Maria Stuarda au Théâtre des Champs-Élysées

23 juin 2015 09:55 Mis à jour: 18 octobre 2015 14:23

 

Le théâtre des Champs-Élysées présente l’opéra Maria Stuarda, coproduit avec le Royal Opera House de Londres. La tragédie lyrique de Donizetti, librement inspirée du drame de Schiller publié en 1800, se déroule en 1587 et nous fait partager les derniers instants d’une reine écossaise mythique, prisonnière de sa cousine anglaise Élisabeth Ire. L’opéra Maria Stuarda (1835) fait partie d’une trilogie sur les Tudors qui commence avec Anna Bolena (1830) et s’achève avec Roberto Devereux (1837).

Cet opéra de Donizetti –qui permet au spectateur de remonter le temps et de plonger dans la Renaissance anglaise avec son inépuisable fond d’intrigues politiques et religieuses, ses complots et ses exécutions – est aussi annonciateur de Verdi par son réalisme expressif.

Deux reines rivales

Malgré la très courte période durant laquelle Marie Stuart fut reine de France (un an et quelques mois), elle a été – et demeure encore aujourd’hui – la reine de France la plus populaire du XVIe siècle. Marie Stuart, née en 1542 de mère française, déclarée reine d’Écosse à son sixième jour, est accueillie par la France du temps des Valois, afin de la protéger des Anglais, à la veille de ses six ans. Au sein de la plus prestigieuse des cours, l’enfant brillait par son intelligence et son charme. Ronsard et Du Bellay la célébrèrent dans leurs vers, Jean Clouet réalisa son portrait. Bientôt mariée avec le dauphin François II, fils de Catherine de Médicis, la jeune reine de France se retrouva veuve un an plus tard.

Alors que la protestante Élisabeth monte sur le trône d’Angleterre en 1558, Marie Stuart, catholique, conteste un temps sa légitimité et se proclame à son tour souveraine de ce pays. Élisabeth ne le lui pardonnera jamais.

Le destin d’Élisabeth bascule alors vers l’inexorable enchaînement de maladresses et d’intrigues politico-religieuses qui la précipiteront vers la fin tragique dont l’opéra reflète l’horreur fatale.

Le génie de Schiller nous vaut un chef-d’œuvre lyrique autour de cette confrontation passionnée dont les livres d’histoire nous disent qu’en vérité elle n’eut jamais lieu.

L’opéra se déroule au château de Fotheringay où Marie Stuart reine d’Écosse est incarcérée depuis 18 ans sous l’ordre d’Élisabeth reine d’Angleterre.

Le théâtre des Champs-Élysées présente l’opéra Maria Stuarda en coproduction avec le Royal Opera House de Londres.  (Vincent Pontet)
Le théâtre des Champs-Élysées présente l’opéra Maria Stuarda en coproduction avec le Royal Opera House de Londres. (Vincent Pontet)

Marie s’était imprudemment réfugiée en Angleterre alors qu’elle fuyait son pays sous le coup d’une sombre accusation d’assassinat de son deuxième époux lord Darnley. Élisabeth ne se détermine pas à signer la condamnation à mort de sa cousine et la reine des Écossais attend son sort inéluctable.

Donizetti et son jeune librettiste de 17 ans, Giuseppe Bardari, ont privilégié les motifs romancés de la rivalité entre les deux reines que tout oppose. Les deux reines se ressemblent pourtant psychologiquement. L’angélique Marie peut s’avérer colérique et offensante. À la pureté et au raffinement de son rôle nuancé succèdent des moments intenses d’expressivité. Elisabetta, quant à elle, dure et froide la plupart du temps s’avère fragile et humaine. La force du livret réside dans la ressemblance entre ces deux femmes atteintes dans leur dignité et leur identité profonde.

Maria Stuarda est aussi l’occasion de confronter deux divas. La première générale de l’opéra fut d’ailleurs marquée par un vrai combat entre les deux prima donna de l’époque.

Un conflit à double niveau

Le drame de l’opéra réside dans l’opposition entre la reine déchue Maria Stuarda et la puissante souveraine Elisabetta engendrant un affrontement aussi violent que spectaculaire.

Le drame s’intensifie d’autant plus autour d’une histoire d’amour. Le comte Leicester pour qui la reine d’Angleterre a plus qu’un penchant, tombe amoureux de la ravissante et charmante Maria Stuarda. Le conflit politique et religieux entre Elisabetta l’anglicane et Maria la catholique prend une dimension passionnelle. La lutte sans merci entre les deux femmes constitue le cœur même de l’ouvrage donizettien.

 Une mise en scène actualisée

À cet opéra viscéral – mettant en scène les passions de ces deux reines – s’ajoute l’interprétation actualisée des deux scènographes Moshe Leiser et Patrice Caurier qui juxtaposent l’époque des évènements avec la nôtre. Leur mise en scène risque de troubler le public et de créer une polémique parmi les critiques.

Les deux reines placées dans un cadre contemporain sont les seules à porter des costumes. Ainsi Élisabeth, vêtue d’une grande robe à collerette, fait le discours d’ouverture depuis un pupitre fourni de micros alors que ses courtisans, en costumes contemporains, sont assis dans des canapés Chesterfield.

Le contraste des contextes s’avère efficace malgré le risque de perdre parfois la simplicité émotionnelle qui caractérise certaines arias.

Tout comme la musique de Donizetti, la mise en scène isole les deux reines des autres personnages créant un décalage avec leur environnement. L’anachronisme invite à une réflexion. Les deux reines jouant à la politique prennent la place qui était réservée aux hommes à l’époque. Quoi qu’elles fassent, elles sont condamnées à l’échec : l’une est condamnée à mort tandis que l’autre est condamnée à gouverner un pays mais aussi à renoncer à ses sentiments.

Lorsque la reine d’Écosse évoque son enfance en France, le parc du château apparaît comme une immense prairie fleurie.  (Vincent Pontet)
Lorsque la reine d’Écosse évoque son enfance en France, le parc du château apparaît comme une immense prairie fleurie. (Vincent Pontet)

Un décor marquant

Les fabuleux décors de Christian Fenouillat enrichissent la mise en scène : à partir de l’Acte II, un décor unique sert cette production et Fotheringay prend la forme d’une vaste prison.

Lorsque la reine d’Écosse évoque son enfance en France, le parc du château apparaît comme une immense prairie fleurie. Lors du final, un grand cube blanc devient le cadre de l’exécution de Maria Stuarda refusant tout excès de romantisme.

L’intensité de la star montante soprano Aleksandra Kurzak interprétant une Maria Stuarda passionnée est opposée ici à l’agilité du bel canto de Carmen Giannattasio interprétant Elisabetta dont le rôle est basé sur la virtuosité.

Pour les amoureux d’opéra romantique italien, Maria Stuarda est d’abord l’opportunité d’une formidable rivalité vocale néo-belcantiste entre deux sopranes, souveraines dans tous les sens du terme, culminant sur une spectaculaire scène de confrontation.

 

Infos pratiques

Maria Stuardade Gaetano Donizetti Drame lyrique en deux actes (1835)

Livret de Giuseppe Bardari, d’après la tragédie éponyme de Friedrich von Schiller

Théâtre des Champs-Elysées, 15 avenue Montaigne, 75008 Paris. 01 49 52 50 50.  Du jeudi 18 au samedi 27 juin à 19H30

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