L’industrie automobile européenne est « en danger de mort », a averti le vice-président de la Commission européenne, Stéphane Séjourné, alors que la filière subit le choc de la transition verte mise en place par l’UE.
« La Commission européenne sort de sa naïveté, protège et organise la filière, lui donne la possibilité de gagner en compétitivité », a souligné le commissaire européen, alors que les fermetures de sites se multiplient dans un secteur qui emploie 13 millions de personnes en Europe.
Le Green Deal ou Pacte vert, initié par Ursula von der Leyen en 2019, est à l’origine de réformes drastiques sur l’industrie automobile avec en ligne de mire la fin des voitures thermiques en 2035 et l’objectif d’une neutralité carbone en 2050 sur le continent européen.
Au cours de l’année 2024, les ventes de voitures ont diminué sur le marché européen, avec un total de 7,2 millions d’immatriculations. La croissance a été plus lente que prévu pour les ventes de voitures électriques, notamment avec l’entrée en vigueur en 2025 de normes de CO2 plus sévères.
L’UE veut maintenant assouplir ces règles sur le secteur, tout en gardant les objectifs du Green Deal.
Faire peser les achats de voitures électriques sur les entreprises
La bataille du véhicule électrique « n’est pas perdue » estime Stéphane Séjourné, vice-président exécutif de la Commission européenne à la Prospérité et à la Stratégie industrielle.
Affaiblis par un marché en berne, des constructeurs comme Volkswagen ou Stellantis affrontent l’arrivée de concurrents chinois massivement subventionnés, au moment où l’UE leur demande d’énormes investissements dans l’électrification des véhicules pour respecter l’interdiction des motorisations essence et diesel à partir de 2035.
Les voitures électriques, encore trop chères, ont vu leur part de marché reculer dans l’UE pour la première fois en 2024. Mais afin de « booster la demande », la Commission étudie de nouvelles « obligations » imposées aux entreprises pour verdir leurs flottes, explique le commissaire européen. Ces achats seraient aussi facilités par des « incitations fiscales » harmonisées à l’échelle de l’UE qui seront proposées aux États membres.
Les véhicules d’entreprises sont un levier puissant car ils représentent près de 60 % des nouvelles immatriculations en Europe.
Des aides supplémentaires pour la fabrication en Europe
« Je veux que les consommateurs européens puissent acheter des véhicules européens », a affirmé Stéphane Séjourné. Le plan, présenté à Bruxelles le 5 mars par le commissaire aux Transports, Apostolos Tzitzikostas, prévoit des « exigences de contenus européens pour les cellules de batterie et certains composants des véhicules électriques vendus dans l’UE », afin d’aider les sous-traitants.
« On est en train de travailler à la liste » des composants concernés, explique Stéphane Séjourné qui évoque « un choc d’offres » en complément des efforts pour relancer la demande. « Tous les pays le font aujourd’hui, que ce soit les États-Unis, la Chine, l’Inde, il n’y a que l’Europe qui n’a pas mis en place ces dispositifs », prévient-il.
La Commission va par ailleurs explorer des subventions directes à la fabrication de batteries dans l’UE et veut assouplir le cadre des aides d’État qui limite aujourd’hui ce type de soutien.
Le Green deal maintenu, « avec des flexibilités »
Dans ce contexte, l’objectif pour l’Europe de vendre uniquement des véhicules neufs à zéro émission de CO2 à partir de 2035 « est maintenu mais avec des flexibilités » afin d’éviter de plomber certains constructeurs en retard en leur infligeant les lourdes amendes prévues par la réglementation, explique le vice-président exécutif de la Commission européenne à la Prospérité et à la Stratégie industrielle.
Le marché des voitures électriques étant en berne, les constructeurs automobiles européens vont pouvoir continuer à vendre les modèles sur lesquels ils gagnent plus d’argent. Bruxelles a annoncé le 4 mars un mécanisme permettant aux constructeurs en retard sur les objectifs de réduction des émissions de CO2 d’éviter de payer des amendes en 2025, en prenant en compte les émissions sur trois ans au lieu d’un.
« Les objectifs restent les mêmes, mais cela signifie plus de flexibilité pour l’industrie », a déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen.
Les infrastructures de recharge des véhicules électriques restent cependant insuffisantes en Europe et très inégalement réparties, un frein à l’achat dénoncé de longue date par la filière automobile. La Commission veut « accélérer le déploiement des bornes de recharge » et va mobiliser 570 millions d’euros à cet effet entre 2025 et 2026.
« On était dans une situation absurde »
Les entreprises avaient tiré la sonnette d’alarme en arguant que le marché ne s’électrifiait pas assez vite, avec 13,6 % d’immatriculations électriques en 2024, et qu’elles pourraient donc difficilement remplir l’objectif fixé par la Commission européenne de 25 % en 2025.
Pour l’atteindre, elles auraient dû tailler dans leurs bénéfices, en faisant d’un côté des promotions sur leurs voitures électriques, et en limitant leurs ventes de voitures thermiques, sur lesquelles elles font de meilleures marges, un vrai suicide financier.
« On était dans une situation absurde, les constructeurs risquaient de payer des pénalités par rapport à une situation qui n’est pas de leur fait », a souligné Marc Mortureux, de l’organisation représentant les grands constructeurs et équipementiers, la Plateforme automobile (PFA).
Stellantis a salué un « important premier pas dans la bonne direction pour préserver la compétitivité de notre secteur, tout en restant fidèle aux objectifs et engagés dans l’électrification ».
Le débat sur la fin des voitures thermiques en 2035 relancé
La Commission européenne pourrait préparer dès fin 2025 la « clause de revoyure » de l’objectif de ventes 100 % électriques pour l’industrie automobile, prévu pour 2035, a indiqué Stéphane Séjourné.
« J’ai proposé au Collège des commissaires […] qu’on puisse commencer dès 2025 à élaborer les règles […] qui nous obligent pour pouvoir prendre des décisions assez rapidement en 2026 », a souligné le 5 mars Stéphane Séjourné depuis l’usine Renault de Douai, qui fabrique la R5 électrique.
« La question des efuels (carburants synthétiques) et des biocarburants se posera évidemment, et la question de la neutralité technologique sera au cœur des discussions », a-t-il indiqué.
Cette « neutralité », réclamée depuis des années par l’industrie automobile, notamment en Allemagne et en Italie, implique qu’elle puisse utiliser d’autres technologies que l’électrique pour arriver à son objectif de zéro émission de CO2 à l’échappement en 2035. Elle laisse ainsi la porte ouverte à de nouveaux carburants.
« Nous avons besoin d’agir vite, nous avons besoin d’envoyer des signaux », a souligné le ministre français de l’Industrie, Marc Ferracci. « Les délais brefs, c’est peut-être l’élément le plus important de ce plan. »
La flexibilité accordée profite en particulier au groupe Renault, qui était en retard sur ses objectifs d’émissions et n’avait pas passé d’accord avec des constructeurs plus électriques pour échapper à de lourdes amendes.
Devant une de ses nouvelles R5, le patron de Renault Luca de Meo a salué ce qu’il a qualifié de « signe de pragmatisme » sur le CO2 de la part de la Commission : comme dans le monde de l’entreprise, « il faut avoir la capacité d’adapter le plan sans perdre l’objectif » d’un parc automobile à zéro émissions, a-t-il souligné.
Le délai accordé va notamment permettre à Renault de continuer à vendre des modèles hybrides, dont les marges soutiennent le développement des électriques, a expliqué Luca de Meo.
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