NEW YORK – Au cours des 15 dernières années, seul un téléphone portable a permis à Steven Wang et à sa famille qui vit en Chine, de l’autre côté de l’océan, de rester unis.
C’est un appel téléphonique qui lui a appris la mort de son père en 2009 – une insuffisance rénale suite à des années de torture dans une prison chinoise, simplement en raison de sa croyance.
Lors d’un autre appel téléphonique, Steven a appris l’arrestation de sa mère en juillet 2022. En mars 2023, il a appris qu’elle avait été condamnée à quatre ans de prison, pour les mêmes raisons que celles qui avaient conduit son père en prison.
C’est douloureux pour Steven de savoir que le lien qui l’unit à ses proches est si fragile.
« Dans ma famille, je suis toujours le dernier à savoir », a confié Steven à Epoch Times depuis son domicile dans l’État de New York.
Steven Wang, un danseur professionnel de 36 ans et citoyen américain, est né à Shaoyang, dans le centre de la Chine, la ville où il a vécu pendant les deux premières décennies de sa vie. Mais il ne peut pas y retourner aujourd’hui, malgré l’inquiétude qu’il éprouve pour sa famille.
Tout comme ses parents, Steven pratique la discipline spirituelle du Falun Gong qui est brutalement réprimée par le Parti communiste chinois depuis plus de deux décennies.
Le Falun Gong est une méthode ancestrale comprenant cinq exercices méditatifs paisibles et des enseignements visant à harmoniser le corps et l’esprit selon les principes universels d’authenticité, de bienveillance et de tolérance. Les sources officielles estimaient qu’environ 70 à 100 millions de personnes de tous horizons le pratiquaient dans les années 1990. Le régime communiste percevait cette popularité comme une menace à son emprise autoritaire sur le pouvoir.
Depuis 1999, les personnes qui pratiquent le Falun Gong ont été la cible d’une campagne d’éradication implacable de la part du régime. Une campagne qui a tué, emprisonné ou réduit à l’esclavage des centaines de milliers de pratiquants tels que le père de Steven, et a maintenu le reste de la communauté du Falun Gong sous la menace constante de la persécution.
Il y a quinze ans, lorsque Steven a quitté son domicile pour New York, sa mère Liu Aihua l’a accompagné jusqu’à l’aéroport.
« Prends bien soin de toi », lui avait-elle dit lors de leurs adieux.
À l’époque, Steven avait suivi une formation en danse classique chinoise pendant 12 ans. Désireux de porter son art à un niveau supérieur, il allait à l’étranger pour rejoindre Shen Yun Performing Arts, une compagnie basée à New York dont la mission est de faire revivre les 5000 ans de culture chinoise traditionnelle qui a été presque détruite par le régime communiste.
Il était loin de se douter que ce serait la dernière fois qu’il parlerait en personne avec sa mère.
Une famille transformée
Les parents de Steven, qui a trois sœurs aînées, étaient autrefois professeurs au collège. Mais avoir plus d’un enfant était interdit à cette époque par le régime dans le cadre de sa politique de l’enfant unique. Cette décision a coûté aux parents de Steven leurs emplois, et les a contraints à créer de petites entreprises pour gagner leur vie. Cette situation a mis à rude épreuve ses parents qui souffraient également de divers problèmes de santé.
Steven attribue au Falun Gong, qui enseigne les principes d‘authenticité, de bienveillance et de tolérance, le mérite d’avoir apporté l’harmonie à sa famille. Le diabète de son père, l’hypertension et les problèmes cardiaques de sa mère ont disparu après avoir commencé à pratiquer le Falun Gong en 1996.
Si Steven se comportait mal, au lieu de le battre comme c’est l’habitude en Chine, ils lui parlaient avec raison et écoutaient son point de vue.
Mais la persécution généralisée par le régime en 1999 a bouleversé leur vie familiale paisible.
En 2003, cinq mois après son quatrième séjour en prison, le père de Steven était émacié et souffrait de diabète et d’insuffisance rénale.
« Si cet homme n’est pas libéré aujourd’hui, demain il sera un cadavre », avait averti le médecin de la prison aux gardiens, selon un récit de Minghui, un site web basé aux États-Unis qui documente la persécution du Falun Gong.
Craignant d’être tenus pour responsables de sa mort, les gardiens l’ont libéré.
Lorsque Steven a quitté la Chine en 2008, la santé de son père s’était tellement détériorée qu’il avait besoin d’analgésiques pour dormir. Steven se souvient que, pendant les vacances scolaires en Chine, il massait fréquemment le corps de son père pour soulager ses souffrances.
Ce jour fatidique de novembre 2009, Steven a téléphoné chez lui, espérant entendre la voix familière de son père, dont les gentilles critiques et les encouragements l’avaient aidé à prendre la bonne direction dans la vie.
Au lieu de cela, sa mère a décroché et lui a annoncé que son père était mort d’une insuffisance rénale.
Steven s’est caché dans un placard et a pleuré pendant plus d’une heure, ayant l’impression que « le ciel lui était tombé sur la tête ».
« Quelque chose que je n’avais vu qu’à la télévision m’arrivait tout d’un coup et, soudain, un pilier de ma vie disparaissait », a-t-il confié.
Il ne restait plus qu’un mois avant que sa compagnie de danse ne parte en tournée mondiale. Steven s’est tenu occupé : il a fait du jogging, s’est entraîné et a mémorisé des mouvements de danse pour échapper à la douleur.
