Soutenue par Gérald Darmanin et Bruno Retailleau mais contraire à la jurisprudence constitutionnelle, l’interdiction du mariage pour les étrangers en situation irrégulière fait l’objet d’un vote jeudi au Sénat, une initiative centriste qui désespère la gauche.
« Le mariage ne peut être contracté par une personne séjournant de manière irrégulière sur le territoire national » : la proposition de loi du sénateur de la Somme Stéphane Demilly tient en une phrase.
« Ce texte est simple, univoque, laconique », résume auprès de l’AFP son auteur, « choqué » de voir les maires priés de « lire des articles de la loi française à de futurs époux alors qu’ils n’ont rien à faire dans le pays ».
L’initiative du parlementaire, qui date de la fin 2023 et sera débattue à partir de 10h30, entend répondre par la loi à l’affaire du maire UDI d’Hautmont (Nord), Stéphane Wilmotte, assigné en justice par un ex-responsable de mosquée expulsé vers l’Algérie qu’il avait refusé de marier en juin 2023.
L’objectif de l’élu à la Haute assemblée : lutter contre des mariages « blancs » ou « gris », c’est-à-dire simulés, arrangés ou frauduleux ; contractés pour obtenir par la suite la nationalité française.
Son examen intervient de surcroît deux jours après la convocation devant le procureur de Montpellier du maire de Béziers (Hérault), Robert Ménard, poursuivi pour avoir refusé de célébrer un mariage entre une Française et un Algérien en situation irrégulière, en juillet 2023. L’édile, qui estime « ubuesque » de plaider coupable, risquait en théorie jusqu’à cinq ans de prison, une amende de 75.000 euros et une peine d’inéligibilité.
Approbation de l’Intérieur et de la Justice
L’actualité judiciaire et l’agenda parlementaire se rejoignant, ce dossier a rapidement gagné le sommet du pouvoir, avec des prises de position des ministres de la Justice et de l’Intérieur, Gérald Darmanin et Bruno Retailleau, en faveur de cette proposition de loi.
Il faut que la loi « change » pour que le maire puisse « s’opposer à un mariage », a insisté le garde des Sceaux, le locataire de Beauvau estimant lui que « quand la règle est mal faite, il faut la modifier ».
Mais la jurisprudence du Conseil constitutionnel est très claire sur ce sujet : « Le respect de la liberté du mariage (…) s’oppose à ce que le caractère irrégulier du séjour d’un étranger fasse obstacle, par lui-même, au mariage de l’intéressé », indiquent les Sages dans une décision de 2003.
Même la commission des Lois du Sénat, dominée par la droite, l’a reconnu : ce texte semble « impossible » à adopter « en l’état ». Et la gauche n’a pas manqué de le rappeler ces derniers jours.
« Fantasmes », « xénophobie » et « racisme »
« Cette proposition est au cœur d’une offensive du gouvernement et de la droite qui ne cessent de reprendre le programme de l’extrême droite », s’alarme auprès de l’AFP la sénatrice socialiste Corinne Narassiguin, qui fustige un texte qui « alimente des fantasmes et amplifie un climat anxiogène de xénophobie et de racisme ».
L’élue pointe aussi la « volte-face » de Gérald Darmanin, qui s’était clairement opposé à cette proposition lors des débats sur la loi immigration fin 2023 devant la chambre haute.
« Une partie de la classe politique, sous l’influence de l’extrême droite, tente de remodeler nos lois au service d’une vision discriminatoire de la société », a réagi l’association SOS Racisme dans un communiqué.
Mais l’alliance LR-centristes, majoritaire au Sénat, n’a pas dit son dernier mot et entend bien adopter cette disposition malgré tout jeudi matin, tout en l’assortissant d’autres dispositifs jugés plus « solides » juridiquement.
Caractériser une « absence de consentement »
Elle propose ainsi une mesure pour imposer aux futurs époux de nationalité étrangère de fournir au maire des justificatifs de séjour. Cet outil devant permettre aux maires de caractériser une « absence de consentement » suspectée, par exemple, avant de saisir le procureur de la République, seule autorité pouvant interdire une union.
Les sénateurs proposent aussi d’allonger le délai du « sursis au mariage », soit le temps d’enquête du procureur saisi par le maire en ce sens. Sursis qui serait réputé automatique en l’absence de réponse du procureur sous 15 jours.
Autant d’aménagements destinés à « trouver une voie de passage », insiste Stéphane Demilly, qui estime que « ce n’est pas parce que le Conseil constitutionnel dresse un immense nuage noir au-dessus de nos têtes qu’on n’a pas le droit d’essayer de passer à travers ».
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