Dans les eaux azur de la mer Rouge, à plus de trois mètres de profondeur, Assaf Zvuloni, chercheur en écologie marine, saisit à pleine main un corail rouge vif accroché à un pilier en métal supportant une jetée.
Des travaux d’entretien sont programmés sur cette jetée pétrolière qui s’avance de plusieurs centaines de mètres dans la mer. Si on ne déplace pas les coraux qui ont élu domicile ici, avec tous les bienfaits qu’ils produisent sur la vie sous-marine, leurs jours sont comptés.
Alors Assaf Zvuloni et son collègue israélien Assaf Habary revêtent leur équipement de plongée, pour s’immerger avec burins et marteaux. « Il faut les sauvegarder », dit M. Habary, de l’Autorité gouvernementale israélienne chargée de la protection de la vie sauvage: « préserver la santé de l’écosystème », c’est important.
Sous l’eau et sous les yeux des journalistes de l’AFP, il place son burin à la base d’un corail et entreprend de taper précautionneusement. Les percussions métalliques rompent le silence marin. Le corail se sert des piliers de la jetée, près de la ville balnéaire d’Eilat à l’extrémité sud d’Israël, comme d’un récif artificiel, créant des mosaïques chatoyantes qui font vivre une grande partie de l’écosystème marin environnant.
Alors que les rives israéliennes de la mer Rouge sont largement accaparées par l’activité humaine et le tourisme, les abords de la jetée sont, eux, interdits aux bateaux et plongeurs, et le corail y prospère tranquillement. Mais, avec les travaux prévus sur l’installation, l’Autorité a reçu pour mission de le déplacer.
Le corail rouge s’est détaché sous les coups de marteau. Assaf Zvuloni le dispose avec soin à côté d’autres coraux dans une caisse en plastique rose. Les deux plongeurs rejoignent ensuite la surface, où les attend Avi, pilote du petit bateau à moteur qui les a amenés. Ce dernier se penche pour saisir la caisse et la place dans un vaste conteneur bleu à l’arrière du bateau qui oscille sur les flots.
L’embarcation regagne à toute allure l’observatoire sous-marin proche. C’est là que la plus grande partie des coraux est transférée, soit sur le récif, soit dans un vaste aquarium. Une partie moindre est acheminée vers des structures pédagogiques locales, et même jusqu’à l’aquarium du zoo de Jérusalem, à des centaines de kilomètres plus au nord.
En un an, un millier de coraux a ainsi été délocalisé, estime Assaf Zvuloni, depuis la jetée pétrolière ou d’autres infrastructures voisines, mais aussi depuis des déchets déposés au fond de la mer. Tous les coraux ne survivent pas à la transplantation.
Et tous ne se laissent pas faire. Les deux scientifiques passent de longues minutes à essayer de disjoindre de sa base un corail jaune en forme de dôme, avant de se résigner à revenir. « Il va falloir un pied de biche », constate Assaf Habary gravement.
Chaque corail abrite des animaux et des plantes. « Les coraux sont d’une manière générale des animaux très importants, ils font vivre leur environnement. Il en va de bien plus que le corail lui-même », dit M. Zvuloni.
Le réchauffement climatique et la hausse des températures de l’eau font blanchir et mourir les coraux un peu partout dans le monde. La Grande Barrière de corail en Australie, inscrite au Patrimoine mondial par l’Unesco, a connu quatre épisodes graves de blanchissement ces 20 dernières années.
Mais les coraux du nord de la mer Rouge résistent pour le moment, au point d’être devenus un sujet d’étude en Israël. « La stabilité, ces jours-ci, c’est un privilège », déclare Assaf Zvuloni. Les scientifiques mettent cependant en garde contre les autres dangers qui menacent cette exception locale.
Guilhem Banc-Prandi, un biologiste marin français de 25 ans qui prépare un doctorat à l’Institut inter-universitaire des sciences de la mer d’Eilat, souligne le péril que représente la pollution par les métaux lourds. Le fait que les récifs au large d’Eilat soient proches du rivage augmente le risque, exposant quotidiennement la baie aux toxines et à la pollution provenant des activités humaines et de l’industrie, selon lui.
Pour contrer la menace, à Eilat comme ailleurs, il a créé l’ONG WeSea, qui se propose de sensibiliser et d’éduquer le public. « Nous croyons fermement que la sensibilisation et l’éducation peuvent changer le sort de l’écosystème marin », dit le biologiste. Sauver le corail ne revêt pas seulement une importance écologique, c’est un « devoir moral », insiste Assaf Zvuloni.
D’après Assaf Habary, la plupart des gens mis en présence de coraux ne se rendent pas compte qu’ils sont vivants. Mais « c’est un animal, et un animal très sensible, qui doit être préservé ».
D.C avec AFP
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