Pourtant, tard la nuit, le chagrin revenait, et tout ce qu’il pouvait faire, c’était de « retourner dans ma chambre, m’envelopper dans une couverture et avaler tout ça, petit à petit ».
Ce sentiment d’impuissance le hante encore aujourd’hui.
« J’ai un foyer où je ne peux pas retourner », a-t-il dit, soulignant le risque élevé de persécution.
« Même lorsque mon père est mort, je n’ai pas pu le voir une dernière fois. »
Des années plus tard, alors que les autorités s’en prennent à sa mère, Steven ne peut à nouveau que regarder de loin.
« Cela n’a aucun sens »
Mme Liu, âgée de 69 ans, a été arrêtée 11 fois et a passé environ huit ans dans différents centres de détention avant sa dernière condamnation.
Selon la famille, la police l’a arrêtée une fois à l’hôpital, où elle s’occupait de sa deuxième fille qui était encore inconsciente après avoir accouché. Lors d’une autre arrestation, Mme Liu avait été détenue dans une pièce sombre et humide et contrainte à des travaux forcés pendant 17 mois, pour fabriquer des fleurs en plastique que l’établissement revendait ensuite avec un important bénéfice. La position assise prolongée sur un tabouret bas avait fait gonfler le bas de son corps et développé des plaies suppurantes.
Cette fois, le verdict pénal, daté du 1er mars, a cité la distribution de documents d’information sur le Falun Gong et des discussions sur cette pratique avec des habitants du pays comme preuves d’actes répréhensibles. Mme Liu a également été condamnée à une amende de 10.000 yuans (1400 euros), une somme considérable pour une personne vivant de ses économies.
La famille n’a pas vu Mme Liu depuis son arrestation en juillet dernier et ne sait pas grand-chose de son état de santé. Pendant des mois, les autorités ont rejeté leurs demandes de visite, invoquant les protocoles stricts du COVID de Pékin.
« Pourquoi arrêter une personne de 70 ans ? » a demandé Steven. « Cela n’a aucun sens. »
Mme Liu est actuellement détenue au centre de détention no 4 de Changsha. Elle fait appel de sa condamnation. Steven a lancé une pétition dans l’espoir d’attirer l’attention sur son sort.
« La peau et les os »
Steven n’a jamais été directement témoin des nombreuses perquisitions et arrestations dont sa famille a fait l’objet. Il a été en internat dès l’âge de 12 ans, et ses parents n’ont pas révélé grand-chose de leurs souffrances à Steven et à ses sœurs, pour leur permettre de se concentrer sur leurs études.
Cependant, les parents de Steven n’ont pas pu les protéger complètement de cette réalité effrayante.
Lors du Nouvel An chinois en 2002, période où les familles se réunissent pour la plus grande fête de l’année, les deux parents de Steven étaient en garde à vue, laissant le frère et ses 3 sœurs à la maison pour se débrouiller seuls. Steven avait 14 ans à l’époque.
« C’est la première fois que j’ai senti que notre famille n’était pas complète », a-t-il dit.
Plus tard dans l’année, Steven et ses sœurs ont rendu visite à leur père en prison. Ils lui ont apporté des vêtements chauds et du jambon en conserve fait maison.
Les gardiens ne laissaient pas les détenus parler aux visiteurs. De l’autre côté d’une vitre, Steven regardait avec inquiétude son père écrire des mots sur un tableau noir pour communiquer, bouleversé par la rapidité avec laquelle la vie en prison avait réduit son père de corpulence moyenne à « la peau et les os ».
« Tout ce que j’ai réussi à dire, c’est que j’allais bien et que j’avais gagné des prix lors de concours de danse », a-t-il dit.
« Des millions d’autres »
Lorsque Steven vivait en Chine, il avait du mal à faire face aux jeunes de son âge, car il lui était impossible d’expliquer comment ses parents avaient été emprisonnés à plusieurs reprises alors qu’ils n’avaient commis aucun crime. Dans cet environnement répressif, il n’était pas libre de parler ouvertement du Falun Gong ou de la persécution de ses parents, de peur d’être lui-même pris pour cible.
Mais, quelles que soient les émotions qu’il gardait en lui, il a pu les extérioriser en dansant au sein de la compagnie Shen Yun.
Lors de la tournée 2010 de la compagnie, Steven a interprété le père d’une jeune fille battue à mort pour avoir refusé de renoncer au Falun Gong.
Dans la prestation, juste avant le déclenchement de la campagne de terreur du régime communiste, Steven prend la jeune fille dans ses bras et lui caresse les cheveux, une scène qui lui rappelle la façon dont son propre père le portait sur son épaule lorsqu’il était jeune.
« Je me sentais si bien, si en sécurité », a-t-il dit.
Vivant dans un pays libre, Steven s’est engagé à faire entendre la voix de ceux qui ne peuvent s’exprimer en Chine communiste.
« Il ne s’agit pas seulement de ma famille. Des millions d’autres familles sont confrontées à une telle situation, voire pire. »
Alors que Steve attend nerveusement d’autres appels téléphoniques en provenance de Chine, il trouve un certain réconfort dans la résilience de sa mère.
« Au moins, elle reste fidèle à sa foi et fait ce qu’elle croit juste. »
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