Un tir « injustifié », « hors de tout cadre légal » : presque trois ans après avoir causé la perte d’un œil chez un manifestant, un CRS vient d’être renvoyé aux assises pour l’usage d’une grenade de désencerclement, arme de nouveau vivement contestée avec le mouvement les « gilets jaunes ».
Deux juges d’instruction parisiens ont décidé lundi la tenue d’un procès criminel devant un jury populaire pour ce brigadier-chef de 50 ans.
Son tir de grenade, le 15 septembre 2016 à Paris lors d’une manifestation contre la loi Travail, a gravement blessé Laurent Theron, un militant syndical de SUD de 48 ans, aujourd’hui « définitivement aveugle de l’œil droit », selon l’ordonnance des juges d’instruction rendue le 20 mai dont l’AFP a eu connaissance.
L’avocat du policier a annoncé mardi son intention de faire appel de cette décision pour contester la qualification criminelle retenue par les juges, celles de « violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente par personne dépositaire de l’autorité publique ».
À l’époque, le projet de loi du gouvernement Valls était combattu depuis six mois au cours de régulières manifestations, émaillées de violences, pour dénoncer une réforme « ultralibérale ».
Presque trois ans après avoir causé la perte d’un œil chez un manifestant, un CRS vient d’être renvoyé aux assises pour l’usage d’une grenade de désencerclement lors d’une manifestation contre la Loi Travail. https://t.co/EyXIJRWy0y
— Gilets Jaunes Paris #Acte28 (@GiletsJaunesGo) 22 mai 2019
Après une manifestation, alors que les forces de l’ordre dispersaient les gens après de violents heurts, le brigadier-chef est accusé d’avoir lancé à ce moment-là une grenade de désencerclement (GMD) « hors de tout cadre légal et réglementaire », concluent les juges.
Selon les vidéos et les témoignages recueillis, le policier et sa compagnie n’étaient alors « ni assaillis, ni encerclés, ni même réellement pris à partie », ce qui exclut la justification de la légitime défense ou de la sauvegarde de son intégrité physique ou de celle d’autrui.
Le policier se voit aussi reprocher d’avoir « agi de sa propre initiative, sans recevoir d’ordre », contrairement à la doctrine d’emploi des GMD.
Enfin, il n’était pas habilité à se servir de cette arme puissante – 18 galets en caoutchouc de 10 grammes environ, projetés à 125 m/s – qu’il aurait, selon l’hypothèse privilégiée par l’enquête, lancée en cloche et non au ras-du-sol comme exigé.
« Cette décision le marque beaucoup ; s’il a fait une erreur, il n’a pas l’impression néanmoins d’avoir commis un crime », a réagi son avocat Me Laurent-Franck Liénard.
« Il est persuadé d’avoir lancé une grenade pour se protéger, lui et ses collègues. Elle a atteint la victime par accident », a ajouté l’avocat.
« aucun policier n’ai été sanctionné pour les blessures de guerre des manifestants GJ »
Faut que je recherche mais de mémoire il s’agit d’un crime lorsque c’est commis par des représentants de l’ordre public, et donc les GJ ont 20 ans pour porter plainte devant une cour d’assises— lionel aubert (@lionel_a) 16 mai 2019
Les juges n’ont donc pas suivi le réquisitoire du parquet de Paris, qui demandait un renvoi devant le tribunal correctionnel, en contestant l’existence d’une infirmité permanente « en l’état des certificats médicaux au dossier » et en invoquant « l’intérêt d’une bonne administration de la justice ».
« Le parquet a tenté de gommer cette infirmité pour éviter les assises, sans l’accord de la partie civile, probablement vu le contexte de contestations de ce matériel dangereux », s’est étonné Me Julien Pignon, l’avocat de Laurent Théron.
Le recours aux GMD, tout comme aux lanceurs de balles de défense (LDB), fait en effet l’objet d’une vive controverse en France, ravivée récemment par la gestion, chaque samedi, des manifestations des « gilets jaunes ».
Mains arrachées, manifestants éborgnés, jambes criblées d’éclats : les blessures, parfois graves, de dizaines de personnes ont été attribués à ces armes, retenues dans la doctrine du maintien de l’ordre en France, elle-même très contestée.
Depuis le début du mouvement des « gilets jaunes » le 17 novembre, 2 448 manifestants ont été blessés, selon un décompte de l’Intérieur mi-mai qui dénombre aussi 1 797 blessés côté forces de l’ordre.
« Alors que les policiers doivent faire face à des agressions de plus en plus violentes (…), comment ces juges peuvent-ils prendre une telle décision ? », a dénoncé Yves Lefebvre, secrétaire général d’Unité SGP police.
Concernant la contestation de 2016, une information judiciaire est toujours en cours à Paris : le 26 mai, Romain Dussaux avait été grièvement blessé à la tête et un autre manifestant blessé à la jambe, probablement par un tir de GMD.
D. S avec AFP
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