Face à des dégradations de plus en plus marquées de notre environnement, la préservation ou la restauration de sa qualité apparaissent essentielles. La communauté internationale s’est ainsi donné pour objectif de restaurer 15 % des écosystèmes de la planète d’ici à 2020.
Réparer les milieux dégradés constitue une priorité car ceux-ci contribuent souvent à augmenter les risques naturels, et les inondations tout particulièrement. En France, 17 millions d’habitants sont exposés à ce risque.
Comment atteindre ces objectifs ? Comment optimiser les actions ? Les plantes peuvent apporter une réponse à ces enjeux.
Michel Lang @irstea revient sur 2 siècles d’#inondations en France https://t.co/ymIdvl29ao pic.twitter.com/yb3bOm47Bs
— Conversation France (@FR_Conversation) 4 juin 2016
Les solutions fondées sur la nature
En complément ou comme alternative aux interventions lourdes de type génie civil – qui font appel à des matériaux inertes tels que des enrochements ou du béton –, il existe aujourd’hui des solutions fondées sur la nature.
Celles-ci s’appuient sur des écosystèmes sains, fonctionnels et diversifiés pour répondre aux effets des changements globaux tels que les changements climatiques et les usages des sols. Elles reposent sur deux grandes orientations : réguler le climat et limiter les risques naturels. Pour y répondre, elles mobilisent trois grands types d’actions : la préservation d’écosystèmes, l’amélioration de la gestion durable d’écosystèmes utilisés par les activités humaines, enfin la restauration des écosystèmes dégradés et la création d’écosystèmes.
Elles rejoignent ainsi l’ingénierie écologique, désignant l’ensemble des actions par et/ou pour le vivant. C’est une ingénierie qui se met au service de l’aménagement du territoire et s’applique notamment aux milieux aquatiques.
L’ingénierie écologique repose principalement sur des procédés d’ingénierie, à l’instar des ouvrages dits de « génie végétal » dont les bénéfices sont multiples.
Les bénéfices multiples issus du végétal
Le génie végétal désigne la mise en œuvre de techniques utilisant les végétaux et leurs propriétés mécaniques et/ou biologiques pour différents types de finalité.
Son objectif peut viser la réparation d’un milieu dégradé (on parle de restauration écologique), ou la préservation de la biodiversité. Il peut également être, à l’aide de végétaux, de consolider les berges d’une rivière ou de lutter contre l’érosion et les inondations.
Le génie végétal représente aujourd’hui une solution « multibénéfices », bien adaptée pour répondre à certaines politiques publiques environnementales, comme celle liée à la gestion des milieux aquatiques et à la prévention des inondations (dite GEMAPI), qui incombera aux communes françaises à partir de 2018.
L’entretien des digues incombera bientôt aux communes, Yan Eglin @irstea https://t.co/0BsS6BodCC pic.twitter.com/FLhAnrZfl8
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Un complément au génie civil
À partir du 1er janvier prochain donc, la loi oblige les collectivités locales (communes et intercommunalités) à concilier gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations dans l’aménagement de leur territoire.
Elle les incite à agir en prenant en compte les relations entre l’amont et l’aval des bassins versants. Elle concerne particulièrement ceux situés en contexte torrentiel, soumis à des risques importants, et aux cours d’eau de montagne (torrents ou rivières torrentielles), tels qu’on les rencontre dans les massifs alpins et pyrénéens.
Pour assurer cette gestion, les collectivités solliciteront évidemment le génie civil, qui permet par exemple la restauration morphologique de certains cours d’eau. Mais ils seront également avisés, dans l’optique de concilier sécurité et respect de l’environnement, de solliciter le génie végétal. Celui-ci peut, dans certaines situations, représenter un complément ou même une alternative au génie civil. Il est d’ailleurs souvent moins onéreux à installer et à gérer qu’un aménagement de ce type, le tout avec une meilleure intégration dans le paysage.
L’exemple de la Durance
C’est dans cet état d’esprit que des approches expérimentales ont été réalisées dans certains bassins versants torrentiels sud-alpins dans les Alpes-de-Haute-Provence, le milieu méditerranéen étant particulièrement concerné en raison de l’agressivité des pluies.
Dans le cadre du projet « Génie végétal dans le bassin versant de la Durance », mené entre 2002 et 2015, des recherches ont été conduites par l’équipe PIER d’Irstea. Elles avaient pour but d’étudier l’opportunité de recourir à des techniques innovantes de génie végétal pour permettre de réduire la sédimentation fine dans la rivière Durance et ses affluents ; cette sédimentation est responsable d’un accroissement des risques d’inondations, en même temps qu’elle dégrade les milieux aquatiques (colmatage de frayères, problèmes d’équilibre sédimentaire).
Ici, on utilise des ouvrages composés de seuils en bois : surmontés de boutures et de plants, ils sont installés dans des lits de ravines érodées à l’amont des bassins afin de retenir les sédiments fins et limiter les envasements de rivières (Durance et affluents) à l’aval. Plus de 2 000 ouvrages ont été construits depuis près de 15 ans à titre expérimental, dans divers sites du grand bassin de la Durance.
Les recherches ont prouvé l’efficacité de cette solution de génie végétal pour diminuer la sédimentation fine, avec une bonne estimation de son coût et de son efficacité. Son application dans ces milieux montagnards et méditerranéens a ainsi permis de contrôler, à l’amont du grand bassin versant de la Durance, la sédimentation issue des terrains érodés (marneux en particulier), tout en restaurant une couverture végétale sur les terrains dégradés. À l’aval, elle doit permettre de réduire le risque d’inondation aux abords de la Durance et de ses affluents, tout en œuvrant pour la restauration de la qualité physique naturelle des cours d’eau du grand bassin.
Ces résultats de recherche ont été traduits sous forme de règles, d’un plan préliminaire et de simulations d’intervention par génie végétal à l’échelle du territoire de la Durance.
Cette vidéomotion permet de visualiser la stratégie innovante de génie végétal pour le contrôle de l’érosion et de la sédimentation. Une autre vidéo montre quant à elle l’effet de ce type d’ouvrages lors d’un orage.
À ces expérimentations sud-alpines, il faut ajouter la possibilité d’utiliser d’autres types d’ouvrages de génie végétal dans des situations variées (versants, berges de torrents…) ; il faudra cependant déterminer dans quelle mesure ces ouvrages contribuent directement ou indirectement à la prévention des inondations.
La recherche dans le domaine de l’ingénierie écologique et du génie végétal se développe ainsi depuis plusieurs années. Interdisciplinaire par nature – elle rapproche l’écologie et les géosciences mais aussi les sciences humaines et sociales et l’économie –, elle rend ses résultats accessibles pour le développement des compétences en ingénierie végétale et écologique. Aujourd’hui toutefois, l’appropriation de ces nouveaux savoirs et savoir-faire par les ingénieurs-conseils, les gestionnaires et les décideurs reste à mettre en œuvre.
Freddy Rey, Directeur de recherche en écologie ingénieriale, Irstea
La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.
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