas eux-mêmes ! Quand une PMA avec don de gamètes est effectuée, ce qui est de plus en plus fréquent depuis la légalisation de la PMA pour les couples de femmes ou les femmes seules, seul l’État connaît l’identité du père de l’enfant jusqu’à ses 18 ans ! Cet exemple est très symptomatique de l’intrusion de l’État dans la vie des familles.

Cet état d’esprit anti-famille doit absolument être renversé. Nous avons besoin d’un véritable changement de paradigme. Ce changement de paradigme sur le plan culturel permettra ensuite que de nouvelles orientations politiques favorisant la famille soient définies.

L’Insee notait en 2022 que l’indicateur conjoncturel de fécondité le plus élevé de l’UE était en France (1,78) alors que la moyenne européenne était de 1,46 enfant par femme. Cette problématique touche donc l’ensemble du continent européen ?

Cette problématique touche effectivement l’ensemble de l’Europe avec d’ailleurs, une idée très répandue et fausse qui serait que la politique familiale ne changerait pas la donne en matière de taux de natalité.

Je ne dis pas qu’une politique familiale pourrait tout résoudre, loin de là. Mais je note qu’il y a des pays qui, malgré tout, ont inversé le sens de la courbe en mettant en œuvre des politiques familiales ambitieuses. Mais il est vrai que la valorisation de l’individualisme, le déni systématique de la différence et de la complémentarité des sexes, la critique permanente de l’homme, concourent à détruire l’envie de se mettre en couple et la confiance entre les sexes.

S’ajoute à cela, un manque de valorisation de la maternité. Par exemple, dans le programme d’éducation sexuelle élaboré par l’Éducation nationale, il n’y a pas un seul mot positif sur la maternité ainsi que la paternité. Idem pour la grossesse qui n’est évoquée que lorsqu’elle est précoce et non désirée. Tout est présenté de manière négative ! Il y a un véritable problème de vision de la famille. Ce phénomène concerne l’Occident, mais plus particulièrement la France.

Cependant, en Israël, dont les modes de vie sont proches des nôtres, la société a un état d’esprit différent. Les Israéliens sont très attachés à la famille. D’ailleurs, dans ce pays, le taux de natalité est de trois enfants par femme. La culture favorisant la famille ainsi que l’importance accordée aux politiques familiales font de l’État hébreu un pays exemplaire en la matière.

Fortement touchée par ce phénomène, l’Italie prévoyait dans le budget 2025 adopté en décembre de verser une prime de 1 000 euros pour chaque enfant né ou adopté à partir du 1er janvier. Cette politique menée par nos voisins transalpins peut-elle être un exemple pour la France ?

Je ne pense pas qu’une mesure ponctuelle puisse changer la donne. Il en faudrait plusieurs ! Et toutes ces mesures doivent s’accompagner d’un changement de paradigme avec une valorisation de la maternité, de la paternité, de la famille, de l’amour, de l’engagement et du couple.

La famille est fondée par le couple et non par l’enfant contrairement à ce que certains affirment. Le couple n’est certes, pas toujours stable, mais la culture et l’état d’esprit supposent également de valoriser l’engagement et la stabilité. Un ensemble d’éléments dont l’enfant a absolument besoin puisqu’au-delà de l’accueil de l’enfant, il y aussi son éducation.

Je note que l’Italie a vraiment pris conscience de cette problématique. Néanmoins, j’espère que Rome va proposer une vision plus large de la famille aux Italiens et ne pas se contenter d’une simple prime pour favoriser les naissances. Je ne crois pas que le désir d’enfants des familles évolue en fonction des primes proposées.

Par exemple, en France, le désir d’enfants est bien supérieur au taux de natalité. Autrement dit, il y a des obstacles qui empêchent d’avoir autant d’enfants que désiré, que ce soit la difficulté à concilier la vie professionnelle et familiale, ainsi que le sentiment de ne pas être valorisé socialement.

Quels autres pays européens pourraient nous inspirer pour relancer la natalité ?

La Suède ou la Hongrie par exemple. Le gouvernement hongrois a pris des mesures sur le plan de l’organisation de la famille, sur le plan financier ainsi qu’en termes de logement.

Ainsi, la courbe de la natalité hongroise s’est inversée même si, pour le moment, elle n’est pas arrivée au seuil de renouvellement des générations. Dans des pays où la natalité est restée basse pendant des années, un certain temps est nécessaire pour que tout rentre dans l’ordre.

Maintenant, la France fait partie des pays concernés par ce phénomène. Le taux de natalité est tombé à 1,62 en 2024. Il s’agit de la poursuite d’une chute très rapide. La France est au bord du seuil d’un déficit naturel négatif. Et s’il y a moins de femmes en âge de procréer, il sera extrêmement difficile de remonter la pente en nombre de naissances. C’est ce qu’on appelle l’inertie démographique.

Nous devons agir urgemment. Plus on attend, plus il sera difficile, pour ne pas dire impossible d’inverser la courbe.

Sur CNews le 16 janvier, vous avez affirmé que les politiques ne « connaissent pas le sujet de la natalité ». C’est-à-dire ?

La grande majorité des politiques ne connaît pas le sujet. Cela s’explique en partie par leur cursus académique. La plupart font des études de droit, de sciences politiques, etc. Et dans toutes ces filières, il n’y a absolument rien sur les enjeux de politique familiale.

De plus, les sujets de société sont uniquement abordés à travers le prisme progressiste anti-famille. Par ailleurs, la génération des baby-boomers est très réticente à s’exprimer sur ce sujet, par peur d’être renvoyée à Vichy, ce qui est une aberration.

Enfin, la gauche dans son ensemble demeure très opposée à la famille et la droite ne cesse de courir après pour avoir l’air moderne. Ainsi, elle n’ose pas aborder ce sujet alors qu’il y urgence puisque l’avenir est en jeu !

Le jour de la publication des chiffres de l’Insee, François Bayrou, lors de son discours de politique générale n’a pas employé une seule fois le mot natalité, famille ou politique familiale. Ce n’est pas la peine de parler d’emploi ou de retraite si la natalité s’écroule. La première mesure, c’est d’agir en faveur de la famille.

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